Madame la directrice générale,
Dans le rapport annuel du FMI sur la France publié le 27 juillet 2011, vous appelez implicitement le futur président de la République française à mener une politique économique d’austérité. Le rapport du FMI se montre même plus précis en demandant une nouvelle hausse de l’âge légal de départ à la retraite et une réforme de notre système de protection sociale visant à limiter les dépenses de santé et de soins.
En ma qualité de candidate à l’élection présidentielle de 2012, je suis interpellée par le rapport du FMI, et tiens à préciser à votre institution ainsi qu’à l’ensemble de mes compatriotes ma position sur ces sujets essentiels.
La politique de la France doit être décidée par le peuple français
Sur la méthode d’abord, contrairement à mes adversaires des partis au pouvoir depuis plusieurs décennies, UMP et PS, je ne me sens pas liée par les préconisations et les demandes parfois pressantes qui émanent de votre institution et des agences de notation.
Je lis tous les avis avec intérêt, mais je suis d’abord profondément attachée aux valeurs démocratiques et républicaines.
Je crois profondément que notre démocratie aujourd’hui très abîmée doit être refondée : en ce sens je rappelle que la politique de la France doit être dictée par le seul souverain que la République reconnaisse, le peuple français.
Si naturellement la France évolue dans un environnement international complexe, si elle doit prendre toute sa part dans le dialogue des nations, je suis aujourd’hui inquiète de voir les politiques de notre gouvernement de plus en plus largement influencées par des organismes internationaux non démocratiques et souvent soumis à des intérêts privés très puissants.
A titre d’exemple, la récente réforme des retraites engagée par le gouvernement de Nicolas Sarkozy, que je juge injuste et inefficace, avait un objectif principal : complaire aux agences de notation et aux recommandations de votre institution. Sous ma présidence, la politique de la France sera faite en France. Le peuple sera régulièrement consulté par référendum sur les sujets les plus importants, et seule sa parole comptera.
Nous ne sommes pas condamnés a l’austerite sans fin
Sur le fond ensuite, je suis la candidate de la bonne gestion de la maison France. La montée continue de notre dette publique, qui sous le mandat de Nicolas Sarkozy a connu une explosion sans précédent de près de 500 milliards d’euros, m’inquiète comme elle inquiète légitimement nombre de Français. Elle m’inquiète car elle hypothèque notre avenir, et plus encore celui de nos enfants et de nos petits-enfants.
Mon objectif sera d’engager dès les premières semaines de mon arrivée au pouvoir une saine politique de remise en ordre de nos comptes publics, et de désendettement massif.
Mais dans cette optique, je ne suivrai pas les recommandations du FMI et des agences de notation. Je ne crois pas que nous soyons condamnés à l’austérité, ou même au saccage social que sont en train de subir, sans aucun résultat, plusieurs peuples européens.
Il est évident que notre économie ne peut rebondir en se fondant sur une vision récessive de l’activité. Nous en avons maintenant l’expérience : l’austérité que votre institution n’a de cesse de préconiser, et que nombre de gouvernements appliquent à la lettre depuis des années, décourage l’initiative et l’innovation, pourtant indispensables au redressement et à la croissance. Cette voie est sans issue.
J’ajoute que notre système de protection sociale doit être maintenu, et même conforté pour permettre l’accès de tous à des soins de qualité. Il n’est pas question non plus de rallonger encore la durée de cotisation nécessaire à la jouissance d’une pension décente. Au contraire, les petites retraites devront être revalorisées, et la pénibilité mieux prise en compte.
Ma philosophie sera bien différente, et je suis convaincue qu’elle seule permettra enfin de réduire nos déficits et notre dette.
4 piliers pour desendetter la France et redresser nos comptes publics
La saine gestion des dépenses publiques que je préconise s’appuiera sur quatre piliers, qui permettront à la fois de désendetter notre pays et de renforcer la justice sociale :
1. Distinguer la bonne dépense publique de la mauvaise dépense publique.
Le financement des retraites, de nos soins, de l’école, de la sécurité, de la justice, des services publics, l’aide aux plus démunis font indéniablement partie des dépenses publiques utiles au pays, nécessaires à la cohésion sociale et à la croissance : je ne les remettrai pas en cause.
L’administration fera bien sûr la chasse aux gaspillages, mais il est hors de question de dégrader les conditions de vie de nos compatriotes, déjà si durement éprouvés par trente ans de marasme social et de crise.
En revanche, il est indispensable de s’atteler enfin à une réduction drastique de la mauvaise dépense publique, cette dépense aussi massive que nocive. Je n’en citerai que quelques exemples : la fraude sociale, dont le coût a été évalué par un récent rapport parlementaire à 20 milliards d’euros par an, les dérives de la décentralisation, souvent pointées du doigt par la Cour des Comptes, les dépenses induites par une immigration légale et clandestine non maîtrisée.
Sur ces quelques sujets, aucune action volontariste n’a jamais été menée par les gouvernements successifs. Au contraire, la situation n’a de cesse de s’aggraver, alors que plusieurs dizaines de milliards d’euros d’économie annuelle sont possibles ;
2. Redresser les comptes de l’Etat en faisant participer les grandes entreprises à l’effort de solidarité nationale.
A force d’exemptions fiscales et sociales, la contribution des très grandes entreprises à cet effort est aujourd’hui sans commune mesure avec les richesses qu’elles accumulent et qu’elles reversent en large partie sous forme de dividendes à leurs actionnaires.
A titre d’exemple, la niche fiscale dite « Copé », qui profite essentiellement aux très grands groupes, a déjà privé l’Etat d’une vingtaine de milliards d’euros de recettes fiscales, sans aucun résultat probant en termes d’investissement ou d’emploi.
Il n’est pas normal non plus que les entreprises du CAC 40 ne paient que 8% d’impôt sur les sociétés en moyenne, quand nos PME en paient plus de 33%, alors qu’elles doivent être encouragées. Il n’est aucunement question d’alourdir la fiscalité pesant sur les ménages et les TPE/PME, mais la justice fiscale devra être rétablie, au bénéfice aussi de nos comptes publics ;
3. La France doit cesser de participer aux inutiles et coûteux plans de renflouement de la zone euro, qui se multiplient sans résultat depuis maintenant plus d’un an, et qui nous endettent dramatiquement.
A eux seuls, les deux plans de renflouement de la Grèce représentent pour notre pays 32 milliards d’euros (dont 8,9 milliards déjà déboursés), qui pèseront lourdement sur nos déficits et notre dette publics, ainsi que le premier ministre François Fillon l’a récemment reconnu.
On le sait déjà : ces plans ne produisent aucun résultat. Ils contribuent à creuser dangereusement la dette publique de la France et à nous rapprocher de l’œil du cyclone. Ils ne sont en rien une manière d’aider les peuples des pays concernés, parce qu’ils s’accompagnent de plans d’austérité effroyables, que je ne souhaite en aucune manière à mon pays.
Il faut sur ce dossier faire preuve de pragmatisme, et résoudre le mal à la racine : l’euro. Les pays de la zone euro tombent les uns après les autres parce qu’ils sont considérablement affaiblis par une monnaie unique qui les prive de toute possibilité de rebond dans la crise.
Je cesserai donc de faire participer la France aux inutiles plans de renflouement de la zone euro, et engagerai avec nos partenaires européens une sortie concertée de l’euro, seule solution viable ;
4. Enfin, je ne conçois pas la politique de la France perpétuellement sous la menace de l’épée de Damoclès des marchés financiers et des agences de notation. Nous devons reprendre notre liberté.
Notre dépendance vis-à-vis de la finance internationale est devenue au fil des ans beaucoup trop forte, au point que la démocratie elle-même est aujourd’hui menacée. Je reviendrai à ce titre sur les dispositions législatives et européennes qui obligent notre pays à se financer au prix fort auprès des banques et des marchés financiers.
Comme beaucoup d’autres nations dans le monde, et pour sortir de l’isolement d’une Europe coupée de la croissance mondiale, j’affranchirai la France de la domination bancaire, et je redonnerai à l’Etat les moyens légaux de se financer sans intérêt auprès de la Banque de France.
En dégageant les finances de la France de la main-mise des marchés financiers, je redonnerai à notre pays la liberté, sans laquelle la démocratie n’a pas de sens. J’affaiblirai considérablement le pouvoir de nuisance des agences de notation, qui ne doivent leur influence qu’à notre dépendance vis-à-vis des financeurs privés.
Le projet de redressement que je propose aux Français est en même temps un projet d’espérance. A l’inverse de mes adversaires pour 2012, je ne me résous pas à la rigueur, à la dette, au marasme social et à l’austérité sans fin. Je refuse d’offrir comme seule perspective à mon peuple de la sueur et des larmes.
Le désendettement ne se fera pas avec les méthodes actuelles, celles que le FMI continue de préconiser, alors qu’elles n’ont produit aucun résultat positif dans les pays où elles ont été appliquées.
Le désendettement se fondera sur les quatre piliers que j’ai exposés ci-dessus, et sur une politique vigoureuse de dynamisation de notre économie. Les Français ont une formidable capacité d’invention et de rebond. Je ne la briderai pas par des politiques déprimantes et inutiles.
Je m’évertuerai au contraire à la faire prospérer, dans l’intérêt de toutes les nations du monde.
Je vous prie d’agréer, Madame la directrice générale, l’expression de ma haute considération.
Marine Le Pen