"En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées". En ce qui concerne la gestion des stocks d’or de la Banque de France, on pourra désormais singer ce célèbre slogan d’une publicité des années 70 pour : "En France on avait de l’or mais que des mauvaises idées".
Remontons un peu en arrière. Nous sommes en mai 2004. Nicolas Sarkozy, alors tout frais ministre de l’Economie, annonce la vente de 500 à 600 tonnes d’or de la Banque de France sur 5 ans. La France pourra placer l’argent ainsi dégagé sur des devises et des placements obligataires, dont les intérêts serviront à réduire la dette.
Un communiqué de presse commun du ministère de l’Economie et de la Banque de France daté du 19 novembre 2004 précise que le rythme de mise en oeuvre du programme de vente doit dépendre en particulier "de l’évolution des cours observés sur le marché de l’or". Objectif affiché : 100 millions d’euros de recettes supplémentaires pour l’Etat dès 2005 et plus de 200 millions d’euros par an à terme.
Les cours explosent, les pays européens limitent leurs ventes
Question timing sur les cours, on a connu mieux. Entre 2004 et 2011, le prix moyen de l’once d’or a explosé : il est passé de 409,72 dollars à 1 384,21 dollars.
Le timing est d’autant plus étrange qu’en Europe, les banques centrales des pays membres de l’Eurosystème, qui regroupe la Banque centrale européenne et les banques centrales des Etats de la Zone euro, ainsi que la banque nationale suisse et la Sveriges Riksbank (banque centrale de Suède) ont décidé en 2004 de limiter leurs ventes d’or. En tout, les banques se sont engagées, dans le cadre du CBGA 2 (Gold sales Under the Central Bank Gold Agreements) qui couvrait la période 2004-2009, à ne pas vendre plus de 500 tonnes d’or par an pendant cinq ans.
La France cède 20% de ses réserves d’or
La France, signataire de cet accord, liquide autant qu’elle le peut. Le stock d’or de la Banque de France passe d’un peu plus de 3 000 tonnes en 2004 à 2 445 tonnes fin juillet 2009. Soit un peu moins de 20% de ses stocks. Depuis, le montant des réserves est resté quasiment inchangé, puisqu’en janvier 2011, la France détenait pour 2 435,4 tonnes d’or.
Au total, ce sont 572 tonnes qui ont été vendues par la France entre 2004 et 2009, d’après les données du World Gold Council. En tout, cela représente tout de même près de 40% des ventes totales de stocks d’or par l’ensemble des pays de la Zone euro sur la période.
Une moins-value de neuf milliards d’euros
572 tonnes d’or donc. A MoneyWeek, nous nous sommes amusés à faire une évaluation de ce que cela représente. Nous avons pris en compte les périodes de vente des stocks d’or, l’évolution du cours de l’once d’or en dollar et la parité euro / dollar de l’époque. Nous arrivons ainsi à un montant de 8,96 milliards d’euros courants.
Malheureusement pour l’Etat, ses têtes pensantes ne semblent pas abonnées à MoneyWeek. Si la France avait vendu ces 572 tonnes aujourd’hui, elle aurait touché deux fois plus d’argent, soit un montant supérieur à 18 milliards d’euros.
A l’origine, comme nous vous le disions au début, cet argent devait être placé pour rapporter des intérêts à l’Etat. Imaginons qu’avec "une gestion de bon père de famille", la France ait pris des bonds du Trésor allemand à 10 ans, une valeur sûre, avec un taux à 3,3% ces dernières semaines. Les intérêts représenteraient, avec le taux actuel en année pleine, environ 300 millions d’euros par an. Une goutte d’eau dans la dette publique abyssale de l’Hexagone (1 574,6 milliards d’euros au troisième trimestre 2010). Alors pourquoi vendre cet or ?
Une goutte d’eau dans un océan de dettes
Il est vrai qu’amasser le métal jaune à la Picsou ne remplira pas les caisses de l’Etat. Vous ne pouvez pas en faire grand chose en matière de rendements financiers. L’or ne rapporte pas. Mais l’intérêt, justement, de l’or pour une banque centrale est ailleurs. Le métal précieux fait partie des actifs et lorsque son cours grimpe comme ces dernières années, en avoir une grande quantité permet de stabiliser sa monnaie et de crédibiliser sa dette. D’autant plus quand le club mondial des faux monnayeurs (la Fed, la BCE et le Japon) s’en donne à coeur joie et que l’inflation décolle. Vous voyez où je veux en venir...
Nuançons cependant nos propos. La France dispose encore du cinquième stock d’or de la planète derrière les Etats-Unis, l’Allemagne, le FMI et l’Italie. La Chine, elle, est juste derrière, et cherche à acquérir autant du précieux métal jaune qu’elle peut. Il est vrai que c’est un actif plus intéressant que les bons du Trésor US dont elle ne sait plus quoi faire.