Note de la rédaction de Rivarol
Présent depuis le début au sein de la mobilisation des Gilets jaunes, Lucien Cerise en donne une analyse non dénuée d’intérêt. Même si nous ne sommes pas d’accord avec l’ensemble de ces propos (notamment sur la nécessité de la voie électorale qui est, selon nous, une totale illusion et sur l’utilité des partis politiques dits populistes alors qu’ils font tous partie de l’opposition contrôlée et qu’ils sont dirigés par des traîtres et des vendus, acquis au sionisme international et soumis aux diktats du CRIF), il livre un certain nombre de pistes intéressantes, notamment sur la très dangereuse israélisation de notre pays. Rappelons, comme nous le faisons régulièrement, que les propos tenus et les analyses formulées par les personnes interviewées n’engagent en rien la rédaction de Rivarol, non plus que sa ligne éditoriale.
Rivarol : La révolte des Gilets jaunes est totalement spontanée. Vous qui observez depuis des années des « révolutions colorées » financées et dirigées par Soros, cela doit être une surprise de voir agir un peuple par lui-même ?
Lucien Cerise : Oui, il y a une vraie surprise concernant l’ampleur et le caractère spontané de cette révolte, lointaine descendante des jacqueries de l’Ancien Régime. Nonobstant, le peuple de France agit déjà par lui-même depuis longtemps mais de manière moins spectaculaire dans le cadre de mouvements associatifs et de partis politiques dits populistes, qui réunissent des millions de gens dans ce pays. La convergence des populismes et des Gilets jaunes démontre que le peuple est encore capable de réagir de manière autonome quand il est menacé dans sa survie. Cette preuve d’un fort instinct de conservation inquiète particulièrement le pouvoir, qui essaye de diaboliser la vitalité des Gilets jaunes et de leurs soutiens politiques en les qualifiant d’extrême droite, comme si cela faisait encore peur aujourd’hui, ou en accusant telle puissance étrangère d’en tirer les ficelles, sur le principe des révolutions colorées. Paradoxalement, la garantie que les Gilets jaunes ne sont pas les pions d’une révolution colorée vient de ce que les moyens de la révolution ne sont pas là, justement ! Contrairement aux deux révolutions qui ont secoué l’Ukraine, par exemple, il n’y a aucune trace de financement par la fondation de George Soros, aucune formation à l’usage subversif des réseaux sociaux dans les ateliers du département d’État américain (TechCamps), aucune participation de la CIA ou de ses filiales comme Otpor et la National Endowment for Democracy (NED), et pratiquement aucun soutien moral de puissances étrangères, hormis le gouvernement italien et un tweet de Donald Trump.
La libération quasiment totale des esprits de la domination des médias et de l’idéologie du Système est aussi une surprise. Comment l’esprit critique et dissident revient-il dans le peuple ?
Il y a deux phénomènes convergents pour expliquer ce pic d’esprit critique et dissident dans le peuple. Le premier phénomène est le stress induit par la régression des conditions de vie matérielles en France, ce qui oblige à réfléchir et à remettre en question la marche des choses car rien ne va plus. Pour une part croissante de la population, il n’y a plus de bonheur à vivre en France, seulement de l’anxiété et de la souffrance, or ce sont des stimuli puissants pour pousser au changement et tenter de rétablir un minimum de stabilité et de sécurité. Le second phénomène est l’utilisation d’Internet pour s’informer sur les causes du stress en contournant le monopole des médias du système dont la fonction est de fabriquer le consentement aux mauvaises conditions de vie. Le slogan de la pensée unique libérale, « Il n’y a pas d’alternative ! », ne marche plus, non plus que la désignation de boucs émissaires et la culpabilisation du peuple pour expliquer ce qui ne va pas. Les deux phénomènes cumulés – stress et réinformation sur ses vraies causes – aboutissent à cette crise de désobéissance civile inédite. Maintenant, la libération des esprits sera complète quand le peuple sortira définitivement du « gauchisme », c’est-à-dire du romantisme révolutionnaire et du spontanéisme politique.
L’insurrection n’est pas une fin en soi et la critique du pouvoir ne suffit pas. Dans un deuxième temps, il faut prendre le pouvoir et l’exercer. Tant qu’on en reste à l’étape de la critique du système, on se libère intellectuellement mais on ne se donne pas les moyens de se libérer physiquement du Système. On reste donc inoffensif sur le fond. Après la critique du pouvoir, il faut donc réfléchir à une vraie stratégie de conquête physique et matérielle du pouvoir. Les Gilets jaunes doivent être soutenus par principe, mais l’esprit critique et dissident est impuissant s’il reste dans la rue et sur Internet. La libération du Système sera totale quand nous serons au pouvoir et pas seulement dans les manifestations. Il faut parvenir à ce que la police nous obéisse au lieu de nous taper dessus.
Il semble que la situation échappe à l’oligarchie. Qu’en pensez-vous ?
La situation n’échappe pas à l’oligarchie. Il ne faut pas surestimer le poids de ce qui se passe dans la rue. Le romantisme des barricades exerce une fascination esthétique qui peut se révéler être un piège. La situation échappera à l’oligarchie quand les institutions échapperont à l’oligarchie, or nous en sommes encore très loin. Autrement dit, il faut que la colère populaire trouve contre l’oligarchie une traduction institutionnelle. Pour conquérir les institutions, il y a deux solutions : par les urnes ou par les burnes (formule empruntée à Alain Soral).
Par les burnes, c’est-à-dire par la force et la révolution violente : on prend d’assaut les bâtiments institutionnels, puis on purge rapidement l’administration et les médias de tous les opposants. La deuxième solution pour prendre les institutions est par les urnes, c’est-à-dire par le vote et le système des partis politiques. C’est une révolution lente (non pas violente) qui suppose en amont un travail de long terme pour parvenir à l’hégémonie culturelle et à un consensus intellectuel dans le pays qui trouvera sa traduction naturelle par un vote majoritaire. C’est moins spectaculaire, ça ne fait pas rêver mais c’est, selon moi, plus faisable et réaliste pour obtenir un changement de régime durable. À condition de s’y mettre tous, évidemment ! De toute façon, la révolution par les burnes n’aura pas lieu : les Gilets jaunes ne sont pas violents et ne menacent pas physiquement les centres du pouvoir institutionnel. Par élimination, il faudra donc en passer par les urnes si l’on veut s’emparer des institutions. Pendant les premières manifestations, les conditions d’une révolution violente semblaient se dessiner pour certains, mais c’est retombé. On ne fait pas une révolution sans des armes, au minimum défensives, par exemple des boucliers métalliques qui réduiraient à néant l’efficacité des matraques et des Flash-Ball des « forces de l’ordre ». Les Gilets jaunes ne l’ont toujours pas compris et vont au contact à mains nues, d’où toutes ces blessures et mutilations. Cet amateurisme révolutionnaire est désespérant mais c’est ainsi.
Il faut donc passer au plan B : la révolution culturelle, la révolution des idées, la guerre mémétique, tout à fait compatible avec des manifestations de rue et sur les ronds-points pour maintenir la pression sur le pouvoir et occuper le terrain médiatique, mais dont l’issue ne peut être qu’électorale. Or, pour l’instant, Macron et son parti sont encore favoris aux prochaines élections. Pour que la situation commence à échapper à l’oligarchie, il faut donc impérativement voter contre la liste soutenue par Macron aux élections européennes du 26 mai 2019. Les belles âmes qui vont répétant « Élections, piège à cons ! » n’ont pas compris une chose : on ne peut pas ne pas voter. Ne pas voter, c’est en fait donner l’avantage au favori, selon le principe : « Qui ne dit mot, consent. » Autrement dit, ne pas voter, c’est voter Macron. La victoire de Macron qui serait rendue possible par les abstentionnistes et le vote blanc permettrait au gouvernement de se refaire une santé politique en se vantant d’avoir été confirmé dans ses orientations, ce qui annulerait la totalité de ce que les Gilets jaunes ont fait depuis des mois, ainsi que leurs sacrifices consentis. Comment croire que la situation échappe à l’oligarchie si Macron arrive premier aux élections européennes ?
Quelles sont les positions prises au sein de l’oligarchie pour en finir avec les Gilets jaunes ?
Pour en finir avec les Gilets jaunes, l’oligarchie a essayé plusieurs tactiques, qui ont toutes échoué : cogner sur les manifestants pour qu’ils aient peur de manifester ; aider les casseurs pour donner une mauvaise image du mouvement ; gagner du temps avec le « grand débat », en espérant que le mouvement s’essouffle ; diaboliser les Gilets jaunes avec des accusations d’antisémitisme ou d’homophobie, auxquelles personne ne croit. Au niveau stratégique, la position prise par l’oligarchie pour en finir avec les Gilets jaunes est claire : elle ne lâchera rien. Le gouvernement ne donnera rien, ni le Référendum d’initiative citoyenne (RIC), ni rien. Sur le fond, ce n’est pas un problème, le moment est venu de s’autoproclamer représentants du peuple, d’établir une Assemblée constituante et d’instaurer le RIC dans les collectivités locales sans attendre que le gouvernement l’accorde. Quand l’État est défaillant, il ne reste plus qu’à s’organiser de manière autonome.
Question de bon sens, mais l’oligarchie compte sur le fait que les Gilets jaunes n’iront pas jusque-là ; pour l’essentiel, sa position stratégique consiste donc à jouer la montre et attendre que le mouvement s’épuise. L’oligarchie a l’avantage, elle peut se permettre de se barricader et de laisser pourrir le mouvement pour qu’il disparaisse comme il est apparu, spontanément. De fait, les moyens d’une révolution rapide et violente ne sont pas présents chez les Gilets jaunes, qui doivent opter pour la révolution lente, afin de pérenniser le mouvement et l’inscrire dans la toile de fond de nos vies, sans forcément être explosif à tout prix. Les Gilets jaunes doivent impérativement sortir de l’alternative « On gagne ou on perd » pour s’installer dans le paysage confortablement et définitivement. La révolution lente des mentalités sera gagnée quand tout le monde pensera : « Être français = être Gilet jaune. »
Macron et son équipe seront-ils lâchés par l’État profond ?
Comme toutes les grosses structures, l’État profond français n’est pas homogène. Il est évident qu’il y a des gens dans la haute administration et dans les services de sécurité et de renseignement qui soutiennent discrètement les Gilets jaunes pour essayer de déstabiliser Macron dans la mesure du possible. Le projet de céder le siège permanent de la France au Conseil de sécurité de l’ONU est une ligne rouge à ne pas franchir pour certaines personnes ; en outre, une partie de l’État profond est sincèrement attachée à la souveraineté de la France et n’accepte pas le sort de « république bananière » sous tutelle étrangère qui lui est promis. Dans le vocabulaire du droit international, l’État français en 2019 est un « État défaillant », comme de nombreux pays du tiers-monde. Il suffit de jeter un œil sur les pages Wikipédia « État en déliquescence » ou « Failed State » en anglais, pour voir que toutes les cases sont cochées en ce qui concerne la France : corruption généralisée, crise économique, disparition des services publics, mouvements massifs de réfugiés, violences communautaires, perte de contrôle de parties du territoire, etc.
Mais le plus inquiétant vient de ce que cette faillite est parfaitement contrôlée, c’est une gouvernance par le chaos selon un programme simple : « Tout doit disparaître. » Le génocide des Français doit aboutir en fin de course à effacer jusqu’au nom de leur pays sur les cartes géographiques. Devant cette disparition programmée, le message des Gilets jaunes se résume en trois mots : « Nous voulons vivre ! » Pendant le massacre, on voit danser et s’amuser une toute petite oligarchie dégénérée à laquelle appartiennent Macron et ses amis travestis de la Fête de la musique, avec l’approbation de la bourgeoisie, de droite comme de gauche, qui n’est pas encore touchée au porte-monnaie et qui n’a pas encore compris qu’elle est la prochaine cible. Face à cet effondrement civilisationnel voulu et provoqué, il est évident que des membres de la police et de l’armée caressent le projet d’un coup d’État musclé afin de nettoyer tout ça et de rétablir un peu de décence commune dans ce pays.
La répression du mouvement est féroce. Pensez-vous qu’un passage à une démocratie totalitaire est en cours ?
En fait, c’est une idiocratie totalitaire qui s’installe en France. Le modèle appliqué est celui d’Israël, cet État volontairement instable et « défaillant », qui a besoin de maintenir une tension permanente autour de lui pour se trouver une raison d’être, régime hybride aux frontières et limites floues, militariste mais tolérant envers la Gay Pride, théocratique et en même temps libéral, qui incarne parfaitement la postmodernité et ses contradictions insolubles. Sous cette influence, un néofascisme décadent s’implante chez nous, mélange de LGBT et de « menace terroriste » entretenue, ce qui profite à l’industrie de la sécurité, secteur où les entreprises israéliennes sont en pointe, et qui aboutira à une partition territoriale de notre pays sur une base identitaire, religieuse et/ou ethnique, signant ainsi la fin de la République « une et indivisible » pour nous faire basculer dans un univers concentrationnaire paupérisé de barbelés et de checkpoints partout.
Tous ceux qui s’élèveront contre cette israélo-formation de la France seront traités comme les Palestiniens. C’est déjà le cas des Gilets jaunes. Cette idiocratie totalitaire archéo-futuriste présente une forte composante cybernétique et transhumaniste. Voyez le document publié en juin 2018 sous l’égide d’Édouard Philippe, intitulé « Comité action publique 2022 », téléchargeable sur Internet. Dans sa proposition 16, il annonce clairement la « société zéro cash » en France pour 2022. La suppression de l’argent liquide nous rendra esclaves des banques et des moyens de paiement électroniques, nous recevrons tous notre puce RFID sous la peau, comme du bétail, et les Français sympathisants d’Israël n’y échapperont pas. Pour l’instant, dans le champ politique, il n’y a que le Rassemblement national qui se soit exprimé contre la suppression des espèces, par la voix de Dominique Martin, et contre le transhumanisme, par la voix d’Hervé Juvin. J’attends avec impatience que d’autres partis politiques s’emparent aussi de ces questions car il faut impérativement les amener sur le devant de la scène médiatique et du débat public.
Quel est le rôle de l’extrême gauche autonome et des « antifas » dans cette nouvelle stratégie de la tension ?
Le rôle de l’extrême gauche des casseurs, « autonomes », « antifas » et « black-blocs », est de venir compléter les effectifs de police infiltrés dans les manifestations. Il y a toujours des flics en civil dans les manifs, les « appariteurs », pour divers usages : renseignement, gestion de la foule pour l’orienter loin des centres de pouvoir, destructions sous faux drapeau attribuées aux manifestants, etc. Quant aux vrais casseurs d’extrême gauche, les forces de l’ordre/désordre les laissent faire aussi longtemps qu’ils restent inoffensifs et ne se rapprochent pas trop physiquement du pouvoir. Cette stratégie de la tension a aussi une fonction d’ingénierie sociale. Détruire des magasins et des brasseries ne sert absolument à rien et n’aboutira jamais à une révolution, mais cela fait peur aux bourgeois et c’est ce qui compte pour maintenir la société divisée, empêcher, par exemple, que La Manif pour tous, plutôt de droite, se joigne aux Gilets jaunes, qui se trouvent amalgamés à l’extrême gauche. Pour le pouvoir, la droite et la gauche ne doivent en aucun cas « coaguler contre lui. En revanche, le pouvoir parvient à les faire coaguler pour lui : l’extrême gauche et la bourgeoisie de droite ont voté majoritairement pour Macron en 2017 et elles recommenceront en 2022.
À l’inverse, les menaces de dissolution (contre le Bastion social par exemple) et la multiplication des poursuites judiciaires contre des dissidents comme Alain Soral ou Hervé Ryssen donnent l’idée que le gouvernement a plus peur d’un réveil révolutionnaire de type nationaliste. Pensez-vous que face à cela, une union de l’ensemble des patriotes est possible sur une ligne de rupture avec le Système ?
L’union de l’ensemble des patriotes est possible sous plusieurs conditions : 1) savoir discipliner son ego, car les sources de division sont essentiellement d’origine psychologique ; 2) structurer cette union dans des organisations de masse et des organisations d’avant-garde ; 3) ne pas confondre le rôle des organisations de masse, qui doivent s’adapter à la moyenne pour conquérir la majorité, avec celui des organisations d’avant-garde, qui servent de brise-glace pour une minorité active. Les marxistes cultivaient une avant-garde et trois types d’organisations de masse : le syndicat, la coopérative, le parti politique. C’est en appliquant cette méthode qu’ils ont infusé dans la société et pris le pouvoir dans de larges régions du monde, preuve que ça marche. Il ne faut donc surtout pas mépriser et abandonner le champ des partis politiques conventionnels sous prétexte qu’ils ne sont pas intelligents ; en effet, leur rôle est de viser la quantité, pas la qualité. On ne gagne pas avec des groupuscules, surtout désargentés. Quand on n’a pas les millions, il faut être des millions ! C’est la cohésion compacte d’un troupeau nombreux qui protège les herbivores contre les prédateurs. Isolés, ils sont des proies faciles. Par ailleurs, il existe aussi des organisations métapolitiques, permettant d’entretenir une avant-garde, mais qui, par définition, ne peuvent pas être de masse. Chacun son rôle et chacun sa place : l’avant-garde et le parti de masse ont des mécanismes de fonctionnement différents, parfois causes de malentendus, mais ils n’ont pas d’autre choix que de coopérer s’ils veulent gagner.
Entretien publié dans Rivarol n°3372, 10 avril 2019.