Le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD), Alexandre Boulerice, presse à nouveau le gouvernement de Justin Trudeau de légiférer pour que « les plateformes de diffusion web comme Pornhub soient tenues responsables de leur contenu ».
« Actuellement, c’est le Far West », dénonce le député québécois, qui fait partie d’un groupe de 70 élus fédéraux qui demandent également une enquête criminelle sur MindGeek, société mère de Pornhub.
Le chef adjoint du NPD a ainsi réagi lundi aux révélations de La Presse sur le dur et long parcours d’une jeune Québécoise pour faire retirer des images intimes diffusées sans son consentement sur Pornhub, alors même qu’elle était soutenue par deux enquêteurs de police dans sa démarche.
« Ça fait des mois que le gouvernement Trudeau nous dit qu’un projet de loi s’en vient, poursuit le député du NPD. Pendant que le gouvernement se traîne les pieds, des gens en paient le prix, comme cette jeune femme victime de la diffusion d’images intimes sans son consentement. »
Questionné par La Presse, le ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbeault, assure que le projet de loi sera déposé « très bientôt ».
« Nous sommes impatients de présenter un nouveau cadre qui assurera une plus grande responsabilité et une plus grande transparence de la part des plateformes en ligne, et cela créera des espaces plus sûrs pour les Canadiennes et Canadiens en ligne. Nous travaillons à ce que les plateformes aient un devoir proactif de surveiller et de supprimer rapidement les contenus illégaux », a indiqué le ministre par courriel.
« Je suis extrêmement préoccupé à l’idée que la sécurité des Canadiennes et des Canadiens puisse être compromise sur les plateformes en ligne, quand on constate que des contenus tels que l’exploitation sexuelle des enfants, l’incitation au terrorisme et à la violence, les discours haineux et la diffusion non consensuelle d’images intimes y sont publiés sans être systématiquement ciblés, ni retirés par les plateformes. » (Steven Guilbeault, ministre du Patrimoine canadien)
« Étant donné la nature globale du problème », le Canada travaille avec des pays qui partagent des objectifs similaires en matière de réglementation numérique, autant en coalition que de manière bilatérale, précise-t-on au cabinet du ministre. Steven Guilbeault s’est entretenu avec ses homologues de l’Australie, de l’Allemagne, de l’Angleterre et de l’Union européenne, entre autres, sur cet enjeu, indique-t-on.
Le géant montréalais de la pornographie en ligne est plongé dans la tourmente après une enquête du New York Times l’accusant d’avoir toléré sur ses nombreux sites web de la pornographie juvénile, des vidéos d’agressions sexuelles et du matériel sexuel obtenu et diffusé sans le consentement des participants. Ces révélations ont poussé le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes à se pencher sur la question de la pornographie en ligne hébergée au Canada. La société mère de Pornhub, MindGeek – établie à Montréal –, fait aussi l’objet d’une demande d’action collective au Québec.
« Inacceptable et indigne »
La sénatrice indépendante Julie Miville-Dechêne, qui a fait de l’enjeu de la pornographie en ligne son cheval de bataille, trouve « inacceptable et indigne » le temps pris par Pornhub pour retirer le matériel pornographique mis en ligne sans le consentement de la jeune Québécoise.
Le fait que le policier qui a rempli le formulaire en ligne pour aider la jeune femme – « en s’identifiant comme policier » – n’ait réussi à parler à personne de l’entreprise pornographique, et que les échanges par courriel n’aient pu se dérouler en français, « ce ne sont pas des détails anodins », note-t-elle.
« Des changements importants doivent être apportés dans sa gestion des plaintes », soutient la sénatrice indépendante. Aux yeux de Mme Miville-Dechêne, la solution réside dans l’obtention par les sites de pornographie comme Pornhub du consentement de tous les participants avant la publication desdites images.
Rappelons que deux enquêteurs de la police de Sherbrooke affirment qu’il s’est écoulé près d’un mois entre leur première démarche et le retrait des vidéos. Pour sa part, Pornhub a indiqué par courriel à La Presse qu’après « de nombreuses recherches », il lui a été impossible de retracer les premières démarches alléguées des policiers. L’entreprise assure avoir retiré les vidéos « dans les heures suivant la démarche initiale ».
La députée du Parti libéral du Québec Christine Saint-Pierre, vice-présidente de la Commission parlementaire sur l’exploitation sexuelle des mineurs tenue l’an dernier, a aussi été ébranlée à la lecture de l’histoire de la jeune femme publiée lundi.
« C’est d’une tristesse inouïe. Je salue le courage de cette victime », a dit la députée libérale, qui souligne au passage la « détermination » des deux policiers de Sherbrooke et le soutien du CALACS de l’Estrie offert à la jeune femme. « Le gouvernement doit faire toute la lumière sur les activités de MindGeek et plus largement sur les activités de compagnies qui hébergent des serveurs de sites pornographiques au Québec », a ajouté la députée.