Prêt à tout pour se faire réélire, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a dépouillé Israël de son masque. Il a abandonné le subterfuge de la solution de deux États, affiché le racisme crasse qui sous-tend la politique israélienne et révélé le contrôle indiscutable d’Israël sur le congrès des États-Unis.
Pendant des années, de nombreux Étasuniens connaissaient ces réalités, mais s’ils les dénonçaient, ils étaient taxés d’antisémitisme ; la plupart d’entre eux sont donc restés silencieux pour protéger leurs carrières et leurs réputations. Mais étant donné les positions effrontément exprimées par Netanyahu, il ne reste au peuple américain qu’à admettre enfin cette réalité préoccupante et exiger un changement de la politique des États-Unis.
En réalité, cela fait au moins deux décennies que la solution de deux États est une fiction, morte en 1995 avec l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin [1]. Mais l’illusion de deux États continue de servir d’importants objectifs politiques tant pour les Israéliens, qui manifestent pour cette option un intérêt de pure forme tout en poursuivant leur mainmise régulière sur les terres palestiniennes, que pour les hommes politiques des États-Unis, qui utilisent le mirage comme excuse pour ne pas trop mettre la pression sur Israël pour ses violations des droits de l’homme.
Pourtant, chaque fois qu’un responsable américain a essayé d’atteindre cet oasis scintillant de la solution à deux États, celui-ci s’est dissipé, les Israéliens pouvant ensuite compter sur leurs amis et alliés dans les médias et la politique pour rejeter la faute sur les Palestiniens. Maintenant cependant, l’illusion d’un Israël cherchant de bonne foi une solution s’est perdue dans la détermination de Netanyahu à tout se permettre pour garder son poste – un cas d’opportunisme politique qui supplante l’opportunisme stratégique.
Dans les derniers jours de la campagne, Netanyahu a promis que tant qu’il serait Premier ministre, il bloquerait la création d’un État palestinien et continuerait à construire des colonies juives sur ce que le droit international reconnaît comme étant les terres palestiniennes.
Pour mobiliser davantage sa base juive de droite, Netanyahu a alerté que « les électeurs arabes affluent en masse dans les bureaux de vote » – une alarme similaire à ce qui se passe aux États-Unis quand les hommes politiques racistes motivent le vote blanc en prétendant que des masses de noirs se dirigent en bus vers les bureaux de vote. Avec son appel grossier, Netanyahu a mis à mal la vieille contestation que le sionisme est une forme de racisme.
Même avant son cabotinage de dernière minute, Netanyahu avait exploité sa relation avec les États-Unis pour redorer sa réputation de leader mondial en s’adressant pour la troisième fois, en tant que leader étranger, devant une session conjointe du Congrès américain (seul le britannique Winston Churchill est apparu trois fois devant le Congrès).
Agissant presque comme le Président des États-Unis, Netanyahu a prononcé ce qui équivalait à un faux discours sur l’État de l’Union, plein de contes effrayants sur l’Iran et d’avertissements alarmistes contre les négociations internationales cherchant à garantir que le programme nucléaire de l’Iran reste pacifique.
Bien que quelques démocrates aient boycotté le discours parce qu’il représentait une insulte sans précédent pour un président américain, la majorité républicaine et de nombreux démocrates ont gratifié Netanyahu de plus de 40 ovations, applaudissant à tout rompre ses attaques au vitriol contre l’Iran et ses dénonciations des négociations soutenues par le Président Barack Obama.
Bombardez, bombardez, bombardez l’Iran
Puis, le week-end dernier, Joshua Muravchik, néo-conservateur éminent, a admis que le résultat pratiquement certain du torpillage des négociations de Netanyahu serait le bombardement de l’Iran. Muravchik a parlé de ce scénario dans un article publié par le Washington Post sous le titre : « La guerre est la seule façon de stopper l’Iran » [War is the only way to stop Iran] dans les éditions papier, et « La guerre avec l’Iran est probablement notre meilleure option » [War with Iran is probably our best option] dans l’édition en ligne.
« Et si la force est la seule façon d’empêcher l’Iran d’acquérir les armes nucléaires ? C’est, en fait, probablement la réalité », a écrit Muracchik. « Des sanctions peuvent avoir poussé l’Iran à entamer des négociations, mais elles ne l’ont pas persuadé d’abandonner sa volonté d’avoir l’arme nucléaire. Et les sanctions plus sévères que prône Netanyahu n’apporteraient un résultat différent. (…) Est-ce à dire que notre seule option est la guerre ? Oui, même si une campagne aérienne ciblant l’infrastructure nucléaire de l’Iran entraînerait un besoin moindre en bottes sur le terrain que la guerre qu’Obama mène contre l’Etat islamique, qui représente une menace bien plus faible que l’Iran. (…) Est-ce que la destruction d’une grande partie de l’infrastructure nucléaire de l’Iran retarderait simplement ses progrès ? Peut-être, mais nous pouvons frapper aussi souvent que nécessaire. »
En d’autres termes, si Netanyahu continue de tirer les ficelles du gouvernement américain, une guerre sans fin contre l’Iran est le résultat quasiment certain. La réélection de Netanyahu a clarifié la situation d’une autre façon pour le peuple américain. Nous savons maintenant qu’il n’y aura pas de solution à deux États avec les Palestiniens tandis qu’Israël consolide son statut d’État d’apartheid – et toutes les accusations d’« antisémitisme » ne pourront faire taire les gens, qui prennent conscience de cette réalité puisque le Premier ministre d’Israël lui-même a désamorcé l’effet de l’allégation.
Le peuple américain n’a guère d’autre choix maintenant que de reconnaître qu’Israël a l’intention de maintenir et d’agrandir son « État juif » en poussant les Palestiniens dans des enclaves isolées. Depuis près d’un demi-siècle, Israël exerce un contrôle effectif sur la population indigène en Cisjordanie et à Gaza (soit plus de 4 millions d’individus), mais l’espoir d’un État palestinien continuait d’exister.
Maintenant, en jetant par dessus bord la perspective d’une « solution de deux États », Netanyahu va institutionnaliser ce qui a longtemps été le sort non reconnu des Palestiniens. En substance, Netanyahu opte pour la solution d’un État, où les Palestiniens seront confinés dans un enfer apatride, privés de droits politiques, livrés au dépérissement et à la mort.
Et si certains Palestiniens bougent le petit doigt, Israël lancera une guerre contre eux, les tuera par milliers et détruira leurs maisons et leurs infrastructures, ce que les Israéliens appellent « tondre le gazon ».
Les Chrétiens sionistes unis derrière Israël
Une fois les masques tombés, les Américains doivent décider s’ils adoptent ce système d’apartheid ou non. Beaucoup de sionistes chrétiens, qui sont une force puissante au sein du Parti républicain, sont d’accord avec la répression brutale d’Israël parce qu’ils considèrent que l’accaparement de la terre par les Juifs est une étape vers la réalisation d’une prophétie biblique qui ramènera Jésus sur terre et le fera définitivement reconnaître comme Messie.
Mais les Américains lucides sont confrontés à un choix moral difficile. Soit continuer à soutenir Netanyahu dans ses violences contre les Palestiniens et dans sa guerre imminente contre l’Iran (en utilisant l’armée US pour la mener) ou faire pression pour que le gouvernement US réévalue sa relation avec Israël.
Les développements de mars 2015 – du discours dans le style proconsul de Netanyahu devant le Congrès aux incitations racistes de sa campagne victorieuse – ont obligé les Américains qui réfléchissent à laisser tomber leurs vieilles excuses vis-à-vis du comportement israélien.
Désormais, inutile de prétendre qu’« être aux côtés d’Israël » ne signifie pas plier dans une acceptation obséquieuse de la cruauté de Netanyahu envers les Palestiniens et de la coopération dans une guerre illégale et agressive contre l’Iran.
18 mars 2015