Journalistes pourchassés dans les manifs comme de vulgaires voleurs de poules [1], chaînes conspuées jusque devant leurs immeubles, stars de l’info maltraitées sur Twitter, mots d’ordre antimédias virulents, on peut dire qu’on vit une époque formidable. La violence médiatico-oligarchique se retourne contre ses producteurs.
Si l’on doit bien faire la différence entre les journalistes d’en bas – qui morflent à la place des autres – et les journalistes d’en haut – qui donnent leurs consignes suicidaires – il faut bien admettre que toute une corporation est dans la nasse, mais dans la nasse qu’elle s’est forgée.
À force de se couper des lecteurs, des gens, des Français, la presse mainstream dans son ensemble (écrite et audiovisuelle, il n’y a que le support matériel qui change) se retrouve seule, dévaluée, désorientée, acculée. À l’image des rats blessés, les journalistes-système agressent et mordent de plus en plus fort, ne comprenant pas que ce faisant, ils augmentent le ressentiment à leur égard.
Chaque déclaration anti-Gilets jaunes est un clou que l’élite plante dans son propre cercueil.
Pourtant, on le rappelle ici presque chaque jour, c’est pas faute de les avoir prévenus : depuis une décennie on les avertit qu’ils prennent la mauvaise direction, celle qui protège les intérêts des gros contre ceux des petits.
Finalement, cette destruction du Temple à laquelle on assiste est très évangélique. Sans aller trop loin dans la métaphore, on peut dire que les Gilets jaunes sont en train de renverser la table des valeurs. Les riches marchands, les grands prêtres et leurs larbins hurlent au sacrilège et au blasphème, menaçant les foules en colère de tous les maux du Ciel.
Mais le Ciel n’est pas avec eux ; d’ailleurs, il ne l’a jamais été. C’est là leur plus grande imposture, avoir fait croire au peuple que celui-ci était maudit tandis qu’eux étaient d’essence divine. La malédiction est aujourd’hui sur les marchands et les prêtres, et on verra s’ils osent crucifier le peuple... à leur place.
Après cette envolée lyrique un peu pédante, re-descente en douceur sur Terre, avec les articles de la panique qui fleurissent dans tous les grands médias. Ces médias ne disent pas la vérité, ils disent leur peur. Regardez l’intro d’Anne-Élisabeth Lemoine, le visage anxieux, l’intelligence absente, une animatrice de supermarché du Capital qui tripote son stylo, moins sûre d’elle que d’habitude quand elle donne ses leçons de bonne pensée.
On décèle un tremblement dans la voix, un mélange de fureur et de panique, quand les juges comprennent que la vocifération populaire se rapproche de leurs fenêtres. La peur fait son effet. Peur du peuple, peur de la punition, peur de passer à la caisse, mais pas la bonne, non, l’autre. Mais ça ne l’empêche pas – programmation mentale oblige (MK-Ultra des médias) – d’égrener la longue liste des crimes des Gilets jaunes qui, c’est le moins qu’on puisse dire, ne portent pas les journalistes pro-Système dans leur cœur.
- Accusés Gilets jaunes, levez-vous ! Levez-vous j’ai dit ! Non mais pour qui vous vous prenez ? Je suis Anne-Élisabeth Lemoine de France 5, mon commissaire politique est Patrick Liste Noire Cohen ! Vous me devez obéissance !
Pour sa démonstration, le juge Lemoine convoque trois témoins à charge, un journaliste de LCI, un de BFM TV et un de France 2. Trois personnes – personnalités pardon, les autres on s’en fout, ceux qui ont perdu des yeux – qui ont souffert de la Haine et qui ne comprennent pas pourquoi. Il faudrait leur expliquer que c’est pas cette émission qui va changer quelque chose au nouvel ordre des choses, au contraire.
Ce énième procès du peuple risque même de s’ajouter à la longue liste des doléances populaires. En revanche, il ne viendrait jamais à l’idée de madame le juge d’inviter des Gilets jaunes ou des pro-Gilets jaunes dans ce procès de Moscou au petit pied. Ce petit monde monstrueux fini, ce petit entre-soi nauséabond continue comme si de rien n’était à fustiger le peuple, sa voix, son action.
Nous sommes à 3’57 du procès du peuple. Madame le juge à Hugo Blais, journaliste de LCI :
« Vous parlez d’un déferlement de haine et vous le précisez, il n’y a eu aucun événement déclencheur. »
Comme si tout ce qui était dit par les chaînes avant ne comptait pas ! Ensuite c’est au tour de Patrick Sauce de BFM TV de parler d’un contrôle d’identité « en bonne et due forme » par les Gilets jaunes à l’entrée du rassemblement. Quasiment la sélection sur la rampe... Puis vient le témoignage, poignant, de Thomas Sotto, à 7’54 :
« Moi je suis abasourdi par ce qu’on voit, par ce qu’on entend, par ces témoignages, on a l’impression que Hugo et Patrick ils nous racontent ce qu’on vit dans des pays en guerre, dans des dictatures nan, on est aujourd’hui en France ! »
Eh oui, Thomas, le peuple ou du moins une partie du peuple est en guerre contre ses élites. Et vous en faites partie (de l’élite, pas du peuple). C’est bien de profiter de la domination, mais cela impose quelques responsabilités, c’est-à-dire se sentir responsables ou coresponsables de la situation.
Vous avez pendant des années distillé le poison oligarchique à une France qui n’en voulait pas et maintenant qu’elle recrache le venin, vous ne comprenez pas. Bébé crache la mauvaise soupe dans la figure à maman !
- Journaliste coupé du peuple
Thomas poursuit sa diatribe à 8’02 :
« Moi je suis pas corporatiste mais ce qui se passe aujourd’hui c’est quelque chose de grave. On a le droit et le devoir de nous critiquer, de ne pas être d’accord avec nous, de nous challenger, de tout ce qu’on veut, mais ce qui se passe, c’est une attaque, et je ne veux pas dire que – j’utilise des grands mots – et c’est une attaque de la démocratie... »
La syntaxe est moyenne mais la suite magnifique de sincérité :
« Et ceux qui attaquent comme ça, ceux qui regardent les autres attaquer sans bouger parce que ça c’est aussi grave voire plus grave, doivent savoir que si demain y a plus de journalistes, aussi critiquables soient-ils, si demain y a plus de journalistes y aura plus personne pour raconter ce qui se passe avec les Gilets jaunes ou avec toutes les actualités. »
Ben si, nous, les journalistes honnêtes, les journalistes du Net.
« Et ils n’auront plus le droit de s’exprimer parce qu’ils seront dans ce qu’on appelle non pas une démocratie mais une dictature. Les comportements de ces gens, qu’ils portent un gilet jaune ou pas, sont des comportamants (sic) des comportements qu’on a dans des dictatures, ce sont des attaques à la démocratie ! »
- Patrick Liste Noire a trouvé le mot : fascisme
Et là, la pointe de PLNC (Patrick Liste Noire Cohen) à 8’55 :
« Fascistes enfin, c’est pas un mot que j’aime beaucoup employer mais ce sont des méthodes fascistes, absolument. »
Bien vu l’inversion accusatoire de la part des vrais fascistes qui ne partagent pas la parole publique depuis qu’ils l’ont détournée !
Sotto, le pluriel de sottise, en remet une couche cohénique à 9’04 avec une ribambelle de points Godwin :
« La quenelle qu’on a entendue moi j’en ai encore des frissons, c’est d’un antisémitisme mais, on parle souvent d’une comparaison avec les années 30, on l’évoquait tout à l’heure avec Jean-Michel [Aphatie, NDLR] avant l’émission, mais qu’est-ce qu’on est en train de vivre, mais réveillons-nous ! »
T’inquiète, Toto, on est réveillés nous, c’est à vous de vous réveiller pour le coup et d’ouvrir les yeux sur la situation qui a changé.
On entend alors Anne-Élisabeth, avec son QI de 140, en appeler à « un sursaut », mais « un sursaut citoyen », c’est-à-dire, en gros, « les gens aidez-nous bordel on est dans la merde ! »
Mais le sursaut citoyen que tu appelles à l’aide, chère Anne-Élisabeth, eh bien il est dans la rue, sauf qu’il est contre vous.
Et Thomas Sottises de surenchérir, « mais tout le monde, tout le monde doit se lever ! »
Comme pour Danette ?
Pour sauver vos fesses, il n’y aura pas grand-monde, on vous le garantit.
Après cette bonne tranche de pastèque de rigolade anti-oligarchique, on reprend son souffle et son calme avec la presse écrite qui a au moins le mérite d’éviter l’hystérie. Mais on sent quand même le petit souffle de la panique dans les rangs des premiers de la classe, Le Monde et Le Figaro.
Un Figaro qui a en pleine crise des Gilets jaunes – qui est on le rappelle une crise de l’élite – retourné sa veste en daim, on suppose sous la pression d’en haut... Quand on (Dassault) vend des armes à l’État, on ne prend pas le risque de se griller avec l’exécutif.
L’article du 14 janvier 2019 revient sur les mésaventures de Patrick Sauce de BFM TV :
« Au milieu de la foule, une douzaine de personnes, organisée en milice, s’est mise à chercher les journalistes de BFMTV. Dès qu’ils voyaient des caméras, ils procédaient à des contrôles d’identité totalement illégaux. On a refusé de s’y plier, mais l’un d’eux a reconnu mon visage. Ils nous ont immédiatement entourés, escortés et exhibés comme une prise de guerre, en nous filmant sur Facebook live, hurlant “C’est BFMTV ! C’est BFMTV !” » Quand ils n’entonnaient pas le chant de la « quenelle »… « Dans les zones de guerre, on sait à quoi s’attendre. Dans des pays où la liberté d’expression n’est pas menacée, en revanche, j’ai peu d’exemples d’une telle violence. »
On continue avec LCI et TF1 :
« Est-ce que la situation s’aggrave ? Oui, très clairement. Avant, les équipes de LCI étaient acceptées ou insultées. Maintenant, elles sont ciblées », constate Thierry Thuillier, le patron de l’information du groupe TF1. Céline Pigalle, la directrice de la rédaction de BFMTV, rajoute : « Certains de nos agents de sécurité demandent même à ne plus couvrir le mouvement des “gilets jaunes” avec nos journalistes. » Un très mauvais signal.
C’est sûr que cette décision va faire vachement de mal aux Gilets jaunes. Vont-ils s’en remettre ? Pourront-ils supporter de subir moins de fake news oligarchiques ? On a alors les vigies de la démocratie mondialiste sans frontières qui poussent leurs cris d’orfraie :
« Il faut lancer un cri d’alarme. Incontestablement, un cap a été franchi », s’est inquiété sur BFMTV le secrétaire général de Reporters sans frontières, Christophe Deloire. Le Syndicat national des journalistes (SNJ) dénonce, lui, « un vent mauvais qui souffle sur la liberté de la presse » et « une escalade de la haine » envers « des journalistes souvent aussi précaires que les manifestants qui les agressent ». Dans sa lettre aux Français, Emmanuel Macron a aussi prévenu : « Je n’accepte pas la pression et l’insulte. […] Je n’accepte pas la mise en accusation générale des médias, des journalistes. […] Si tout le monde agresse tout le monde, la société se défait. »
Mais votre société, notre société, c’est vous qui l’avez défaite avec votre violence sociale assumée, votre libéralisme dévastateur, vos choix d’austérité et de recul du pouvoir d’achat, le choix du chômage de masse pour augmenter la rentabilité du Capital, le choix de l’immigration de masse pour déglinguer la protection sociale qui a l’air de vous coûter trop cher, le choix de privatiser les services publics, le choix de ne pas entendre les cris des Français, le choix de leur couper le micro, de les criminaliser après les avoir appauvris !
Les médias coupés du peuple en viennent à dénoncer les médias qui ne le trahissent pas, c’est vraiment le monde à l’envers :
Alors que le paysage médiatique n’a jamais compté autant de chaînes de TV ni de journaux, les « gilets jaunes » semblent ne se retrouver nulle part. « Avant, si vous estimiez que la télévision mentait, vous pouviez acheter des journaux politiques comme L’Humanité qui confortait votre avis. Maintenant, ce sont les réseaux sociaux qui sont devenus des espaces d’opinions », analyse Christian Delporte. Seuls quelques rares médias en ligne (Rémy Buisine pour Brut, RT France, Le Média…) semblent trouver grâce aux yeux des « gilets jaunes » les plus radicaux. « Ce sont des médias compagnons de route, bienveillants. Mais le soutien du Média ou de RT est évidemment idéologique, pointe Alexis Lévrier. Il est aussi naïf de croire que filmer non-stop une manifestation, sans commentaire, est du journalisme neutre. La façon dont on cadre, les personnes que l’on entend, tout cela procède d’une éditorialisation. »
L’escroquerie, le mensonge, l’inversion jusqu’au bout, sans répit, sans pitié sans tiépi !
On termine sur une citation magnifique de Thierry Thuillier, patron de l’information du groupe TF1 :
« Certains pensent que la vérité est sur les réseaux sociaux, et la manipulation, sur les chaînes d’information »
En voilà un qui a tout compris.