La société états-unienne Uber et son application mobile UberPOP sont désormais dans le collimateur du gouvernement, après une série d’incidents graves.
Il y a quelques jours, un Lyonnais a été passé à tabac (mâchoire et nez brisés, pommette défoncée : 21 jours d’ITT) par plusieurs conducteurs de taxi pour s’être vanté d’utiliser les services des VTC Uber (qui revendique 400 000 utilisateurs dans l’Hexagone). Cinq personnes ont été interrogées par la police.
Près de 3 000 chauffeurs de taxis (sur 55 000) manifestent leur mécontentement depuis ce matin dans les principales villes de France. Près de la capitale, les accès en voiture à trois terminaux de Roissy sont bloqués. Même situation à l’aéroport d’Orly, où une dizaine de voitures ont été endommagées. Le périphérique a été bloqué dans l’ouest de Paris en début de matinée. Les professionnels du transport de passagers ont pris à partie leurs concurrents, chauffeurs de VTC de la société Uber : deux de leurs véhicules ont été retournés, porte Maillot à Paris. L’accès aux gares parisiennes a été entravé.
Afin de calmer les taxis et de protéger la République en danger, Bernard Cazeneuve a troqué son costume d’agent d’accueil pour clandestins pour une posture de fermeté et ordonné au préfet de police de Paris d’interdire l’activité d’UberPOP :
« J’ai donné instruction, compte tenu des troubles graves à l’ordre public et du développement de cette activité illégale, au préfet de police de Paris de prendre ce jour un arrêté interdisant l’activité d’UberPOP. »
En début d’après-midi, les syndicats de chauffeurs de taxi faisaient savoir qu’ils refusaient de se rendre à Matignon, où ils devaient rencontrer pas moins de quatre ministres, jugeant insuffisante la mesure prise par le ministre de l’Intérieur.
Cette affaire devrait connaître de nouveaux rebondissements car le Conseil constitutionnel devra prendre une décision concernant l’interdiction l’offre payante de transport entre particuliers, suite à l’application depuis octobre 2014 de la loi Thévenoud (du nom de l’ex-membre du PS et toujours député, mais dont on ne sait pas s’il a enfin guéri de sa « phobie administrative »). Ce dernier a indiqué ce matin :
« Il y a un article 12 dans la loi qui porte mon nom qui interdit explicitement UberPop. UberPop c’est du taxi clandestin, ce n’est pas qu’un problème franco-français, Uberpop a été interdit dans de nombreuses villes partout dans le monde (...) et il faut utiliser cet article. »
Plus anecdotique, Courtney Love, connue pour être l’ex du chanteur du groupe Nirvana et pour son addiction au sucre en poudre, a eu la malchance de se trouver à l’aéroport de Roissy en matinée. Son véhicule a subi des jets d’œufs de la part des conducteurs de taxi. Apeurée, elle a envoyé une série de tweets de détresse, tout d’abord au rappeur Kanye West avec une photo de l’œuf, l’informant qu’elle allait devoir faire demi-tour et qu’il devrait se cacher avec elle car « des grévistes viennent d’attaquer notre voiture ».
Puis, terrorisée, elle a annoncé :
« Ils ont tendu une embuscade à notre voiture et notre conducteur est pris en otage. Ils attaquent les voitures avec des battes en métal. C’est ça la France ? Je suis plus en sécurité à Bagdad » (on peut douter qu’elle ait déjà mis les pieds en Irak...)
Dans un troisième tweet, elle a demandé l’aide du président de la République (et pourquoi pas d’un détachement de Marines ?) : « François Hollande où est cette putain de police ? Est-ce légal que vos citoyens attaquent les visiteurs ? Bouge ton cul jusqu’à l’aéroport. »
Elle a continué :
« On s’est fait poursuivre par une foule de chauffeurs de taxi qui a jeté des pierres, on est passés devant deux policiers qui n’ont rien fait. »
Finalement, la star aura la vie sauve et finira par s’échapper, traumatisée...
Le « modèle Uber » : Innovation paupérisante ou progrès inéluctable ?
Les taxis dénoncent la suppression des intermédiaires entre les transporteurs et les clients, le contournement du Code du travail et du droit social par Uber, qui fait travailler chômeurs, étudiants et précaires, pour un coût insignifiant et un revenu faible. D’un autre côté, les conducteurs Uber dénoncent le monopole et le corporatisme des chauffeurs de taxi, une modèle jugé obsolète, rigide (paiement des courses en liquide) et onéreux (la licence s’obtient pour environ 200 000 euros).
Alors, Uber : une alternative bon marché aux taxis ou un modèle économique tirant le monde du travail vers le bas ?
Les perturbations en région parisienne :
Les manifestations en province :