« Ses frères, ainsi que ses trois filles, Olivia, Lou et Lila me chargent de vous annoncer avec une grande tristesse que Thierry Séchan est décédé à l’âge de 69 ans à son domicile parisien de mort naturelle. » (Communiqué de Renaud à l’AFP)
La vie de Thierry Séchan était à la fois indissociable et dissociable de celle de son célèbre frère, toujours en vie. Ayant reçu la même éducation protestante et ouverte, ces deux fils (et trois sœurs) d’un prof d’allemand et directeur de collection très à droite feront chemin parallèle dans l’ombre et dans la lumière. Renaud avait le talent de la chanson populaire gentille, Thierry celui de l’écriture féroce. Il s’illustrera en sortant quatre livres sur les chanteurs, qu’il connaissait par la coulisse, Nos amis les chanteurs.
« Après la guerre, Olivier Séchan enseigne l’allemand au lycée Gabriel Fauré dans le XIIIe arrondissement de Paris, où Renaud passera son collège. Directeur de collection chez Hachette Jeunesse, il signe de nombreux ouvrages de littérature jeunesse publiés dans les Bibliothèques rose et verte : “Jeune, j’ai surtout lu Maupassant, Vian, Prévert, Céline, un peu et Drieu La Rochelle beaucoup ; de seize à dix-huit ans, Le Feu follet a été mon livre de chevet” explique Renaud dans Le Monde (23 janvier 1986). C’est donc loin de la “zone”, dans un milieu cultivé, au milieu des livres et des instruments de musique que grandissent Renaud et ses cinq frères et sœurs, Christine, Nelly, Thierry, David et Sophie. » (Source : Faits & Documents)
Renaud était le faux subversif, invité chez Drucker et loué par ce qu’on n’appelait pas encore les médias mainstream, Thierry était le vrai subversif, dont les mots passaient parfois par le prisme de son frère. Renaud entrera dans le saint des saints, le premier cercle de la cour de François Mitterrand, pour se faire manipuler dans les grandes largeurs. Il reviendra de ce socialisme bidon, peut-être un peu grâce à la lucidité de son frère :
« Il y a vingt ans Geismar cassait les vitrines chez Fauchon, aujourd’hui il se fournit chez Fauchon. Cohn-Bendit, le héros de 68, est devenu patron d’entreprise en justifiant les licenciements et July, l’ancien mao, s’érige en défenseur de la social-démocratie. [...] Le pire, c’est que c’est cette intelligentsia qui va de Bedos à L’Événement du jeudi et de BHL à Anne Sinclair qui m’a traîné dans la boue.[...] Quand je vois l’intelligentsia, le show-biz, les cultureux de tout poil profiter de toutes les tribunes pour balancer sur Le Pen, je me dis que je préfère garder ma voix pour d’autres combats. [...] J’ai été leur bonne conscience, de la même façon que le sont aujourd’hui les “rappeurs” de Jack Lang, qui en est à créer des départements de rap ou de tag dans certaines universités. » (Source : Faits & Documents)
Thierry, lui, ne cédera jamais à ces illusions. Mais Renaud, désireux de revenir en grâce au cœur de la gauche culturelle caviar, se reniera très vite. Pour cela, il devra renier les opinions de son frère, très marquées à droite, et celles de Jean-Edern Hallier, l’homme de L’Idiot international, journal qualifié de rouge-brun dans lequel Renaud avait pesté contre la Guerre du Golfe en 1991 (entretien paru dans Globe Hebdo en 1993) :
« Le fait que votre frère Thierry Séchan, qui fait de la littérature, ait donné une interview au Choc du mois (un mensuel d’extrême droite) ? – Je le lui ai dit que c’est une erreur fondamentale. [...] – Continue-t-il à voir Jean-Edern Hallier ? – Non, ni lui, ni moi ne le revoyons. Jean-Edern Hallier s’est servi de nous, de moi en particulier, pendant la guerre du Golfe. [...] J’ai arrêté d’écrire pour Jean-Edern Hallier à la suite de cet édito antisémite particulièrement ignoble sur Deauville, le Sentier et les juifs arrogants. [...] Hallier c’est fini. En plus récemment, il a, comme on dit, jeté des ponts en déjeunant avec Bernard Pons, l’homme d’Ouvéa. C’est un fou. – Cet été, le Canard enchaîné vous a mis en cause en citant une de vos chroniques de Charlie Hebdo : vous avez été l’auteur d’un dérapage sur Anne Sinclair – [...] J’ai rencontré Anne Sinclair et je me suis expliqué lors d’un déjeuner. Elle a accepté mes explications et mes excuses. » (Source : Faits & Documents)
Une repentance – techouva ! – que Thierry ne s’abaissera pas à faire. Il est vrai que ses chroniques dans Minute et ses passages sur Radio Courtoisie lui fermeront les portes des médias à jamais. Cela ne l’empêchera pas de pardonner à Renaud et de se réconcilier avec lui, les liens du sang étant plus forts que les liens politiques. Thierry deviendra alors le porte-parole quasi officiel de son frère qui plongera dans la dépression (le prix des reniements et de la lucidité qui s’ensuit) et l’alcool.
Thierry donnera régulièrement à la presse et au public de Renaud des nouvelles du pochtron. Il publiera même un livre sur sa relation en dents de scie avec la star, Lettres à mon frère, ce qui énervera le chanteur énervant.
« Thierry a beaucoup écrit sur mon compte. Des livres. Il s’est répandu en interviews parfois nauséabondes quand je n’allais pas bien. Nous avons des relations fluctuantes, qui peuvent être très tendues »
Pour Didier Varrod, journaliste spécialisé dans la variété française, Thierry Séchan était « un garçon émouvant, agaçant, perturbant, excessivement intelligent, très cultivé. Mais comme tous les êtres décharnés par la vie et ses excès, il n’était pas toujours facile à appréhender » (Source : Télé-Loisirs).
Morceaux choisis de Nos amis les chanteurs
La chanson française : « Une grande cour d’école avec ses premiers de la classe, ses jolies filles, ses fayots, ses cancres, une grosse poignée d’attardés mentaux, quelques dilettantes géniaux, des multiredoublants et un amas de moyens-en-tout, cadors de préaux aux lointaines promesses. »
« Thierry Séchan : Michel Polnareff un body-builder sans voix encore plus pathétique que sa doublure Obispo, il paraît que Polnareff a arrêté de boire c’était une mauvaise idée.
Laurent Ruquier : C’est méchant c’est drôle...
Thierry Séchan : C’est taquin surtout. (…) J’ai écrit trois premiers volumes qui ont eu un très grand succès et qui m’ont valu aussi de grands procès que j’ai perdus, merci tous mes droits d’auteurs raflés c’est sympa, Françoise Hardy pourtant une grande artiste (…) Quand on a évalué l’état de la chanson française qui est aujourd’hui au chevet de la mort, il faut bien dire ce qui est (…) Quand on voit la classe d’un Lavilliers sans parler d’un Hallyday par rapport à un Christophe Mae ou un Willem, tous ces gens interchangeables...
Laurent Ruquier : qu’est-ce que vous lui reprochez à Christophe Mae ?
Thierry Séchan : Ben justement de n’avoir strictement aucun talent, c’est tout. » (Thierry Séchant dans ONPC du 14 mars 2009)
Dans Nos amis les chanteurs 2, Thierry étrille (gentiment) JJ Goldman, un chanteur « désespérément moral ». Thierry sera souvent attaqué en justice pour sa plume, le milieu confondant le pamphlet et l’injure, comme il l’explique lui-même dans son deuxième opus, Le Retour :
Quant à Patrick... Bruel ?
On n’ose vous le dire, lisez-le vous-même.