Comme de nombreuses villes en France, Nanterre vit sous la menace des oukases de l’Agence Régionale de Santé (ARS).
L’ARS est un des rejetons monstrueux de la réforme "Hôpital, patients, santé, territoires" (HPST) dite aussi "loi Bachelot".
L’ARS d’Ile-de-France souhaite supprimer les services de chirurgie conventionnelle, de réanimation et les urgences de nuit de l’hôpital Max Fourestier.
La cardiologie et la pneumologie pourraient également fermer. A terme, c’est tout l’hôpital qui est menacé.
Car qui acceptera d’accoucher dans un hôpital qui n’a pas de service de réanimation ?
Comment l’hôpital Louis Mourier de Colombes, vers lequel l’ARS a prévu de transférer une partie des activités de Max Fourestier, pourtant déjà saturé, va-t-il accueillir des milliers de patients supplémentaires et répondre aux besoins croissants dans le département des Hauts-de-Seine ?
De plus, le centre d’accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre est aussi une structure sociale qui héberge et soigne les personnes sans-abri de la région parisienne. Un établissement unique en France. Que vont devenir ces sans-logis ?
La communauté médicale, le personnel et les syndicats sont vent debout contre cette restructuration qui pourrait s’avérer désastreuse et génératrice de drames. Les diktats de l’ARS semblent marqués du sceau de la rigueur mais aussi et peut-être surtout de l’incohérence.
L’ARS a inauguré en 2009 un bloc opératoire de 40 millions d’euros (7 salles d’opération, 10 chambres de chirurgie ambulatoire, 1 centre endoscopique) et annonce désormais vouloir "délocaliser" les activités chirurgicales à cause d’un déficit budgétaire de 12 millions d’euros.
Or, tout le monde sait au sein de l’ARS que si un hôpital ne peut pas être en équilibre budgétaire c’est bien Max Fourestier à Nanterre ! D’ailleurs, du fait des services proposés, il ne le doit pas !
Pour rendre complémentaires les deux hôpitaux la commission médicale de l’établissement (CME) a notamment proposé à l’ARS une consolidation de l’unité "gériatrie" et le développement d’un pôle mère-enfant avec une prise en charge pédiatrique et obstétrique médicalisée (l’offre étant insuffisante dans le nord du 92) à Louis Mourier et un renforcement du pôle adulte avec la chirurgie conventionnelle justifiant ainsi l’investissement de 40 millions d’euros à Max Fourestier.
Première étape de cette régression : la tarification à l’activité (T2A)
Comme le dénonçait avec raison et perspicacité dès décembre 2008, la députée communiste Jacqueline Fraysse, alors que les deux tiers des hôpitaux publics sont déficitaires, « on somme les établissements de gagner de l’ argent, avec la mise en place de la tarification à l ’activité (la T2A), sous peine de réduction d’activité ou même de fermeture pure et simple.
Et pendant ce temps, les cliniques privées fleurissent, elles sont cotées en bourse, et le prochain texte de loi prévoit même de leur confier des missions de service public, moyennant des financements publics.
Ainsi on ferme des hôpitaux publics en expliquant qu’ils coûtent trop cher, et on envisage, dans la prochaine loi, de payer des cliniques privées pour qu’elles assurent un service public ! »
A la même époque le docteur André Grimaldi, professeur de diabétologie à la Salpêtrière, pointait du doigt les faiblesses « inhérentes au système fou de la tarification à l’ activité » (T2A), car ce mode de financement de l’hôpital induit « une logique de flux tendu », c’est-à-dire une « logique marchande », parfaitement « contradictoire avec le besoin, pour les hôpitaux, d’avoir des lits vides, pour assurer en toute circonstance la continuité du service public ».
Avec la T2A, ironisait-t-il, « c’est un peu comme si on ne payait les pompiers que lorsqu’il y a le feu ».
Tous ces dispositifs : T2A, ARS, franchise médicale, déremboursement des médicaments, participation d’un euro par consultation (1), augmentation du forfait hospitalier, place de plus en plus importante prise par les assurances complémentaires santé et les mutuelles etc. ressemblent de plus en plus au système britannique du National Health System (NHS) et au programme Liverpool Care Pathway (2) promu par le NICE (National Institute for Clinical Excellence, équivalent de la Haute autorité de la santé française).
Extrêmement inquiétant, lorsque l’on apprenait par le Daily Telegraph en 2009 dans un article intitulé "Condamné à mort par le National Health System" qu’au Royaume-Uni entre 2007 et 2008, 16,5%, c’est à dire près d’un décès sur six, était le résultat "d’euthanasie involontaire"... (3) A méditer de toute urgence.
Maurice Gendre
( 1 ) Cette participation est plafonnée à 50 euros par an et par assuré. Sont exemptés les jeunes de moins de 18 ans, les femmes enceintes de plus de six mois et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire.
( 2 ) Le Liverpool Care Pathway (LCP) a été initialement développé par l’hospice Marie Curie de Liverpool pour soigner des cancéreux en fin de vie. Le LCP fut étendu à toute l’Angleterre et appliqué à tout type de malade et de pathologie.
Nombre de médecins britanniques affirment que le LCP consiste à administrer précocement la mort en coupant les soins et en interrompant l’alimentation et l’hydratation.
Des médecins soulignent qu’on abuse gravement de ce programme où l’on finit par prouver ce qu’on a décidé d’avance : les patients vont mourir.
Dans la période 2007-2008, pas moins de 16,5% des décès en Angleterre concernent des personnes sous sédation profonde et prolongée, affirment les chercheurs de la London School of Medecine and Dentistry, c’est-à-dire deux fois plus qu’en Belgique ou aux Pays-Bas !
( 3 ) L’homme qui a mis un coup d’accélérateur à tout ce système se nomme Simon Stevens, il fut le conseiller santé de Tony Blair entre 2000 et 2004. Il a ensuite travaillé pour l’association des retraités américains AARP et fut un farouche partisan de l’Obamacare...