Prologue
L’été est là, les 30 degrés sont allègrement dépassés un peu partout en ce mois de juillet 2018, du coup les Français se jettent à l’eau dès qu’ils peuvent. On a déjà parlé des piscines et du déficit national en la matière, d’où les problèmes de nage des petits Français. Chaque année, malheureusement, les piscines étant soit trop pleines, trop sales ou trop fermées, beaucoup préfèrent goûter aux charmes dangereux de la nage en eau libre : rivières, étangs, fleuves, mers, tout est bon quand on a chaud.
Résultat, les noyades ont commencé à émerger dans l’actu dès le mois de mai. Un homme plonge dans le Rhône et disparaît, un enfant de 10 ans se noie dans un étang, un migrant de 25 ans coule dans le canal Saint-Martin... Le pire étant cette famille qui a perdu trois enfants, de 9 à 13 ans, dans un plan d’eau chalonnais interdit à la baignade : les deux plus petits ne savaient pas nager, le plus grand non plus, qui s’est noyé en essayant de les sauver. Dans ce cas, savoir nager ne suffit pas, il faut aussi savoir sauver :
#Noyade
"Il ne suffit pas de savoir nager, il faut savoir sauver. On est là pour leur apprendre ça"➡ Axel Lamotte, maître-nageur, secrétaire gal adjoint @SnpmnsCom https://t.co/fwhxlzpwks #BourdinDirect pic.twitter.com/99r7kyn3wg— RMC (@RMCinfo) 12 juillet 2018
L’été 2015, avec ses pointes caniculaires, a battu un record morbide : plus de 500 noyés, trois fois plus que d’habitude. Et l’été 2018 est en passe de battre ce record avec déjà 121 morts pour 550 noyades.
C’est le paradoxe de l’eau : les êtres liquides que nous sommes (composés à plus de 60% d’eau) recherchent l’eau qui soulage de la chaleur, mais aussi le liquide de la matrice maternelle, et peut-être celui de la soupe originelle, celle du fond des océans primitifs, dont chaque individu conserve quelques molécules. Chaque homme porte une mémoire de près de quatre milliards d’années… moins les 150 millions de la formation des océans, dont le mécanisme partage les scientifiques : bombardement d’astéroïdes de glace pour les uns, libération de masses de vapeur d’eau due à un dégazage volcanique massif pour les autres.
Quoi qu’il en soit, l’homme aime l’eau (sauf les aquaphobes), l’eau qui porte le corps et soulage partiellement de la gravité (cet esclavage), mais qui peut aussi anéantir en moins de 30 secondes par hypoxie puis œdème pulmonaire (poumons « noyés »), et tuer en quatre minutes chrono. C’est le double aspect de l’eau qui piège ses victimes : cet élément qui soigne côté face, qui tue côté pile.
La nage en eau froide
Non, il ne s’agit pas d’un énième sport extrême avec sponsor et GoPro, vidéo Youtube vue 153 000 fois et autres images choc pour patate de divan. Il s’agit de traverser un lac de montagne seul, en automne ou au printemps, sans combinaison, sans palmes ni bouée. Une petite épopée qui éprouve le nageur dans sa confiance, sa peur, son mental. Cela suppose de bien connaître son corps, ses limites, ainsi que l’environnement liquide et ses lois.
« La neutralité thermique nécessaire à notre métabolisme est de 24°C dans l’air, 33°C dans l’eau. Difficile tout de même de trouver un océan à 33°C. En dessous de cette température, le corps se refroidit et plus l’eau est froide, plus le corps se refroidit rapidement. » (maxisciences.com)
Une traversée de lac de 2 à 4 km à 12 ou 15 degrés se prépare. Pas avec des produits dopants, mais une vie si possible saine et une condition physique entretenue. Cela suppose d’analyser son corps et ses limites, les éléments et leurs lois, ainsi que ses propres réactions vis-à-vis des conditions extérieures. Tout cela devient le mental, expression qui recouvre la connaissance précise de toutes ces données, qui génèrent l’envie de le faire, la possibilité intuitive de le faire, et de surmonter tous les obstacles ou dangers.
On dit que les free climbers un jour « se sentent bien face au rocher », et qu’ils y vont, sans assurance, c’est-à-dire sans corde, sans matériel, sans rien. Preuve que le mental est prêt et donne le signal ; sinon, ce ne serait pas possible. Même si on peut toujours tomber, comme Edlinger, qui se brisera un jour 15 mètres plus bas. Mais on ne parlera pas de performance, ici. Simplement montrer que le corps et l’esprit, ces deux entités apparemment différentes, sont liées en souterrain. Le corps et sa conscience, le corps et sa réflexivité (notion mathématique et cybernétique), l’un agissant sur l’autre dans une boucle complexe : la force du corps donnant de l’assurance à l’esprit (« je me sens fort »), la ténacité de l’esprit permettant de puiser des ressources insoupçonnées dans le corps (« tu peux le faire »). Je me sens fort – tu peux le faire : « je » pour le corps, « tu » pour l’esprit.
- Edlinger, dit le lézard sur la roche
Connaître son corps, le respecter, le corriger, le développer aussi, nécessite d’en savoir un petit bout sur la nutrition et la consommation calorique, histoire de ne pas se retrouver en hypothermie ou en chute glucidique à 800 mètres du bord, dans une eau indifférente au drame, avec personne en vue pour la rescousse. La dépense énergétique du nageur normal tourne autour de 500 calories/heure dans une eau à 24-26 degrés. C’est la température moyenne d’une piscine municipale.
Avec des enfants qui sautent dans tous les coins, des mamies qui discutent en bloquant les couloirs de nage, et des femmes qui essayent courageusement de perdre leur cul, qu’elles trouvent toujours trop gros alors que la nature a prévu cette réserve de graisse pour nourrir les bébés, sans oublier le (sur)dosage de chlore, l’urine des petits et la carte complète des bactéries... Bref, les vrais amoureux de l’eau préfèrent fuir le rectangle bleu.
La dépense calorique d’un brasseur en piscine équivaut à celle d’un joggeur à 10-12 km/h de moyenne. Dans l’eau, on ne se sent pas transpirer, on ne se voit pas perdre de l’eau, comme un cycliste sur le mont Ventoux, cette tradition de torture musculaire. En eau froide, le simple fait d’y entrer fait perdre 100 calories, d’un coup, tchoc (thermique). Les statistiques nous indiquent, pour un homme de 80 kilos, 450 cal dépensées à 1 km/h en eau chaude (piscine), 1 300 à 2,5 km/h en eau chaude et, en extrapolant, plus de 2 000 à rythme soutenu en eau froide (<16°).
- Celle qui a inventé la brasse
Dans notre parcours en eau froide, pas de violence ni de sprint, mais un effort étalé, sur deux heures, avec prise de risque calculée. Là, il s’agit d’arriver entier. Seuls les nageurs de haut niveau peuvent pratiquer un crawl (ou un papillon, comme Sylvain Estadieu qui a traversé la Manche en 16h42 dans une eau à 16°), moins gourmand pour eux énergétiquement, pendant une ou deux heures. Mais à vitesse réduite, la dépense énergétique de la brasse, où les jambes jouent le rôle de propulseur, vaut celle du crawl.
Double brasse coulée :
Brasse coulée simple :
Ensuite, il y a brasse et brasse : la brasse classique de piscine, avec tête hors de l’eau et fesses à l’air, dans une position inesthétique, n’est pas adaptable en nage longue de lac, où les remous peuvent gêner la prise de respiration. On optera donc pour une nage sous eau, dite aussi brasse coulée, c’est-à-dire à 15-20 cm sous la surface, qui permet une meilleure allonge et une prise d’air à moindre fréquence. Une profondeur qui correspond à une flottaison maximale : la flottaison, ou couple posture/profondeur qui donne le meilleur rendement. Quand on trouve sa flottaison idéale, après des semaines ou des mois d’entraînement, on économise ses efforts en brassant moins souvent pour une allonge supérieure. Résultat, on avance plus vite, et plus longtemps.
C’est le moment de lâcher chaque mouvement, et de le faire durer : l’écartement des bras doit être total, mais pas brusque, et la propulsion des jambes primordiale, en laissant bien soin à chaque poussée de donner toute sa plénitude. Quitte à se retrouver presque à l’arrêt entre deux relances. Ce qui n’a rien à voir avec la brasse de compétition, qui exige une reprise rapide avant la fin de la poussée, en pic de propulsion, pour relancer la machine.
On se retrouve donc en position de grenouille étirée, profitant alternativement de chaque propulsion (bras/jambes), jambes collées pieds joints quand les bras s’ouvrent, et bras joints quand les jambes poussent. Ainsi, on augmente sa vitesse en diminuant le nombre de mouvements, petite économie qui fait sens au bout de plusieurs centaines de brassées. Plus d’amplitude, plus de lâcher, et moins de dépense énergétique, puisqu’on glisse avec légèreté sous la surface, la tête freinant le moins possible le processus. Le mouvement (presque) parfait, sanctionné par une belle avancée, devient à la fois un but et un plaisir.
Nous voilà désormais à 500 mètres du bord, mais ne nous laissons pas emporter par cette nage qui semble facile. Il faut trouver une régularité, qui se règle sur son propre niveau de confiance : ne pas aller trop vite, mais ne pas lambiner. Quand on a trouvé son rythme, entre « calme ta joie » et « ne lambine pas », on peut faire des pauses toutes les 150 ou 200 brassées par exemple, chaque brassée correspondant à un peu moins de trois mètres. Attention, la relance-bras doit s’effectuer un peu avant l’extinction complète de la propulsion-jambes, sinon c’est un redémarrage et, comme pour la voiture, ça pompe du carburant. Donc profiter de toute l’impulsion, mais sans couper le moteur.
Le mental est la dose de peur admissible
Ainsi, on atteint sans se crever du 20-25 minutes au kilomètre, soit du 2 à 2,5 km/h. Vitesse que de bons nageurs de piscine atteignent généralement (avec le bonus de l’accélération artificielle dans les virages). Oui mais là, en eau froide, la brasse coulée est faite pour durer. Et on doit faire attention à tous les signaux que le corps envoie : souffle qui se raccourcit, température des extrémités (l’hypothermie commençant par ce qui ne travaille pas, percevoir la sensation du petit doigt de pied, marqueur numéro un), surveiller ses faiblesses musculaires (on a tous des muscles fragiles, plus ou moins blessés par le passé, par où généralement la crampe arrive), et savoir décrypter les micro-variations de mental.
Car on y est : à un kilomètre du bord, le mental entre en action. La fatigue se fait – logiquement – sentir, on est seul au milieu du lac, l’eau n’est pas forcément bleu turquoise, selon le ciel elle peut paraître sombre, inquiétante, et les signes d’angoisse peuvent émerger. Conscience de la solitude, de SA solitude, de l’absence de soutien, de la profondeur (les 60 mètres de fond en l’occurrence ne sont pas une idée abstraite, mais une puissance ressentie, c’est le vertige du nageur), du risque pris (on part toujours avec un capital-désir très fort... qui s’estompe) et on débouche fatalement sur la question : « mais qu’est-ce que je fous là, seul comme un con, au milieu d’un lac, en octobre, sans personne autour ? », etc.
La gamberge fait partie intégrante du processus, il faut donc s’y préparer, car elle survient toujours. À effort égal, le joggeur ne risque pas la noyade ; le nageur, si. C’est là que le mental entre en action, pour éviter que l’appréhension naturelle ne se transforme en peur et la peur en panique, sa suite logique. En effet, le bord suivant est à non pas un kilomètre, mais à 30 mn (intégrer la fatigue dans le calcul) ; on ne réfléchit pas en terme de distance mais de temps, et on possède un capital-temps, qui correspond à des « vies » à la manière des jeux vidéo. Sauf que là, c’est une vraie vie qui est en jeu : la sienne. Après avoir passé le cap du « qu’est-ce que je fais là », ou du « à la moindre crampe je coule », c’est le moment de lancer les contre-mesures : le plan anti-gamberge.
Ne compter que sur ses propres forces
D’abord, le regonflage d’ego : « Je suis fort, je suis entraîné, je suis juste sur l’eau, ce n’est qu’une grande piscine, ce passage à vide est normal ». Ne pas chercher des yeux un voilier ou autre embarcation qui pourrait servir de plan B, c’est le meilleur moyen non pas de couler, mais de perdre confiance en soi, en ses propres forces. La phrase fétiche de Mao, « compter sur ses propres forces », prend tout son sens. Il va falloir chercher au-dedans la force mentale de continuer, et convoquer des forces supplémentaires, la première réserve étant manifestement en voie d’épuisement. On vérifie à son corps défendant la loi forces-mental, le mental étant corrélé aux forces disponibles. Dans ce cas, un trou dans le mental signifie-t-il qu’il n’y a plus de forces ? Que nenni : tout simplement qu’on attaque les réserves. Quand la fusée a consommé tout son combustible, elle largue le réservoir numéro un, le plus impressionnant, qui a juste servi à s’affranchir de la gravité, à s’arracher de la ceinture gravitationnelle terrestre.
Ce petit trou d’air indique qu’on a passé le premier stade, celui du lancement, et qu’on va devoir trouver un second souffle, basé sur une énergie plus profonde, située sous la couche de confiance, sous la facilité, sous l’insouciance. Les choses ne sont plus aussi automatiques. Le mental intervient à ce moment précis, délivrant sa réserve de force physique. On prend dès lors pleinement conscience de ce qu’on fait, de chaque mouvement, alors qu’auparavant, dans la phase de lancement, la nage se faisait toute seule. Ce qui n’est pas faux : passer 5m80 représente une paille pour Lavillenie, un effort pour les autres. Les choses sérieuses commencent pour lui à 5m85 ou même 5m90. Là où l’on se sent forcément plus seul.
En natation, au moment « M » où l’on se sent abandonné, où l’on prend conscience de sa solitude existentielle, on pense à la défaillance, à la mort. Règne du doute, où l’on se demande non pas si, mais où le corps va lâcher, si un courant froid (il y en a de sévères à 10-12° qui affleurent) ne va pas nous happer, un gros poisson venu des profondeurs, un crocodile lâché par un passionné de reptiles il y a 20 ans devenu un monstre qui a tout dévoré... Ne vous moquez pas, ce sont pensées inévitables quand on nage seul en milieu naturel. Une sorte d’effet Dents de la mer !
De plus, comme on évite de nager en plein soleil en saison estivale (réverbération aveuglante en prise d’air), le changement de couleur de l’eau annonce quelque chose de menaçant… On pense alors à sa famille, si on en a, et on se dit que si on s’en sort, on arrêtera ces conneries.
C’est le moment précis de faire une pause, la pause qui va stopper la montée du délire. Il existe une technique simple, anti-crampe, cet ennemi sournois du nageur. Se mettre à la verticale, la tête hors de l’eau, prendre une grosse goulée d’air, bouche fermée, et se laisser couler. Qu’on se rassure, on ne coulera pas à pic au fond du lac, car on remonte lentement, selon le poids de son corps. Une fois la tête propulsée – naturellement, ne surtout pas effectuer de poussée – hors de l’eau, vider son air par la bouche, reprendre de l’air par le nez, se gonfler comme le Poisson-globe, et se laisser couler à nouveau. En renouvelant l’opération « yoyo » plusieurs fois, on détend son corps, on reprend son souffle, on chasse les idées noires, et on est prêt à repartir. Cette noyade contrôlée permet de faire baisser considérablement le niveau de stress, en rapport direct avec la fatigue.
En repartant, le corps prend un rythme qui s’adapte automatiquement à la fois à la durée de nage restante (évaluée intuitivement) et aux réserves d’énergie résiduelles. Le corps sait parfois mieux que la tête.
Si la crampe – fille redoutée du couple froid/fatigue – survient, alors faire la planche et tendre la jambe. Passer pour Muriel Hermine (ancienne championne française de natation synchronisée) avec une jambe qui dépasse vaut mieux que de couler. Normalement, le corps lance toujours un avertissement avant la crampe : une pointe se fait jour dans un muscle (par exemple le gastrocnémius du mollet ou le grand adducteur de la cuisse), avant de s’étendre. Entendre le message – la douleur est un message –, ralentir la machine, déplacer le centre de gravité de l’effort principal des jambes aux bras qui eux, risquent rarement la crampe.
Sinon, se mettre sur le dos en n’utilisant que les bras, et laisser ses jambes mortes et tendues flotter à la surface, en jouant sur l’articulation des chevilles (pieds tendus vers le ciel). Des techniques provisoires mais salutaires. Pour éviter ces désagréments facteurs de stress (et possiblement de noyade), se charger au préalable de magnésium (dont le manque génère fatigue et stress) et de potassium (qui régule la contraction musculaire). Conclusion : ingurgiter (une ou deux) bananes et chocolat (4 à 6 carrés de noir à plus de 78%) est plus que bienvenu avant la traversée. C’est l’ami Banana split.
Nous voilà à plus de 2 km, sur le chemin du retour, le plus long, la fatigue augmentant psychologiquement la distance. On est dans le dur, les muscles durcissent, le souffle s’accélère, la prise d’air se fait aléatoire, on commence à boire quelques tasses en sortant la tête de l’eau au milieu des vaguelettes agressives (caler ses prises d’air entre deux claques). En profiter pour se réhydrater en eau douce (les lacs sont classés selon leur pureté), bien filtrée par la roche. Ne pas oublier d’uriner en route, comme les cyclistes, car le méridien du rein, qui commande la fonction urinaire, peut tendre le grand muscle intérieur de la cuisse, siège de la crampe la plus dangereuse.
Aide précieuse que la connaissance énergétique chinoise du corps (et hop, retour sur Mao), chaque point de muscle correspondant à un méridien, et lui-même à un organe. Si la pointe persiste – la pointe prévient du claquage, qui lui prévient de la déchirure –, effectuer des pressions du pouce le long du méridien tendu (on le sent aisément, surtout quand il est chargé), pour le décharger énergétiquement. Un gain de temps provisoire, mais salutaire. Une automédication en route, qui permet de prolonger sa vie… sur l’eau.
Kilomètre 3, côte en vue, la luminosité diminue, l’eau s’obscurcit, le tempo est bon, le corps est froid (mais pas d’une froideur cadavérique !), la température intérieure a baissé, elle mettra plusieurs heures à remonter ensuite, mais c’est le signe et le prix de l’adaptation. Éviter de focaliser sur la ligne de côte, qui arrivera de toute façon trop lentement (un mirage dans ce désert liquide), avancer par paquets de cent brassées, ponctuer de « noyades » contrôlées, et finir par petits morceaux. Et en morceaux, aussi.
Une nage en eau libre à 12° durera moins longtemps. Pour cela, il faut développer une indifférence au froid, nager par tous les temps, des lacs de glaciers à 8° en passant par les étangs de novembre, dont la température ne chute pas vertigineusement. L’avantage des masses d’eau importantes et profondes, c’est que leur température ne monte pas haut (rarement au-dessus de 25° l’été), mais pas non plus en dessous de 10. La masse fait… poids aux variations de températures. En revanche, dans un étang, si possible propre, la faible profondeur (moins de 6 m et parfois moins de 3) engendre une plus forte soumission à la température ambiante : réchauffement rapide en surface pendant la journée, a fortiori en période de canicule, refroidissement rapide au cours d’une seule nuit fraîche. Le nageur en eau libre peut préférer le lac de montagne, cette réserve d’eau pure sans algues (l’apanage des étangs, une preuve paradoxale de propreté), à l’eau de mer, dont la salinité porte artificiellement le nageur, mais dont les courants contrariants gênent la brasse coulée.
La préparation pour une nage en eau fraîche (16-20°), froide (12-16°) ou très froide (8-12°) [1] nécessite un travail d’accoutumance au froid. Savoir se désensibiliser en nageant régulièrement dans un plan d’eau dont la température naturelle décroît, jusqu’à ce que le climat ne le permette plus (thermomètre négatif, rafale de pluie, bourrasque de neige).
La durée de nage dépendant évidemment de l’environnement thermique : dans une eau à 8°, difficile de rester plus de 20 mn, à moins d’éviter de plonger la tête dans l’eau (s’attendre à un choc thermique suivi d’une migraine lancinante), ou de la couvrir d’un bonnet isolant (néoprène). À 12°, 45 mn suffisent amplement. Tels les militaires, un entraînement graduel permet de gérer son stress et d’augmenter sa résistance.
Après, les petits tracas de la vie courante – patron radin, épouse pénible, enfants rebelles, amis lourdingues – paraissent nettement plus faciles à affronter.
Pour les fous, une nage de 15 km en lac, mais en été et en groupe :
Les nageurs de Vancouver dans le Pacifique :
Un petit résumé de la nage en eau libre et des compétitions officielles :
Conclusion : les 10 commandements du nageur
1. à bien nager apprendras
2. les règles de sécurité respecteras
3. les mauvais nageurs surveilleras
4. nager seul éviteras
5. ton corps écouteras
6. ton mental travailleras
7. une nutrition adaptée privilégieras
8. les techniques de survie maîtriseras
9. les techniques de sauvetage apprendras
10. le danger de l’eau jamais n’oublieras
Ne pas se jeter à l’eau n’importe où et n’importe comment, apprendre à nager correctement (malgré les cours aussi rares que médiocres donnés par le personnel des piscines dans le cadre de l’Éducation nationale), entretenir sa nage, ne pas partir seul sur un plan d’eau froide, avoir toujours un bon nageur avec soi (comme le sobre qui ramène les buveurs de boîte)...
En fait, la nage c’est comme la bagnole : on doit savoir à la fois à conduire et respecter les règles de conduite, car les accidents sont dus à ses propres manquements et/ou à la méconnaissance de son environnement. La vitesse et le plaisir sont une chose, la sécurité en est une autre. Mais elles doivent aller de pair. Il suffit de 10 secondes pour qu’un mauvais nageur avale une tasse, panique et coule.