Dans un article publié ce mardi 21 octobre, Mediapart évoque la création par Alain Soral et Dieudonné d’un parti politique dénommé « Réconciliation nationale ».
Le pseudo-média « de gauche », « alternatif », de « contre-pouvoir » dirigé par Edwy Plenel se vante en outre de s’être procuré avant tout le monde les statuts de ce parti en gestation.
Or, les statuts n’étant pas encore déposés, seul un cercle très restreint avait connaissance de leur contenu : Alain Soral, Dieudonné et deux très proches collaborateurs. Mediapart a donc pris ses sources auprès d’un cinquième larron bien connu de la dissidence authentique : les services de renseignement. Il est en effet évident que les téléphones et boîtes mail de Dieudonné, d’Alain Soral et des cadres d’E&R sont piratés depuis des lustres par les RG, afin d’optimiser le pouvoir d’oppression du Pouvoir.
Rappelons tout de même à Edwy Plenel – réputé pour sa collaboration étroite avec les services de police depuis les années 80 et responsable de ce fait de la destruction du journal Le Monde – que la France reste un État de droit et la diffusion de documents privés passible de poursuites...
Sur fond d’antisémitisme, Soral et Dieudonné lancent leur parti
En rupture avec la récente prise de position « pro-israélienne » du conseiller international de Marine Le Pen, Alain Soral a décidé de créer un parti politique avec Dieudonné. Mediapart s’est procuré les statuts de la future organisation qui doit s’appeler Réconciliation nationale. Les deux hommes préparent déjà une demande d’agrément auprès de la commission des comptes de campagne.
On devrait savoir assez vite lequel est la marionnette de l’autre, même si l’on s’en doute un peu. Le pamphlétaire antisémite Alain Soral et l’humoriste Dieudonné ont décidé de créer leur propre parti politique. Cette organisation doit s’appeler Réconciliation nationale, selon les statuts obtenus par Mediapart.
Déjà proches, les deux hommes ont leurs raisons. Dieudonné ne cache pas qu’il veut désormais répondre« aux larbins du Congrès juif mondial », « cette organisation mafieuse et sataniste », qui a « fait plier le Conseil d’État » en faveur de l’interdiction de son spectacle. Alain Soral a, quant à lui, annoncé, dès le 6 septembre, son projet de « se dissocier totalement du Front national », et de « rouler pour lui-même, en tant que parti politique », à la suite des prises de position « pro-israéliennes » du conseiller international de Marine Le Pen, Aymeric Chauprade, cet été. Ce qu’il a appelé « la trahison de Chauprade ».
- Alain Soral et Dieudonné en mai 2009 lors du dépôt de leur liste aux européennes. © Reuters
Créée en 2007 pour servir le parti de Marine Le Pen – auquel Soral appartenait à l’époque – l’association Égalité et Réconciliation (E&R) devrait être mise au service du futur parti politique. Selon les documents en notre possession, le parti Réconciliation nationale a été domicilié 3 rue du Fort de la Briche, à Saint-Denis (93), où sont déjà installés Égalité & Réconciliation et la maison d’édition Kontre Kulture, mise en cause pour avoir publié, en 2013, plusieurs livres antisémites. Alain Bonnet, dit Soral, et Dieudonné M’bala M’bala seront tous deux co-présidents du parti. Ils ont simultanément créé une Association de financement du parti Réconciliation nationale ayant « pour objet exclusif de recueillir des fonds » et pour bénéficier des aides publiques en cas d’élection, et préparent leur demande d’agrément auprès de la commission des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Mais le tandem ne souhaite pas communiquer sur sa future formation. « Nous avons nos propres médias, nous ne communiquons pas à l’extérieur, nous avons des consignes très strictes », a répondu Julien Limes, numéro deux d’E&R, questionné par Mediapart au sujet de la création du parti. Selon une source interne, les deux hommes envisagent avec gourmandise l’éventualité d’une dissolution de l’Assemblée nationale, qui leur permettrait de concourir avant 2017 et de recevoir une part des financements dévolue aux partis en mesure de présenter des candidats dans 50 circonscriptions – à condition de dépasser 1 % des suffrages exprimés.
En 2009, Dieudonné et Soral avaient déjà tenté une incursion en politique, en se présentant sur la liste d’Île-de-France du Parti antisioniste aux européennes. Dans l’une de ses nombreuses vidéos, Alain Soral a révélé depuis avoir obtenu « l’argent des Iraniens » pour « faire la liste antisioniste », qui n’avait pas eu d’élus.
L’association de financement de Réconciliation nationale projette déjà de confier sa communication à son propre réseau de prestataires – la société Culture pour tous, façade de la maison d’édition de Soral, les Productions de la plume, qui gèrent les spectacles de Dieudonné, et les sites partenaires d’E&R –, et de lui faire bénéficier des remboursements légaux. Depuis quelques mois, cette nébuleuse profite d’une vague d’adhésions à l’association de Soral qui compterait aujourd’hui 12 000 personnes inscrites. Le pamphlétaire, qui diffuse ses interventions par vidéos sur Internet, a depuis juillet choisi de les rendre payantes, via Dailymotion, moyennant une part très avantageuse des rentrées publicitaires.
La création du parti coïncide avec une série de poursuites judiciaires visant les contenus antisémites des publications et des vidéos de Soral, et le déclenchement d’enquêtes financières sur la nébuleuse Dieudonné. Le 17 octobre, alors qu’il comparaissait à Paris pour « incitation à la haine et la discrimination » après ses propos sur le journaliste Frédéric Haziza, le site d’Alain Soral recensait avec fierté ses litiges judiciaires – une quinzaine – en chiffrant à 476 792 euros les dommages et intérêts réclamés par ses adversaires. Il vient d’être condamné en appel pour ses injures contre l’ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë.
Le mois prochain, Alain Soral doit aussi comparaitre en appel pour la publication de cinq livres antisémites par sa maison d’édition Kontre Kulture. Le tribunal correctionnel de Bobigny a interdit l’Anthologie des propos contre les juifs, le judaïsme et le sionisme de Paul-Éric Blanrue, et ordonné le retrait de passages de quatre autres livres parmi lesquels La France juive d’Edouard Drumont. De son côté, Dieudonné, déjà condamné pour des propos antisémites, a été mis en examen en juillet pour fraude fiscale et abus de biens sociaux. Le juge Renaud Van Ruymbeke s’interroge en particulier sur les fonds envoyés par l’humoriste au Cameroun (400 000 euros depuis 2009).
« Aujourd’hui E&R se dissocie totalement du Front national et va rouler pour lui-même »
La première annonce de la création du futur parti par Alain Soral est passée presque inaperçue, le 6 septembre. Dans une vidéo intitulée « La trahison de Chauprade », le patron d’Égalité & Réconciliation a dénoncé avec violence un texte publié en août par le conseiller international de Marine Le Pen, Aymeric Chauprade, « face à la question islamique ». « Il s’est permis au mois d’août, dans le dos de tout le monde et visiblement aussi du Front national de produire un texte de soumission au sionisme », a dénoncé Soral, traitant au passage le conseiller de « fils de pute » et d’« ordure ». « Je le dis bien clairement, Chauprade est responsable du fait que E&R aujourd’hui se dissocie totalement du Front national, et va rouler pour lui même, en tant que parti politique. Et vous verrez que ça ne va pas vous aider. »
Le patron d’Égalité & Réconciliation se plaint d’avoir été « sollicité » par Chauprade, en amont de la campagne européenne, puis d’avoir été « trahi totalement » par celui-ci, alors qu’il avait conduit « des patriotes musulmans » à le soutenir. Il l’accuse aussi de le « mettre en danger de mort » par son revirement. Chauprade a expliqué qu’il se sentait « plus proche d’un Israélien que d’un membre du Hamas », tout en appelant à « éliminer in situ » les 1000 djihadistes français en Syrie…
- Alain Soral dans sa vidéo consacrée à Aymeric Chauprade, en septembre. © Capture d’écran de la vidéo d’E&R.
Réconciliation nationale risque fort d’être le nouveau vecteur de l’obsession antisémite des deux compagnons de route. Dans sa dernière vidéo, le 18 octobre, Dieudonné s’est lancé dans une longue tirade contre le Congrès juif mondial, et son président Ronald Lauder, digne des pires feuilles antisémites du début du XXème siècle. « Ronald Lauder. Ouais, ouais l’odeur. Ouais, il porte bien son nom. Quand il ouvre la bouche, c’est vrai (…) même une mouche à merde, s’est évanouie… Alors vous imaginez l’odeur… C’est un multi milliardaire Lauder. Il achète de tableaux à 140 millions comme toi tu achètes un Pif gadget. Il met ça au dessus de sa cheminée, il regarde ouais, je suis content, et quand il a plus de feu, il met ça au feu. Ils ont du pognon… Il chie le fric. » Dieudonné s’en est pris au passage au président (PS) du conseil général de l’Essonne, Jérôme Guedj, qui a préconisé de « pourrir la vie » de l’humoriste, en donnant l’adresse et le numéro de téléphone personnel de l’ancien député, et en l’invitant à partir en Israël.
Ces derniers mois, le mouvement Égalité & Réconciliation a surfé sur les mesures d’interdiction des spectacles de Dieudonné. Il a enregistré une vague conséquente d’adhésions, et s’est réorganisé en interne. E&R semble désormais en mesure de mobiliser des militants radicaux pour renforcer sa présence lors des manifestations de rue et y faire le coup de poing en cas de besoin. Lors des mobilisations pro-palestiniennes de cet été, l’un des proches de Soral, Mathias Cardet, a été identifié parmi les animateurs du groupe « Gaza firm », venu « sécuriser » le cortège ou plutôt ses débordements. Ce groupe issu pour partie des supporters ultras du PSG – anciens du « K-soce team » de la tribune d’Auteuil – a été présenté par cette mouvance comme une « ligue de défense goy ». Il est apparu pour la première fois lors de la manifestation d’extrême droite « Jour de colère », en janvier.
Certains de ces gros bras sont visibles autour d’Alain Soral lors de ses apparitions publiques. Le 17 octobre, le pamphlétaire est venu au tribunal entouré d’une demi-douzaine de gardes du corps, de plusieurs caméras, et de plusieurs dizaines de militants venus chanter La Marseillaise. À l’image des partis existants, E&R est parvenu à structurer son association en « antennes » régionales et en « sections » locales, comprenant des « pôles de compétences » (militantisme, événement, localisme-écologie, communication, idées et formation théorique, relations extérieures).
L’adhésion elle-même fait l’objet d’un étroit filtrage. « Le membre s’attachera à être humble, honnête, discipliné, poli, ponctuel et respectueux de l’ensemble de ses camarades et de sa hiérarchie, stipule l’un des règlements internes obtenus par Mediapart. Il n’y a donc dans la section aucune place envisageable aux notions de profit personnel, d’égocentrisme intéressé, de manigance, d’arriviste hypocrite, de mensonge ou de trahison. » Le « protocole de recrutement » d’E&R (ci-dessous), qui préfigure celui du parti Réconciliation nationale, précise même la « gestion de la prise de contact ». Le responsable de section doit s’assurer de l’identité « réelle » des demandeurs, afin d’effectuer « des recherches préventives » pour obtenir des éléments « d’ordre professionnel ou personnel ». Deux courriels type sont impératifs pour filtrer les demandes, afin « de faire réfléchir à deux fois les éventuels infiltrés ». Le premier rendez-vous est aussi important : il « devra être fixé dans un lieu public, fréquenté, et facilitant le contrôle visuel de la zone », « où l’on se rendra un quart d’heure en avance afin de surveiller tout élément suspect ».
L’entretien est cadré. Le chef de section confronte ses recherches à la présentation du demandeur : « situation familiale, vie professionnelle, type de lectures, connaissance d’ER et des ouvrages d’Alain Soral, (…) expériences politiques, casier judiciaire ». Le futur adhérent est briefé sur la sécurité et la confidentialité : « Insister lourdement sur ce point en imposant une certaine pression au membre afin qu’il soit tout de suite dans le bain », préconise le « protocole de recrutement ». Les consignes de base sont assez strictes : « Création obligatoire d’un boite mail anonyme réservée à l’activité ER, aucun enregistrement de nom dans les contacts internet, interdiction du Facebook militant, non divulgation de tout type d’infos (lieu de réunion coordonnées, projet). » Les adhérents sont priés d’utiliser des pseudonymes ou des prénoms.
« J’espère que demain il ne faudra pas aussi vous payer des droits pour être antisémite »
En septembre 2013, le matériel militant utilisé par Égalité & Réconciliation a fait l’objet d’une dispute entre Alain Soral et la compagne de Dieudonné, Noémie Montagne, qui dirige plusieurs sociétés de la galaxie Dieudonné. Dans une série de mails, mis en ligne ici, cette dernière a vivement reproché à E&R d’utiliser « la quenelle et l’ananas » (référence à la chanson Shoah nanas, ndlr) sur un autocollant E&R. « Je comprends que nous puissions être des alliés face au sionisme, mais une association complète avec Égalité & Réconciliation ne saurait être judicieuse pour l’image de Dieudonné », avait-elle écrit. Noémie Montagne assurait ne pas vouloir « s’immiscer dans la relation politique » entre Soral et son mari. « E&R et mes sociétés avons des intérêts communs mais nous ne dépendons pas l’un de l’autre, écrit-elle aussi. Tout ce qui touche à l’image de Dieudonné et qui est commercialisé me concerne. » « Vous nous reprochez quoi ? De profiter un peu de la dynamique de la quenelle ?! lui a répondu Soral. Il ne manquerait plus que ça que nous n’en profitions pas à E&R, alors que nous mouillons le maillot avec vous depuis bientôt 10 ans ! (...) J’espère que demain il ne faudra pas aussi vous payer des droits pour être antisémite. »
La création du parti Réconciliation nationale ouvre une nouvelle page entre eux. Elle sera aussi une pierre dans le jardin du Front national, alors qu’une partie des militants d’E&R sont encartés au parti lepéniste. Au moment de la création d’Égalité & Réconciliation, Alain Soral était lui même membre du comité central du FN – qu’il quitte en 2009 –, et plusieurs proches de Marine Le Pen l’ont accompagné dans cette association destinée à lui servir de vivier en banlieue : l’ex-avocat Philippe Péninque, présent depuis de nombreuses années dans le premier cercle des Le Pen et l’ancien du GUD (Groupe Union défense) Jildaz Mahé O’Chinal, animateur avec Frédéric Chatillon, du réseau d’entreprises prestataires de services du parti lepéniste. Chatillon lui-même a introduit Soral auprès de ses réseaux en Syrie et au Liban.
- Marine Le Pen et Alain Soral dans l’émission de Frédéric Taddéï. © Capture d’écran de l’émission
Depuis lors, la progression des thèses de Soral inquiète une frange du Front national, engagée dans une stratégie de « dédiabolisation ». En octobre 2013, le numéro 2 du FN, Louis Aliot, s’en est pris à « ceux qui sont obnubilés par des évènements passés et des communautés particulières » et qui « n’ont rien à faire chez nous ! ». Marine le Pen, de son côté, peine à maintenir l’équilibre précaire du parti, traversé par plusieurs tendances. D’un côté, elle a pris ses distances avec le texte de son conseiller international, qui n’a d’après elle exprimé que « sa vision personnelle de la situation ». Mais de l’autre, la présidente du FN a justifié, cet été, l’existence de la Ligue de défense juive (LDJ), le groupuscule d’extrême droite habitué aux affrontements de rue avec les pro-palestiniens : « S’il existe une Ligue de défense juive, c’est qu’il y a un grand nombre de juifs qui se sentent en insécurité. Ils ont le sentiment que monte un nouvel antisémitisme en France et qui est le fait de confrontations communautaires. »
Alain Soral dispose encore de réseaux au sein du FN, notamment parmi ses cadres. Lors de son départ du parti, en 2009, il avait salué, dans une vidéo, « la confiance et l’amitié que (lui) accordait le président (Jean-Marie Le Pen, ndlr), le respect et la neutralité courtoise d’un Bruno Gollnisch ». Ce même Gollnisch qui a jugé, dans Marianne, « un peu angélique la manière qu’a Chauprade de reprendre le discours officiel des autorités israéliennes ». En septembre, après « la trahison Chauprade », Alain Soral s’est plaint d’avoir eu aussi « Aliot sur la gueule » : « Aujourd’hui, je le dis à ceux qui me regardent, ne votez pas pour le Front national, ça s’est clair, on va attendre et on va faire autrement. » Jean-Marie Le Pen aurait pris l’initiative d’aller discuter avec Soral pour désamorcer le conflit. Visiblement en vain.
Le document interne à E&R « obtenu » par Mediapart :