Le Sénat vient de publier un rapport qui critique très sévèrement les pratiques des mutuelles étudiantes. Une nouvelle pierre qui amène à nouveau à se poser des questions sur les dérives d’un secteur qui apparaît de plus en plus comme une rente qu’il faudrait davantage remettre en cause.
Les mutuelles étudiantes en accusation
Le 18 décembre, le Sénat a publié un long rapport qui dénonce des dérives en série, après un dossier d’UFC-Que Choisir dont le chargé de mission affirme que « tous les éléments sont sur la table avec notre rapport et celui du Sénat. Maintenant, il va falloir choisir entre réenterrer le sujet des mutuelles étudiantes pour dix ans, ou enfin s’en saisir. » Le rapport se demande même s’il ne faut pas envisager la suppression pure et simple des mutuelles étudiantes.
En effet, les dérives sont très nombreuses. Tout d’abord, la concurrence entre les deux principaux réseaux entrainent des coûts très importants puisque leurs frais de gestion, 13,7 % des ressources, sont nettement plus élevés que ceux de l’assurance-maladie. A minima, une fusion des organismes permettrait d’assainir la situation, à moins même de l’intégrer dans le dispositif national. Le rapport pointe également de gros retards de remboursement et une accessibilité très mauvaise et disparate.
En outre, la chasse aux assurés entrainent des abus avec le recrutement d’étudiants, déjà couverts par les mutuelles de leurs parents, mal renseignés, qui souscrivent à une assurance complémentaire parfaitement inutile. Enfin, le Monde pointe les liens parfois troubles entre les mutuelles et les syndicats étudiants, qu’elles peuvent financer. Il souligne que l’UNEF « truste ainsi l’ensemble des postes d’administrateurs délégués, rémunérés entre 1000 et 1400 euros ».
Les rentes de la privatisation de la Sécu
Cet exemple démontre à nouveau toutes les limites de la privatisation de la Sécurité Sociale. En effet, quand on retire au secteur public la gestion du service public, on introduit une concurrence qui tend à augmenter le coût pour l’usager. En effet, elle impose des dépenses commerciales plus importantes. En outre, dans de tels domaines, la concurrence est rarement parfaite du fait à la fois d’une certaine opacité et d’une capacité des organismes à monter les prix au-delà du raisonnable.
Suivant l’analyse de Joseph Stiglitz dans son dernier livre, on constate également que les organismes parviennent de manière habile à obtenir des réglementations qui leur sont extrêmement favorables. C’est aussi le cas des mutuelles de santé, qui bénéficient du déremboursement des soins pour augmenter leur chiffre d’affaires (environ 40 milliards d’euros aujourd’hui) et ont tout intérêt à maintenir les politiques dans le sens pris depuis des années, par la droite comme la gauche.
Du coup, il devient extrêmement troublant de constater qu’alors que la ministre de la santé, Marisol Touraine, semble très appréciée par les mutuelles, qu’elle comprend, et auxquelles elle veut confier plus d’influence pour les soins optiques et dentaires. En effet, l’un des premiers gestes de la ministre a été de reporter l’obligation de communication des montants des frais de gestion des mutuelles, prévue initialement en 2013, à 2014, sans que l’on en comprenne bien l’intérêt.
Bref, l’abandon de la santé par l’État pose d’innombrables problèmes à nouveau exposés par ce rapport du Sénat sur les mutuelles étudiantes. La concurrence mise en place est une fausse concurrence et une vraie rente pour les organismes qui se substituent à l’État, à grand coût pour les usagers.