Vingt mois après le carnage des attentats de Boston, le procès du seul suspect, un jeune musulman d’origine tchétchène, s’ouvre lundi dans la ville, avec la sélection des jurés.
Djokhar Tsarnaev (photo ci-contre), 21 ans, qui doit être présent lundi au tribunal fédéral de Boston (nord-est des États-Unis), risque la peine de mort pour ces attentats, les plus graves depuis le 11 Septembre aux États-Unis.
Ils avaient fait trois morts, dont un enfant, et 264 blessés le 15 avril 2013 quand deux bombes artisanales avaient explosé à 12 secondes d’intervalle dans la foule massée près de la ligne d’arrivée du marathon, ravivant la crainte du terrorisme aux Etats-Unis.
Le procès, qui devrait durer au moins trois mois, est assuré de remuer des souvenirs encore douloureux. Certaines victimes, comme Liz Norden, dont deux fils ont été amputés d’une jambe, se sont promises ne pas en manquer une journée, pour essayer de comprendre.
D’autres, comme Heather Abbott, 40 ans, une autre amputée, ont hésité jusqu’au bout.
D’autres refusent même d’entrevoir Tsarnaev, silhouette frêle à la tignasse rebelle, étudiant apparemment bien intégré au moment des faits. Arrivé dans la région de Boston à 8 ans avec sa famille, il avait été naturalisé en 2012.
Il sera seul au procès. Son frère aîné Tamerlan, 26 ans, que la défense devrait s’appliquer à présenter comme le cerveau de ces attentats que les frères avaient apparemment préparés seuls, avait été tué quatre jours plus tard lors d’une violente confrontation avec la police.
À l’issue d’une chasse à l’homme menée par des milliers de policiers, qui avait transformé Boston en ville morte, Djokhar Tsarnaev avait été arrêté quelques heures après la mort de son frère, caché dans un bateau, dans un jardin en banlieue de Boston. Il était grièvement blessé.
1 200 jurés potentiels
La sélection des jurés devrait durer au moins deux semaines : 1200 personnes ont été convoquées au tribunal. Lundi matin, un premier groupe de 200 à 250 personnes se verra remettre un questionnaire à remplir, assorti d’une série de recommandations. Lundi après-midi, un deuxième groupe sera convoqué. Le scénario sera le même mardi et mercredi. le procès sera ensuite ajourné jusqu’à la fin de la semaine prochaine, pour donner le temps à la défense et à l’accusation d’étudier ces questionnaires. Commencera ensuite le processus d’élimination, jusqu’à ce que les parties s’accordent sur 12 jurés et 6 remplaçants.
Ce sont ces jurés qui, s’ils reconnaissent l’accusé coupable, devront ensuite décider, lors d’une deuxième phase du procès, s’il doit être condamné à mort.
Détenu quasi à l’isolement à la prison hôpital de Fort Devens, à 70 km de Boston, Tsarnaev, n’a fait depuis les attentats que deux brèves apparitions : une première fois, encore blessé, en juillet 2013 pour plaider non coupable des 30 chefs d’accusation retenus contre lui, dont utilisation d’une arme de destruction massive ayant entraîné la mort, et attentat dans un espace public ; et une deuxième fois le 18 décembre dernier, apparemment remis de ses blessures, pour une brève audience avant le procès.
Selon l’accusation, les deux frères Tsarnaev avaient apparemment agi seuls, loups solitaires radicalisés, ayant appris à fabriquer leurs bombes sur internet, à partir d’une revue d’Al-Qaïda.
Sur une paroi intérieure du bateau, Djokhar avait écrit un semblant d’explication à leur acte.
« Le gouvernement américain tue nos civils innocents. (...) Nous, musulmans, sommes un seul corps, vous faites du mal à l’un de nous, vous nous faites du mal à tous. (...) Arrêtez de tuer nos innocents et nous arrêterons. »
Ce procès fédéral est l’un des plus importants depuis celui de Timothy McVeigh, exécuté en 2001 pour les attentats d’Oklahoma City en 1995.
Tsarnaev sera défendu par une équipe de cinq avocats, parmi lesquels Judy Clarke, spécialiste des affaires impliquant la peine de mort.
Elle l’a évitée à plusieurs de ses clients dans les années 90, notamment l’auteur des attentats des jeux Olympiques d’Atlanta en 1996 (2 morts). Mais il lui faudrait parvenir à un accord avec les procureurs, qui n’y semblent pas disposés à ce stade.