On a sorti le champagne (russe) à La Rédaction car c’est pas tous les jours que Libération publie un article au-delà de la ligne rouge !
« Publirédactionnels cachés, omniprésence des annonceurs, ras-le-bol de la rédaction… L’esprit punk originel de la filiale française du média est perverti par la stratégie de la nouvelle direction. »
Pour ce sujet sur l’entreprise Vice France, la version française du gros site US, les trois journalistes – que nous ne citerons pas, histoire de préserver leur job – se sont lâchés comme des fauves sur une carcasse de buffle.
D’abord ils s’en sont pris à la nouvelle économie, une start-up qui devait tout défoncer et qui finit défoncée ; ensuite ils ont touché à la danseuse de Matthieu Pigasse, le propriétaire d’une bonne partie de la presse nationale (mais pas nationaliste, hein, ne rêvons pas) ; et enfin ils ont déboulonné la statue de l’intouchable Ariel Wizman, le « branché » des années 90 dans la presse (l’inénarrable Globe de BHL) et la radio (La Grosse boule avec son comparse Édouard Baer sur Radio Nova) puis des années 2000 avec Canal+. Il en prend littéralement plein la gueule !
Ce vendeur de tendances en gros, demi-gros et détail n’était en fait qu’un vulgaire VRP des grandes marques. Dur destin pour celui qui était mandaté à la télé pour influencer le comportement d’achat des jeunes tout en leur glissant quelques doigts de sionisme dans le cul en passant, on ne se refait pas, n’est-ce pas.
Quelle que soit la façon dont ils finiront, fusillés ou torturés dans la cave, bravo aux trois journalistes de Libé qui nous ont donné envie de nous réabonner. La presse écrite, à moitié au fond du trou, retrouve des couleurs. Il était temps.
Voici les morceaux de choix de ce buffle mort (Vice France, pas Libé). Ça commence direct dans le dur :
« Vice France vient de fêter le premier anniversaire de son nouveau management. Mais, au sein de la filiale française du mastodonte américain des médias, réputé pour son esprit trash, son inventivité journalistique et son arrogance branchouille, personne n’a célébré les changements qui ont bouleversé l’entreprise ces derniers mois. “Ceux qui sont restés dans la boîte sont des fantômes. Ils sont déprimés, certains pleurent au boulot”, raconte, sous couvert d’anonymat, un ex-cadre de la rédaction. Un journaliste toujours en poste préfère évoquer la nouvelle ambiance sur une messagerie sécurisée : “On se méfie de tout le monde. On hésite à se confier, de peur que quelqu’un aille rapporter à la nouvelle direction ce qu’on dit.” »
Ah la bonne ambiance dans les start-ups dirigées par la Banque ! Vice France fait l’objet du retournement ou de la récupération de tous les sites un peu subversifs. La preuve :
« “Lors d’une des premières réunions, on nous a dit que le modèle était Minutebuzz. On nous a ensuite demandé d’être davantage [dans l’esprit] Konbini. Plus lisses. On ne dit plus de mal de Canal, on ne dit plus de mal des labels et des artistes. On doit faire des articles courts, légers, positifs”, se souvient l’ancien cadre déjà cité. Ex-rédacteur en chef adjoint démissionnaire, Romain Gonzalez évoque surtout une frontière de plus en plus floue entre les contenus journalistiques et les partenariats publicitaires : “La nouvelle direction nous a directement vanté le modèle I-D [le site mode de Vice France, ndlr]. Ce modèle, c’est la dilution totale de la séparation entre l’éditorial et le commercial : un média mode n’a aucune indépendance vis-à-vis des marques…” Dans la bouche du PDG Nicolas Bonard, face à Libé, l’équation est ainsi résumée : “La réalité, c’est qu’un média gratuit est dépendant de la pub. Journalistes et commerciaux doivent travailler en bonne intelligence.” »
Eh oui, c’est comme ça que meurt l’information dans un titre, quand les commerciaux, ces jouets des annonceurs, commencent à dominer l’éditorial. Après, c’est foutu, on ne revient plus en arrière. C’est l’annonceur qui fait le canard. Résultat, l’article sur le Paris-Dakar :
« Illustration de cette nouvelle politique peu raccord avec l’esprit punk des origines : le 6 janvier, la branche sport de Vice publie un article intitulé “Le Paris-Dakar est-il un truc de gros con ?”. Aussitôt mis en ligne, le papier, validé en conférence de rédaction, est dépublié. La faute à un appel d’Amaury Sport Organisation, organisateur du rallye automobile et récent partenaire commercial de Vice. Réécrit de fond en comble, l’article réapparaît finalement, avec un titre beaucoup plus élogieux : “La chevauchée fantastique”. Nicolas Bonard bafouille : “C’est un concours de circonstances. L’article a été sorti pour des raisons purement qualitatives, rien d’autre.” »
Mais ça, ça existe dans toute la presse papier et dans toute la presse en ligne, désormais. Rien de nouveau sous le soleil de Satan. Attendez, le meilleur est à venir : le dégonflage de la baudruche Wizman !
« Si Bonard est Bolloré, son Cyril Hanouna s’appelle Ariel Wizman. À 55 ans, le journaliste-animateur-chroniqueur de Canal + et Europe 1 a été bombardé “directeur du contenu créatif” du média ayant pour cœur de cible les 18-34 ans. Officiellement, il est chargé de conseiller les journalistes dans leurs choix éditoriaux et de trouver des nouveaux talents. Mais, selon Nicolas Bonard, il est aussi (et surtout) un moyen d’attirer des annonceurs : “Il est très connecté au niveau des marques. Les directions [commerciales] le connaissent.” Une entité qui exaspère en coulisse. “C’est simple, tout le monde le déteste”, glisse un journaliste. “Il passait une demi-heure pour nous conter ses dernières soirées mondaines ou personnalités rencontrées”, confirme Romain Gonzalez. Plus curieux : les papiers ou sujets en lien avec le judaïsme passent tous par lui. “Je me rappelle d’un reportage photo sur la communauté orthodoxe juive loubavitch qu’il fallait montrer à Ariel Wizman avant publication”, se remémore un ex-rédacteur en chef. “Genre l’expert en judaïsme, c’est Ariel. C’est devenu assez bizarre”. »
La marque de lessive éditoriale Ariel a donc été castée pour « conseiller » les journalistes en soumission aux marques et au sionisme, ce qui est plutôt cohérent. Mais son effet sur la chaîne de télé Viceland est dans le genre modeste : 100 téléspectateurs par jour, notent les perfides de Libé. Le pire, c’est que ces petits soldats de la Banque ont du budget (ils déménagent d’un quartier populaire vers le Marais, le quartier juif & gay de la capitale) ! Que ne ferait-on pas, chez E&R, avec un tel budget ! On n’ose même pas y penser.
La touche finale, l’estocade, les oreilles et la queue, c’est quand Libé nous apprend que
« le bâtiment dispose même d’un “happiness manager”. Symbole de la culture start-up longtemps raillée par Vice, sa mission consiste à s’assurer du bonheur des employés sur leur lieu de travail. »
Le happiness manager, ça nous rappelle quelque chose...
Pour la bonne bouche, et pour clore cette quenelle de 150, nous avons retrouvé une interview du baril d’Ariel dans Média + :
C’est le miracle Wizman : il y a encore des gros ploucs dans l’industrie médiatique qui croient à son baratin !
Pour les masochistes, voici un épisode de High & Fines herbes sur Viceland dans lequel on sent la patte de la subversion du gros baril Wizman :
Dire que cette merde se « rêvait en chaîne de la génération Y » !