La police anti-émeute burundaise a dispersé lundi à Bujumbura de nouvelles manifestations d’opposants à un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza, au lendemain d’affrontements qui ont fait deux morts.
Selon un journaliste de l’AFP sur place, un millier de jeunes ont tenté dans la matinée de quitter leur quartier de Cibitoke du nord de la capitale, où les affrontements avaient été les plus violents dimanche, pour rejoindre le centre-ville où l’armée a été déployée.
Mais ils ont été stoppés par la police, qui les a dispersés et les traquaient dans les ruelles pour les arrêter.
Le gouvernement a interdit les manifestations à travers le pays. Mais selon des témoins, d’autres manifestants, répondant à l’appel de l’opposition et d’une grande partie de la société civile, ont tenté de rejoindre le centre depuis d’autres quartiers pour, eux aussi, contester l’investiture de M. Nkurunziza par son parti à la présidentielle du 26 juin. Ils ont de la même façon été dispersés.
Avant d’être stoppés par les forces de l’ordre, les jeunes de Cibitoke, branches d’arbres en main pour signaler leur volonté de manifester pacifiquement, scandaient leur opposition à un nouveau mandat du président.
Au pouvoir depuis 2005, le chef de l’Etat a été officiellement désigné candidat samedi par son parti, le Cndd-FDD.
Il briguera ainsi un troisième mandat, que ses opposants jugent inconstitutionnel et surtout contraire aux accords d’Arusha qui avaient ouvert la voie à la fin de la longue guerre civile burundaise (1993-2006). Son clan juge ce troisième mandat parfaitement légal.
"Cette fois nous ne ferons pas marche arrière, nous allons aller jusqu’à la place de l’Indépendance" dans le centre, avait affirmé l’un des manifestants de Cibitoke avant d’être stoppé par la police.
15 000 réfugiés au Rwanda, selon le HCR
En centre-ville et dans les quartiers périphériques de Bujumbura où ont eu lieu les affrontements de dimanche, c’est l’armée, jugée plus neutre que la police par la population, qui a été déployée lundi pour patrouiller, a constaté le journaliste de l’AFP.
La police était elle positionnée entre ces quartiers et le centre pour empêcher les jeunes de progresser vers ce dernier.
"Nous sommes contents que ce soit l’armée qui ait maintenant été déployée car la police se mélange avec les jeunes du parti au pouvoir", a affirmé un habitant de Cibitoke.
Ces jeunes, les Imbonerakure, qualifiés de "milice" par l’ONU, sont accusés d’intimidation à l’encontre des opposants à Pierre Nkurunziza. Ils n’ont jamais caché leur volonté d’en découdre si leur champion ne pouvait pas se représenter.
Lundi matin, des habitants de Cibitoke accusaient d’ailleurs des jeunes du parti au pouvoir d’avoir effectué des raids, maison par maison, au cours de la nuit, pour menacer la population. Des témoins ont affirmé que deux personnes avaient été tuées lors de ces descentes.
Les familles des deux jeunes qui ont trouvé la mort dans les premiers affrontements avec les forces de l’ordre dimanche ont affirmé à l’AFP qu’ils avaient été tués par balle à bout portant par la police.
Intervenant à la radio nationale, le maire de Bujumbura, Saïdi Juma, a lui assuré qu’il avaient été tués par des "manifestants". Il a ajouté que quelque 200 manifestants avaient été arrêtés dimanche.
L’histoire post-indépendance du Burundi est marquée par les conflits et massacres interethniques dont le petit pays d’Afrique des Grands Lacs, l’un des plus pauvres de la planète, qui vit sous perfusion de l’aide internationale, se remet à peine.
Craignant des dérapages, voire une reprise de la violence à grande échelle, la communauté internationale n’a cessé ces derniers mois de mettre en garde les autorités burundaises et de tenter de dissuader Pierre Nkurunziza de se représenter.
À la suite de l’investiture du chef de l’État, Washington a encore regretté "une importante occasion manquée" pour la démocratie et menacé Bujumbura de prendre des sanctions si le processus électoral n’était pas régulier.
Plusieurs milliers de Burundais - 15 000 selon le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés - ont eux déjà fui au Rwanda voisin, terrorisés par les menaces des Imbonerakure.