Pour le correspondant du Figaro à Berlin, la grande coalition d’Angela Merkel est plus que jamais condamnée à cohabiter.
Le double scrutin régional en Hesse et en Basse-Saxe s’est soldé pour les deux partis de la grande coalition d’Angela Merkel par des victoires à la Pyrrhus qui augurent mal des dix-huit mois à passer encore en cohabitation forcée jusqu’aux législatives de 2009. Issue des élections de septembre 2005 qui avaient mis un terme à huit ans de gouvernement « rouge-vert » de Gerhard Schröder, l’équipe disparate au pouvoir à Berlin risque de devoir se cantonner, à en croire le quotidien conservateur Die Welt, à la « gestion de l’immobilisme ».
Les conservateurs CDU peuvent certes se targuer de rester au pouvoir en Basse-Saxe où leur coalition sortante avec le FDP libéral est reconduite bien qu’ils perdent 5,8 % des voix par rapport au dernier scrutin. Mais c’est la débandade en Hesse où Roland Koch, ministre-président depuis 1999, dégringole de 12 % et voit son avance sur le SPD social-démocrate réduite à 3 595 voix. La formation d’un gouvernement y relève peu ou prou de la quadrature du cercle (voir page 5).
Volontiers cassant, tenté par le populisme, Roland Koch avait mené une campagne électorale aux accents polémiques et un brin xénophobes. Dans la perspective des législatives, son choix représentait une des stratégies possibles pour Angela Merkel. C’en est fini, à en juger par les appréciations de ses pairs. Son argumentaire musclé sur la délinquance des jeunes étrangers, relève ainsi Roland Pofalla, le secrétaire général de la CDU, a été « trop perçu comme un thème de campagne » aux relents artificiels. Il aurait « peut-être mieux valu » mobiliser les électeurs sur des sujets d’ordre économique, fait valoir Peter Müller, ministre-président de Sarre. Et Christian Wulff, l’homme qui a su conserver la Basse-Saxe, estime que son propre style de campagne, « factuel », non seulement a fait ses preuves, mais pourrait « aussi servir de modèle ».
Une attitude consensuelle, lisse et portée sur le principe du flou artistique comme la sienne conviendrait sans doute mieux à Angela Merkel. La chancelière pourrait d’autant plus être tentée de l’adopter dans la perspective des législatives que sa campagne de 2005, axée sur un libéralisme économique pur et dur, a effarouché une bonne partie de l’électorat. Mais l’affaiblissement de Roland Koch la prive d’un soutien dont elle a besoin pour couvrir la frange très conservatrice de ses troupes au moment où nombre de responsables de la CDU sont tentés par une approche plus sociale, voire quasi sociale-démocrate, pour amadouer l’électeur.
Côté SPD, il y a également de quoi se réjouir, prima facie. En Hesse, Andrea Ypsilanti progresse de 6,7 % et fait jeu égal ou presque face à la CDU. Il est même possible qu’elle sorte gagnante des grands marchandages et devienne la seule femme ministre-présidente du pays. Pour Kurt Beck, le président du parti, ce succès d’estime et peut-être bientôt réel conforte son choix d’imposer au SPD un tournant à gauche en reniant une partie des réformes douloureuses mises en œuvre par Gerhard Schröder. L’aile gauche du SPD devrait se sentir le vent en poupe et en demander davantage. Pour les milieux économiques, il y aurait de quoi, à terme, enterrer ou diluer les avancées déjà acquises comme par exemple le passage à la retraite à 67 ans. Un « retour au socialisme romantique », se gausse Roland Koch.
Mais la stratégie gauchisante de Kurt Beck n’a pas empêché l’émergence dans les Länder occidentaux du Linkspartei qui grignote le SPD sur sa gauche. Il a pris pied en Hesse aussi bien qu’en Basse-Saxe. Dietmar Bartsch, un de ses dirigeants, se met déjà à rêver d’une présence dans les assemblées « du Schleswig-Holstein à la Bavière », d’un bout à l’autre du pays. On n’en est pas là, mais le prochain test est dans un mois, le 24 février, lors d’élections régionales à Hambourg. Pour le SPD, il serait essentiel de contenir la progression des néocommunistes à l’Est fusionnés avec les laissés-pour-compte des réformes à l’Ouest. Il y va de l’arrêt ou non de l’érosion de son électorat classique.
Avec l’imminence du scrutin dans la ville-État de Hambourg, la campagne électorale se poursuivra encore quelques semaines. C’est après seulement que la grande coalition peut envisager de revenir à une activité sinon apaisée, du moins plus terre à terre. Il reste des choses à faire, mais les dossiers sont pour la plupart conflictuels. « Nous n’avons pas de projet commun, nous avons une responsabilité commune », analyse le ministre CDU de l’Intérieur Wolfgang Schäuble.
Et la certitude de devoir tenir, sauf séisme politique, jusqu’en septembre 2009. Après les scrutins de dimanche à Wiesbaden et Hanovre, il est moins que jamais question de provoquer la cassure. À l’époque de la première grande coalition, de 1966 à 1969, Willy Brandt affirmait « compter les jours et les semaines » jusqu’à sa fin. Ses successeurs en sont au même point.
Pierre Bocev
Source : http://www.lefigaro.fr
Le double scrutin régional en Hesse et en Basse-Saxe s’est soldé pour les deux partis de la grande coalition d’Angela Merkel par des victoires à la Pyrrhus qui augurent mal des dix-huit mois à passer encore en cohabitation forcée jusqu’aux législatives de 2009. Issue des élections de septembre 2005 qui avaient mis un terme à huit ans de gouvernement « rouge-vert » de Gerhard Schröder, l’équipe disparate au pouvoir à Berlin risque de devoir se cantonner, à en croire le quotidien conservateur Die Welt, à la « gestion de l’immobilisme ».
Les conservateurs CDU peuvent certes se targuer de rester au pouvoir en Basse-Saxe où leur coalition sortante avec le FDP libéral est reconduite bien qu’ils perdent 5,8 % des voix par rapport au dernier scrutin. Mais c’est la débandade en Hesse où Roland Koch, ministre-président depuis 1999, dégringole de 12 % et voit son avance sur le SPD social-démocrate réduite à 3 595 voix. La formation d’un gouvernement y relève peu ou prou de la quadrature du cercle (voir page 5).
Volontiers cassant, tenté par le populisme, Roland Koch avait mené une campagne électorale aux accents polémiques et un brin xénophobes. Dans la perspective des législatives, son choix représentait une des stratégies possibles pour Angela Merkel. C’en est fini, à en juger par les appréciations de ses pairs. Son argumentaire musclé sur la délinquance des jeunes étrangers, relève ainsi Roland Pofalla, le secrétaire général de la CDU, a été « trop perçu comme un thème de campagne » aux relents artificiels. Il aurait « peut-être mieux valu » mobiliser les électeurs sur des sujets d’ordre économique, fait valoir Peter Müller, ministre-président de Sarre. Et Christian Wulff, l’homme qui a su conserver la Basse-Saxe, estime que son propre style de campagne, « factuel », non seulement a fait ses preuves, mais pourrait « aussi servir de modèle ».
Une attitude consensuelle, lisse et portée sur le principe du flou artistique comme la sienne conviendrait sans doute mieux à Angela Merkel. La chancelière pourrait d’autant plus être tentée de l’adopter dans la perspective des législatives que sa campagne de 2005, axée sur un libéralisme économique pur et dur, a effarouché une bonne partie de l’électorat. Mais l’affaiblissement de Roland Koch la prive d’un soutien dont elle a besoin pour couvrir la frange très conservatrice de ses troupes au moment où nombre de responsables de la CDU sont tentés par une approche plus sociale, voire quasi sociale-démocrate, pour amadouer l’électeur.
Côté SPD, il y a également de quoi se réjouir, prima facie. En Hesse, Andrea Ypsilanti progresse de 6,7 % et fait jeu égal ou presque face à la CDU. Il est même possible qu’elle sorte gagnante des grands marchandages et devienne la seule femme ministre-présidente du pays. Pour Kurt Beck, le président du parti, ce succès d’estime et peut-être bientôt réel conforte son choix d’imposer au SPD un tournant à gauche en reniant une partie des réformes douloureuses mises en œuvre par Gerhard Schröder. L’aile gauche du SPD devrait se sentir le vent en poupe et en demander davantage. Pour les milieux économiques, il y aurait de quoi, à terme, enterrer ou diluer les avancées déjà acquises comme par exemple le passage à la retraite à 67 ans. Un « retour au socialisme romantique », se gausse Roland Koch.
Mais la stratégie gauchisante de Kurt Beck n’a pas empêché l’émergence dans les Länder occidentaux du Linkspartei qui grignote le SPD sur sa gauche. Il a pris pied en Hesse aussi bien qu’en Basse-Saxe. Dietmar Bartsch, un de ses dirigeants, se met déjà à rêver d’une présence dans les assemblées « du Schleswig-Holstein à la Bavière », d’un bout à l’autre du pays. On n’en est pas là, mais le prochain test est dans un mois, le 24 février, lors d’élections régionales à Hambourg. Pour le SPD, il serait essentiel de contenir la progression des néocommunistes à l’Est fusionnés avec les laissés-pour-compte des réformes à l’Ouest. Il y va de l’arrêt ou non de l’érosion de son électorat classique.
Avec l’imminence du scrutin dans la ville-État de Hambourg, la campagne électorale se poursuivra encore quelques semaines. C’est après seulement que la grande coalition peut envisager de revenir à une activité sinon apaisée, du moins plus terre à terre. Il reste des choses à faire, mais les dossiers sont pour la plupart conflictuels. « Nous n’avons pas de projet commun, nous avons une responsabilité commune », analyse le ministre CDU de l’Intérieur Wolfgang Schäuble.
Et la certitude de devoir tenir, sauf séisme politique, jusqu’en septembre 2009. Après les scrutins de dimanche à Wiesbaden et Hanovre, il est moins que jamais question de provoquer la cassure. À l’époque de la première grande coalition, de 1966 à 1969, Willy Brandt affirmait « compter les jours et les semaines » jusqu’à sa fin. Ses successeurs en sont au même point.
Pierre Bocev
Source : http://www.lefigaro.fr