Dans un premier temps, la monnaie unique a diminué le coût de la dette de certains pays. Mais cette baisse était illusoire et temporaire. La récession revenue, les écarts ont explosé, faisant de l’euro un parapluie pour beau temps, comme le démontre The Economist.
De la Grande-Bretagne et de l’Espagne
Ce n’est pas la première fois que la comparaison entre ces deux pays permet de souligner les vices de l’unification monétaire européenne. Déjà, Paul Krugman avait rebondi sur un article de Martin Wolff pour souligner que l’euro provoquait une prime de risque pour Madrid par rapport à Londres. Depuis, de nouveaux travaux rapportés par The Economist, dont certains du dernier « prix Nobel » d’économie, renforcent encore cette interprétation des faits.
La comparaison entre le Royaume Uni et l’Espagne est particulièrement éclairante. Les troisième et cinquième économies de l’Union Européenne présentent des caractéristiques bien particulières. En effet, toutes deux étaient faiblement endettées avant le début de la crise (moins de 45% du PIB). En revanche, Madrid était plus rigoureuse que Londres, avec un budget excédentaire de 2005 à 2007 alors que Londres présentait des déficits supérieurs à 3% de son PIB.
Depuis, les deux pays ont très largement stimulé leurs économies, atteignant des déficits abyssaux de plus de 10% du PIB. Mais l’Espagne a déjà largement entamé le rééquilibrage de ses finances publiques avec un déficit inférieur à 6% cette année, contre plus de 8% pour la Grande-Bretagne. Résultat, la dette espagnole atteint environ 70%, contre 80% outre-Manche. Pourtant, la gestion plus rigoureuse de l’Espagne est sanctionnée par des taux longs à 5.5% contre 2.3% pour Londres.
La conséquence de la perte de souveraineté monétaire
A priori, les marchés devraient accorder de biens meilleures conditions à Madrid, qui a démontré depuis dix ans une plus grande rigueur, lui permettant d’être à la fois moins endettée et moins déficitaire que Londres. Pourtant, il n’en est rien. Citant Chris Sims, lauréat annuel du prix d’économie de la Banque de Suède décerné en mémoire d’Alfred Nobel (qui n’avait créé de catégorie économie de son vivant), The Economist expose une théorie intéressante.
Pour le journal britannique, le fait d’avoir une banque centrale donne à des créditeurs une plus grande assurance de remboursement des créances. En effet, il reste toujours au pays la possibilité d’utiliser la planche à billet pour rembourser ses dettes. Certes, ce moyen peut provoquer de l’inflation s’il n’est pas utilisé avec mesure ou dans un mauvais contexte, mais il est tout de même largement préférable que pas de remboursement du tout pour un créancier…
Du coup, pour l’hebdomadaire libéral, dans des temps incertains, il n’est pas illégitime que les marchés financiers demandent une prime de risque pour un pays ayant renoncé à son pouvoir de création monétaire, puisqu’il augmente de facto le risque de défaut, quasi nul pour un pays qui peut encore monétiser. Dès lors, l’unification monétaire européenne serait directement responsable du renchérissement du coût des emprunts d’Etats auquel nous assistons depuis trois ans.
En clair, l’euro est encore une fois un parapluie pour beau temps, non seulement incapable de nous protéger dans des temps difficiles, mais au contraire responsable d’une aggravation de notre condition en des temps difficiles, comme le montre les écarts de taux historiques aujourd’hui.