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Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

"Affreux, sales et méchants"… mais éclatants !

En 1976 sort un film bombe, d’un réalisateur italien peu connu du grand public : Ettore Scola. Qui a le culot de montrer, en plein boum économique européen et dans une société de consommation satisfaite, le quotidien misérable d’une famille des bidonvilles de Rome. La claque dans la gueule de la bonne société !

 

Une des filles fait la pute, le frère voyou essaye de l’attraper, tout le monde a une sale gueule et une mentalité vicelarde. La grand-mère est encore en vie pour une seule raison : elle touche l’aide sociale, se constitue un petit pactole, et la famille entière tente de lui faucher le magot. Tout l’appétit capitaliste et la déchéance morale ramassés en quelques mètres carrés de promiscuité. Ils sont peu à pouvoir quitter ce village moyenâgeux posé contre une des collines pourries de Rome. Les petits pioncent dans les tiroirs, le père borgne et alcoolo tombe amoureux d’une pouf obèse qu’il présente à femme… c’est la totale. Le « social » porté à son plus haut degré de brutalité. Un feu d’artifice de bordel à l’italienne. Mais c’est drôle, vivant, du Reiser dans le texte, et le dessin : Scola a commencé comme dessinateur d’humour, dessin qu’il reprendra à la fin de sa vie, écoeuré par les pratiques des producteurs et des distributeurs.

 

La bande-annonce de Brutti, sporchi e cattivi en italien, mais sous-titrée en français :

 

 

Attention, dans l’extrait qui va suivre, la vie bouillonnante des pauvres fait que certains gros mots et certaines scènes peuvent choquer les âmes sensibles. Mais Ettore n’a rien inventé. Pour ceux qui aiment le genre, en un peu moins rigolo, on conseille l’excellente série Gomorra, diffusée sur Canal+ en janvier 2015, qui raconte le quotidien de petits mafieux napolitains (de la Camorra). La veine néoréaliste serait-elle en train de ressusciter chez nos cousins transalpins ? Pour en revenir à ce film – auquel certains préfèreront Une Journée particulière ou Nous nous sommes tant aimés –, au milieu de toute cette merde, l’avenir de l’Italie est symbolisé par la pure adolescente, objet de toutes les convoitises, avec ses bottes jaune soleil. Un îlot d’innocence – elle garde jalousement son petit frère éloigné de toutes les turpitudes « humaines » – dans un monde de putes et de brutes. La louve romaine…

 

 

Plus social, tu meurs dans les toilettes d’un centre social pour migrants à Aubervilliers !

 

Gina Lollobrigida - années 60

 

Hélas, depuis, le cinéma italien, mâtiné de vérités violentes et d’humour grinçant, ce qu’on appelle communément la comédie, a quelque peu sombré. La faute à la télé, et à l’explosion des chaînes privées et locales dans les années 1980-1990, à la désaffection croissante des salles obscures, coïncidant avec la fin d’une période faste de créativité incarnée par les Rosselini, de Sica, Fellini, Comencini, Visconti, Pasolini et autres Risi (ordre non chronologique, attention).
On retrouvera ce réalisme social – passage de témoin européen ? – dans le nouveau cinéma espagnol des mêmes décennies 1980-1990. L’ensemble étant une résurgence ou les branches du cinéma russe des années 1920, qui avait mis la terre et l’homme à l’honneur, repris par le cinéma allemand pré-nazi. Les Italiens y ajouteront leur touche glamour, avec les beautés renversantes que furent les Monica Vitti, Sophia Loren, Gina Lollobrigida, Claudia Cardinale (dans Le Pigeon)… déesses plongées dans un marécage glauque habité par des hommes tordus, livrés à eux-mêmes, et magnifiquement interprétés par Vittorio Gassman, Ugo Tognazzi, Alberti Sordi, Nino Manfredi, Marcello Mastroianni… Une bande d’acteurs capables de faire rire ET pleurer, parfois en même temps.

 

Le charme naturel des actrices italiennes de la Cinecittà

 

Aujourd’hui, de l’autre côté des Alpes, il ne reste que la pleurniche (on espère que cette petite provocation conduira un lecteur italien à nous contredire et nous « vendre » la renaissance du ciné rital), avec Nanni Moretti qui n’en finit pas de pleurer sur la mort de la gauche. Scola, lui, avait préféré en rire.

 

La biographie du réalisateur par Thierry Ardisson dans Tout le monde en parle du 20 mars 2004 :

 

Le social italien, curieusement absent du cahier des charges d’Hollywood, voir sur E&R :

Voilà un film social français, chez Kontre Kulture :

La bande dessinée qui se rapproche le plus de l’esprit néoréaliste italien,
chez Kontre Kulture :

 






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43 Commentaires

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  • #1377172
    Le 20 janvier 2016 à 20:57 par karimbaud
    Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

    je l’ai vu sur Classic dans un très beau doc consacré à la légendaire trattoria " Chez Otello "...merci monsieur Scola, reposez en paix maestro..quel cinéma !

     

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  • #1377251
    Le 20 janvier 2016 à 22:06 par SpiritusRector
    Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

    Dans le même genre je conseille amicalement à tous les curieux avides de bons films pour se marrer de s’intéresser aux films de Alex de la Iglesia...

    - Action mutante

    - Perdita Durango

    - Mort de rire

    - Le jour de la bête

    Que du bon !

     

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    • #1378112
      Le Janvier 2016 à 22:20 par Moi, Peter Sellers
      Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

      El Dia de la Bestia...
      Un classique qui avec la tournure des événements eschatologiques se révèle encore meilleur que la forte impression qu’il avait eu sur nous à sa sortie !!!
      Pour ceux qui ne connaissent pas un prêtre de province veux hâter l’arrivé de l’antechrist en commentant le mal autant que possible dans un Madrid nouvelle Babylone.. Occultisme, Jacob Franck, Sabathai Tzevi (?) on se demande si le scénario est plutôt bien documenté pour 1995 l’année de sa sortie.. LOL..
      Ps : le film avec Mel Gibson Complots (Conspiracy Theory) sortie en 1997 (!) contient absolument toutes les théories du complots mise à part le onze septembre...

       
  • #1377273
    Le 20 janvier 2016 à 22:26 par Optop
    Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

    Le magnifique "va te faire foutre" lâché par Nino Manfredi au journaleux...
    RIP Ettore Scola

     

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  • #1377286
    Le 20 janvier 2016 à 22:49 par Déclassé social
    Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

    Pour ceux qui veulent voir d’autres super films de la grande époque du cinéma italien, je recommande vivement : "i mostri" ("les monstres", 1963) avec Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi. Il s’agit d’un film à sketchs sur la société italienne.

     

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  • #1377536
    Le 21 janvier 2016 à 11:58 par Marde
    Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

    Mon plus grand souvenir de cinéma Italien ! Le génie à l’état pur ! On en mesure d’autant plus le désastre survenu depuis...

     

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    • #1377802
      Le Janvier 2016 à 17:21 par Moi, Peter Sellers
      Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

      Moi, mon premier souvenir marquant d’un film à la télé c’est « Miracle à Milan » de Vittorio De Sica. Longtemps j’ai eu une très bonne mémoire de quelques scènes et d’images frappantes.. J’ai quasiment espèré toute mon enfance revoir à la télé un film dont je ne savais presque rien.. Le film est un peu un conte et je me demandais pourquoi les adultes ne faisaient pas des films pour enfants dans le même genre.. c’était LA référence absolue...

       
    • #1377935
      Le Janvier 2016 à 20:02 par Titus
      Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

      Miracle à Milan, oui, un merveilleux conte à voir et à revoir avec bonheur à chaque fois.

       
  • #1378103
    Le 21 janvier 2016 à 22:10 par elias
    Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

    Tout est allégorie dans "affreux sales et méchants" : la cage en guise d’école, la tentative de meurtre du père, la famille sicilienne de la fin qui immigre dans les bidonvilles de Rome ...

    Un très grand film. A voir en VOST pour vraiment en profiter.

     

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  • #1378358
    Le 22 janvier 2016 à 10:23 par Pinocchio
    Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

    Superbe article et grandissime cinéma italien de l’époque, quand on voit leur cinéma maintenant, il n’y a plus que des comiques et qui ne font même pas rire et ils sont tous au gouvernement

     

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  • #1378732
    Le 22 janvier 2016 à 18:21 par jeplaisancorssaidaingue
    Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

    mémorable "nous nous sommes tant aimés" qui m’a fait réaliser à l’entrée dans l’âge adulte que ça ne serait pas une partie de plaisir. Du moins pas que.

     

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  • #1381293
    Le 25 janvier 2016 à 20:56 par fredo de lens
    Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

    j en parlais a un pote de ce film il y a deux semaines.......

     

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  • #1382075
    Le 26 janvier 2016 à 22:00 par dams
    Mort du grand réalisateur italien Ettore Scola

    Ce ciné italien c’était quelques choses.
    Je ne sais pas comment j’étais tombé sur ce film, mais j’ai pu le voir enfant, scotchant !

    Je crois me souvenir de questionnements sur ces rapports entre les gens, sur la condition sociale, avec une louchette chrétienne qui espérait leurs biens si possible.

     

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