Le Kosovo demeure un sujet flou dans la mémoire collective française, coincée entre les guerres des Balkans des années 1990 et l’actualité contemporaine et la crise des réfugiés, qui font penser que le Kosovo n’est qu’un gigantesque terrain vague peuplé de Roms et disputé entre mafieux de différents clans balkaniques. C’est évidemment mal connaître cette province si importante pour la nation serbe et si stratégique pour l’Europe.
Revenons à l’origine. Le mot Kosovo est un mot serbe, il n’y a aucun doute là-dessus. Il est serbe comme sont serbes les noms des rivières, des villages, des montagnes de quasiment tout le territoire de ce que nous appelons aujourd’hui le Kosovo et où les Serbes vivent depuis le début du Moyen Âge. Pour les Serbes la dénomination exacte du territoire est même Kosovo et Métochie, Métochie signifiant « terre d’église », ce qui est lourd de sens dans les Balkans quand on connaît leur histoire. Sur cette terre les rois serbes ont bâti un royaume devenu empire au XIVe siècle et ont construit des forts, des églises, des monastères, des calvaires à perte de vue sur l’ensemble des terres du royaume, signe visible de leur épanouissement politique et de leur attachement à la chrétienté. Cet attachement au christianisme va révéler l’identité réelle des Serbes face à la poussée des Ottomans qui, à la même époque, veulent conquérir l’Europe et la soumettre à l’islam.
En 1389 au Kosovo Polje (ce qui en serbe signifie le champ des merles), le prince Lazar va oser affronter le sultan Mourad 1er sur le champ de bataille car, inspiré par une vision mystique, il choisira de mourir pour sa foi et mériter le « paradis céleste » plutôt que d’apostasier et vivre dans le « paradis terrestre ». Lors de la bataille le Sultan Mourad 1er et le prince Lazar mourront tous les deux et les deux armées seront décimées mais l’Empire ottoman a encore de nombreuses réserves alors que l’armée serbe perd une grande partie de sa chevalerie, de ses chefs.
Pour mesurer l’importance du Kosovo pour le peuple serbe il est primordial de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un rêve nostalgique et romantique de reconquête d’un territoire perdu. Le Kosovo représente pour les Serbes l’attitude de ses chevaliers à la bataille du Kosovo Polje où leur prince s’est héroïquement battu contre un empire beaucoup plus grand que le sien. Les chevaliers serbes auraient pu apostasier, se convertir à l’islam, faire allégeance au sultan et bénéficier de nombreux avantages mais ils ont préféré se battre pour leur foi chrétienne, leur royaume et leur peuple plutôt que de trahir. C’est cette image de sa noblesse héroïque qui va nourrir la culture serbe pendant les siècles d’occupation ottomane. Cette épopée sera chantée par des bardes (les guslars) dans les pesme qui seront transmis de génération en génération et rappelleront à chaque petit serbe qu’il a beau vivre en dhimmi sous l’occupation ottomane mais qu’il est de la race des seigneurs qui n’ont pas trahi. Les Serbes ainsi galvanisés par les exploits de leurs ancêtres vont mener la vie dure aux Ottomans et se soulever régulièrement contre leur autorité. Lors de chaque soulèvement la répression ottomane sera terrible comme en attestent les Mémoires d’un janissaire de Constantin Mihajlovic et de nombreux témoins de l’époque.
Le véritable drame des Serbes ne sera pas tant la répression des Ottomans, à laquelle ils se sont habitués, mais la conversion massive d’Albanais à l’islam au cours du XVIIe siècle. Les Albanais et les Serbes étaient des peuples voisins et proches, ils se sont battus ensemble contre les Ottomans et ont résisté chacun sur sa terre et souvent même ensemble contre la Sublime Porte. L’apostasie d’une majorité d’Albanais a été cruelle pour les Serbes car il n’y a rien de pire dans une guerre que de voir son frère d’armes abandonner le combat et rejoindre le camp de l’ennemi. Les Ottomans vont subtilement profiter de cette situation et régler leur problème serbe en faisant venir massivement les Albanais fraîchement convertis sur les terres fertiles serbes. Ces Albanais seront encore plus zélés et plus cruels que les Ottomans car le converti veut prouver au nouveau maître que sa conversion est sincère. L’histoire des Serbes du Kosovo sous l’occupation ottomane se résumera ainsi à une succession de soulèvements, de répressions, d’exode et de remplacement par des Albanais fraîchement convertis.
Il faut attendre les deux guerres balkaniques de 1912 et 1913 pour que les Serbes chassent enfin les Turcs de leur terre. Le Kosovo et la Métochie reviennent à la Serbie au sein du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes et les Serbes y retournent massivement. Pour le malheur des Serbes, la Seconde Guerre mondiale est déclenchée et de nouveau la Serbie est occupée.
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Revoir le reportage d’ERTV sur le voyage d’Alain Soral en Serbie en 2008 :