Situé à 55 km au nord de Damas, le village de Maaloula, cœur du christianisme des origines où l’on parle encore l’araméen, la langue du Christ, est sous occupation depuis ce matin.
Après une première tentative d’invasion le 4 septembre stoppée par l’armée et les comités populaires, des centaines d’hommes armés syriens et étrangers sont revenus, forçant l’armée gouvernementale à se retirer. Venus de la région libanaise d’Arsal et de la ville de Yabroud au Nord-Est, les envahisseurs se livrent actuellement à des actes de barbarie envers les chrétiens du village. Nous avons contacté une habitante de Maaloula proche du monastère de Sainte-Tècle. Elle témoigne en direct ce dimanche 8 septembre à 21h30 (propos recueillis par Bahar Kimyongür) :
« En ce moment, Maaloula est sous occupation. Les hommes armés (moussallahines) ont d’abord tenté une percée le 4 septembre.
Par cette attaque, ils semblaient vouloir faire une démonstration de force, nous terroriser afin que nous quittions nos terres.
Ils ont tué 20 civils et en ont enlevé 15 autres.
Pour le moment, nous disposons de la liste de 4 civils exécutés et de 7 disparus :
Ilyas Damoune : enlevé
Jihade Saalab : décapité au couteau
Mihail Antonio Saalab : décapité
Sarkis Habib Al Soukhn : exécuté par balles
Antoine Lauzarios Saalab : décapité et le corps mutilé
Moussa Chmays : enlevé
Chadi Saalab : enlevé
Georges Dawoud Hilani et son épouse (enlevés)
Jamilé Mahfouz et sa fille (enlevées)Toutes les victimes sont des civils.
Actuellement, les terroristes sont partout dans les anciennes églises et les monastères.
Ils ont incendié les monastères de Mar Sarkis et Mar Bakhos, Saint-Serge et Bacchus.
Ils ont tout fouillé, tout saccagé avec moult blasphèmes.
De nombreux habitants chrétiens ont fui la ville vers Damas.
Tout a commencé le 4 septembre vers 3h30 ou 4h du matin lorsqu’une voiture a foncé sur un barrage de l’armée. La voiture venait de Yabroud et descendait de Deir Mar Sarkis et Bakhos, le monastère de Saint-Serge et Bacchus. Le kamikaze a d’abord tiré sur les soldats avant d’actionner ses explosifs.
L’attaque a coûté la vie à une vingtaine de miliciens des comités populaires qui défendaient le village.
Les deux uniques survivants de l’attaque ont été décapités.
Puis les terroristes ont investi les premières maisons du village.
Ils sont d’abord entrés chez Abou Aala al Haddad, un chrétien revenu de Zahlé au Liban pour passer quelques jours de vacances dans son village natal.
Ses agresseurs lui ont sommé de se convertir à l’Islam.
Ils ont cassé les croix et les icônes. Puis, ils ont tout saccagé dans la maison.
Avant de l’abattre, ils lui ont dit : “Nous menons la guerre sainte contre les Croisés.”
Les terroristes sont ensuite entrés dans la maison voisine habitée par Jamilé Oum Mahfouz, une veuve, et par sa fille. Elle a un fils qui est porté disparu depuis plusieurs mois.
La maman avertit sa fille : “Fais-toi passer pour une musulmane pour qu’ils ne t’enlèvent pas.”
Quand ils sont entrés, les terroristes ont hurlé : “Jina Aleykoun ya Kouffar” (“Nous voilà les impies”, sous entendu, “vous êtes cernés”).
Ils traitèrent la mère et sa fille d’adorateurs de la croix. Ils prirent la croix qui trônaient dans la maison et l’ont brisée. La mère et sa fille ont ensuite été emmenées vers l’inconnu.
Les terroristes se sont ensuite arrêtés devant la statue de Saint-Georges qui trône devant le monastère qui porte son nom.
Ils ont vociféré dans des hauts-parleurs : “Que veux-tu que l’on casse d’abord Saint-Georges. Ta tête ou ton cheval ?”
Puis ils se sont déchaînés sur la statue.
Les terroristes n’ont touché à aucune maison musulmane de Maaloula.
Or, dans les quartiers chrétiens du village se trouvaient un grand nombre de déplacés sunnites de Ain Tarma (Ghouta).
Ces derniers ont accueilli les terroristes en héros, en criant des youyous et en les aspergeant de riz.
Les terroristes sont ensuite arrivés sur la place du village. Ils ont commencé à blasphémer sur tous les objets sacrés, sur les icônes, les croix, les statues.
Les enfants étaient tellement terrorisés qu’ils en ont perdu la voix. Certains d’entre eux sont encore hospitalisés à Damas.
Parmi les terroristes, il semblait y avoir des Libyens et des Tchétchènes.
Lorsqu’une vingtaine d’obus lancés par les rebelles s’abattit sur le village, les habitants prirent peur.
Même les hommes se sont cachés. Prises de panique, les sœurs du monastère de Sainte-Tècle ont fermé les portes. Elles se sont ainsi retrouvées isolées du reste du village, ce qui a rendu impossible l’accès du monastère aux jeunes qui voulaient se mettre à l’abri.
Les takfiris ont évacué les musulmans sunnites du village pour les emmener à Yabroud et ainsi les épargner d’éventuelles violences.
En revanche, ils ont gardé les chrétiens pour s’en servir comme boucliers humains en cas de confrontation avec l’armée.
Les terroristes se sont ensuite rendus à la mairie.
Entretemps, près de 300 chrétiens se sont réunis avec l’intention de marcher jusqu’au palais présidentiel à Damas afin de demander des armes à Bachar.
Leurs familles ont essayé de les calmer, leur disant : “Vous êtes précieux pour nous.”
Les jeunes ont répondu : “Nous devons protéger notre village de ces agresseurs.”
Ils ont fini par se procurer des armes auprès des soldats gouvernementaux et en peu de temps, sont ainsi parvenus à chasser les terroristes d’une bonne partie de Maaloula.
Mais ce matin, les terroristes étaient de retour.
Près d’un millier d’entre eux sont arrivés du côté Yabroud par le chemin du monastère de Saint-Serge et Bacchus, se joignant aux terroristes qui étaient retranchés dans l’hôtel As Safir.
Face à leur surnombre, l’armée a dû se retirer aux abords du village.
Ils ont décapité 4 jeunes. Deux ont été tués par balles.
Ils ont décapité Antoine Saalab, l’assistant du père Toufik Eid, supérieur du monastère Saint-Serge et Bacchus.
Ce sont des habitants du village complices des terroristes qui l’ont dénoncé. Les terroristes ont également tué le père et le cousin paternel d’Antoine.
Tous les chrétiens sont à bout des nerfs. Ils ont été enfermé dans leurs maisons.
... a trois oncles maternels qui ont plusieurs enfants. Nous n’avons aucun moyen de communiquer avec eux.
Actuellement, les terroristes occupent les églises et les monastères. Ils assiègent le monastère de Sainte-Tècle.
La mère supérieure Pélagie implore les autorités syriennes de les aider.
Nous sommes désespérés.
Que va-t-il advenir de nous ?
Maudit soit la démocratie que l’Amérique et la France veulent nous apporter. »