C’est l’histoire d’un tag intitulé « RAS » ou « RAUS », avec le « A » de anarchie accouplé avec un U (de Super U ?) formant une vague étoile juive. C’est en rouge sur un mur, à Moissac, dans le Tarn-et-Garonne. La chose est repérée par une conseillère municipale, l’affaire médiatisée par La Dépêche, et ça déclenche un tsunami médiatico-politique local.
On est loin du cimetière juif tagué de « SS » ou de « Juden » mais faute de grives... Ces trois lettres émeuvent l’opposition municipale, pas son maire, qui laisse pisser. Il est vrai qu’il est RN, et ça suffit à la gauche pour le placer dans le camp des vilains.
Le 25 août 2023, la courageuse résistance antinazie de Moissac appelle les gendarmes pour qu’ils constatent l’infraction et demandent aux services municipaux d’effacer « cet acte antisémite ». La Dépêche du 18 septembre 2023 diffuse le message des sauveurs :
« Nous remercions Jean-Lou Levi, président de l’association consistoriale israélite de Montauban, d’avoir rappelé à Romain Lopez la signification de l’antisémitisme et qu’une étoile de David taguée sur la façade d’une maison nous ramenait à des heures très sombres de notre histoire… Son intervention a permis l’effacement par les services municipaux de cette inscription.
Nous sommes choqués par l’incapacité du maire à saisir la gravité de cet acte, particulièrement à Moissac, ville de Justes. Nous l’invitons, avec son directeur de cabinet, à se replonger dans l’histoire et à s’inspirer des héros moissagais qui ont combattu l’antisémitisme et les persécutions nazies au prix de leur vie. »
Moissac, ville nazifrei
C’est vrai, Moissac a inauguré en 2013 une stèle de l’esplanade des Justes, grâce à l’association « Moissac, ville de Justes oubliée ». Derrière la fête, on sent une certaine rancœur.
En effet, 600 enfants juifs ont été sauvés des rafles entre 1940 et 1944 dans la Maison de Moissac, fief des scouts de l’EJF, « les éclaireurs israélites de France », comme l’écrit La Dépêche en 2016, un article mis à jour en 2023, à l’occasion du fameux tag.
Interviewé sur son envie de vivre en France et à Moissac en mai 2016 après les attentats (Montauban, Toulouse, Hyper Cacher, Bataclan), l’ex-enfant caché Jean-Claude Simon termine sur une note optimiste :
« Ces attaques terroristes m’ont comme tous les Français remplis de tristesse. Ils m’ont rappelé que l’antisémitisme est toujours sous-jacent dans la France que j’aime. Le nombre d’Aliyah n’est pas pour moi un problème, je suis Français de religion juive. J’ai tout à fait confiance dans la majorité de la population française et les quelques individus de type M’Bala M’Bala (Dieudonné) ne me feront pas douter de la France. La question ne se pose ni pour moi, ni pour mes enfants, encore moins pour mes petits-enfants, la France est notre pays et Moissac notre ville. »
Pour info, la maison sur laquelle le « RAS » a été tagué est occupée par des saisonniers polonais. Pour certains, c’est un « RAUS » (dehors, en allemand) qui aurait été écrit, le A et le U se confondant en une étoile de David. Il faudrait convoquer des spécialistes du graffiti pour en avoir le cœur net. Ou choper les coupables pour les faire parler, de gré ou de force.
En réalité, ce qui a déclenché l’action des gendarmes, c’est quand Jean-Lou Lévi, le président de l’association consistoriale israélite de Montauban, accessoirement frère du sénateur de Tarn-et-Garonne Pierre-Antoine Lévi, a sommé par téléphone le maire RN Romain Lopez de supprimer dans les plus brefs délais ce « tag violemment antisémite ».
À l’heure ou nous écrivons ces lignes douloureuses, la ville de Moissac n’est toujours pas reconnue Juste parmi les nations – on sait pas ce qu’il leur faut, à Vashem ! –, mais quelques-uns de ses habitants ont reçu cette précieuse décoration, qui d’un point de vue moral vaut de l’or dans la France d’aujourd’hui.