À la faveur d’un hasard étonnant, un rapport de la Cour des comptes dénonçait hier le coût et l’inefficacité des subventions à la presse, tandis que Google lançait aujourd’hui un fonds d’aide à cette même presse de 60 millions d’euros. Entre le marteau de l’État et l’enclume multinationale, la presse stipendiée semble se rapprocher toujours un peu plus de sa fin.
La Cour des comptes fustige les aides de l’État
Dans un rapport publié au début de l’année, la Cour des comptes avait dénoncé le doublement des dépenses du ministère de la Culture et de la Communication en faveur de la presse écrite entre 2009 et 2011. Durant cette période, le coût des aides de l’État aurait atteint le total exorbitant de 5 milliards d’euros.
Par ailleurs, la Cour avait pointé l’inefficacité de ces aides, qui ne parviennent pas à freiner la chute d’une presse papier moribonde :
« Les quelques mesures qui avaient une ambition de nature structurelle ne sont pas parvenues à modifier durablement les modes de distribution, ni à adapter le secteur de la presse écrite aux mutations en cours. »
En outre, la Cour déplorait dans ce même rapport la faiblesse stratégique des investissements, rappelant qu’en 2011, les dépenses pour la fabrication (rotatives, etc.) avaient mobilisé 58 % des aides, quand « le développement de l’Internet aurait dû constituer la stratégie privilégiée des entreprises ».
Dans un nouveau rapport publié le 18 septembre 2013, le Cour des comptes n’hésite pas enfoncer le clou en affirmant que la presse écrite se trouve en situation de « dépendance » à l’égard des aides publiques.
À noter tout de même que ce dernier rapport préconise le soutien d’une catégorie de publications, en l’occurrence la « presse d’information politique et générale ». La Cour des comptes propose en effet de « recentrer et globaliser les aides en faveur de cette famille de presse ». Bonne nouvelle pour Le Nouvel Observateur, dont les finances sont si pales que les salariés seront prochainement invités à quitter le navire !
Lancement du fonds Google pour la presse en ligne
Doté d’un budget de 60 millions d’euros, le fonds Google pour la presse en ligne, lancé ce jeudi 19 septembre 2013 en vertu de l’accord signé le 1er février dernier (et négocié par Marc Schwartz), distribuera des subsides non pas à tous les médias en ligne de manière équilibrée, mais à une liste restreinte d’heureux élus, dont la qualité de « presse d’information générale et politique » – et donc de candidats potentiels à l’aide Google-presse – a été décidée par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP).
Rappelons que cette commission, en octroyant ce statut à certains titres, les fait bénéficier d’une nette baisse de la TVA, réduite ainsi à 2,1 % (au lieu de 19,6 % pour les autres). Un cadeau empoisonné, puisqu’en leur accordant cette aide, elle garde bien entendu le pouvoir de la retirer, faisant ainsi passer de vie à trépas les éventuels journaux concernés :
« Ainsi, en 1984 La Hulotte, en 2003 la revue Le Virus informatique, en 2006 les revues Nexus, Info traitements, et Pratiques de santé (74 157 abonnés et 78 500 exemplaires pour le n° 82 du 16 septembre 2008), puis en 2009 la revue Grandir Autrement se sont vu retirer leur aide, les condamnant pour la plupart à la fermeture.
Concernant la revue Nexus, l’aide lui a été retirée en 2006 sous prétexte que la publication “était susceptible, si elle est lue au premier degré, d’inquiéter les esprits les plus fragiles”, notamment dans son traitement de la vaccination. Nexus a retrouvé son numéro de CPPAP en 2010, après 4 ans de radiation.
Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme précisa, par sa décision de rejet de la requête de la société éditrice dans l’affaire “Santé Pratique”, que selon l’article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des libertés fondamentales, le non-renouvellement d’un certificat par la CPPAP pourrait, en l’espèce, s’analyser comme “une ingérence par une autorité publique dans le droit de la requérante à la liberté d’expression”. »
(Source : Wikipédia)
Un ingérence qui n’est pas sans rappeler une tendance similaire outre-Atlantique : un comité sénatorial des États-Unis vient en effet d’adopter une loi permettant au gouvernement de décider qui, parmi les diffuseurs d’information, pourra bénéficier du statut de « journaliste » et, par la même occasion, d’une « protection » de l’État.