Prenons la question du logement, comme dirait Engels. Les nouvelles se suivent et se ressemblent. Toutes les grandes villes coûtent entre dix et trente mille du mètre, et l’espace disponible par pipe ne cesse de diminuer. Yahoo.es vante les raisonnables trente mètres carrés zen de New York qui coûtent 800 000 dollars, en ajoutant sans rire que ça suffit comme ça d’exiger plus – de mètres carrés, pas de dollars.
Sur Paris (plus de onze mille en moyenne, un trente mètres carrés dans le quartier latin vaut 600 000€), on pouvait lire ceci :
« Les Parisiens doivent se contenter de peu. Un habitant de la capitale dispose en moyenne d’une surface de 31 mètres carrés pour vivre, selon une étude de l’Insee, publiée mardi. »
En comparaison, les personnes vivant en province sont logées dans plus de 42 mètres carrés chacune. Une différence qui s’explique notamment par les prix élevés et la forte densité de studios, qui représentent une habitation sur cinq intra-muros.
Plus généralement, 99 % des Parisiens vivent dans des immeubles, ce qui représente environ 1,2 million de logements. Un appartement moyen dans la capitale fait 59 mètres carrés, une surface divisée en 2,7 pièces, et occupée par deux personnes.
Je connais comme cela la nièce d’un ami qui vient de s’acheter un dix-neuf mètres carrés dans la capitale pour 200 000 euros. Elle passera sa vie à rembourser un pigeonnier. Victime comme toute cette jeunesse de cette bougeotte si utile au système, elle décide d’aller au Canada où l’immobilier a explosé depuis des années. Ce pays compte trois habitants au km2 mais on s’y loge au prix de Monaco.
Le renforcement de la dystopie planétaire se fait dans la mauvaise humeur. À Londres les gens meurent comme des mouches et la ville est plus dangereuse que New York. Le maire Sadiq Kahn (quel nom tout de même) ajoute que le terrorisme fait partie des grandes villes. Dans ce pays de fous, la police ne résout plus les cas de criminalité mais affole le populo en évoquant les empoisonnements commis par les Russes aux quatre coins de la Tour de Londres. C’est du folklore, on l’a compris en France depuis le trop mystérieux attentat bâclé du Bataclan et c’est pourquoi le peuple pas très malin et pas très exigeant a élu le ministre des phynances d’Ubu-Hollande, qu’on lui a présenté trois mois durant comme un homme neuf. Les plus mécontents reliront mon texte sur Étienne de la Boétie. Dans la dystopie la victime est contente et consentante. Relisez The Long Tomorrow du génial Moebius aidé du scénariste d’Alien o’Bannon.
À Amsterdam, devenue hors de prix elle aussi, on ne peut plus sortir la nuit à cause des émeutes et des destructions. On sait ce qu’il en coûte de vivre en Allemagne où l’immobilier raisonnable jadis a doublé sous Merkel – comme en Autriche ou en Hongrie du reste (+16 % par an à Budapest). Cette cherté s’accompagne partout comme à San Francisco d’un effondrement des services. On défèque, on se pique, on plante la tente comme on sait dans cette cité où l’appartement vaut deux millions en moyenne.
Car pourquoi se gêner ? Les gens continuent de tweeter, de s’endetter et de s’embêter. Alors…
La dystopie gagne tous les terrains, éducatif (les garçons transformés en filles en Suède) et tout le monde se la ferme. Je lis dans Wikipédia cette perle :
« À une époque plus contemporaine, ce type de critique a été produit à l’encontre de 1984 de George Orwell. Ainsi la critique Nadia Khouri estime-t-elle qu’Orwell se situe pleinement dans la tradition de la dystopie qui est par nature nihiliste et réactionnaire. »
Et on rajoute dans l’encyclopédie comme il faut :
« À l’instar des autres anti-utopies, 1984 organise toute sa rhétorique pour s’en prendre aux forces historiques montantes qui menacent de détruire les structures et les principes traditionnels. »
Elle me fait bien ricaner celle-là avec ses forces historiques montantes. Qu’elle demande aux employés grévistes d’Amazon ce qu’ils en pensent, aux cent-dix mille parisiens logés à la rue et aux millions d’américains disséminés dans les bidonvilles. Mais elle s’en fout bien sûr : il faut lutter contre les isthmes – et oublier le reste. Le sexe des anges (ou leur absence de sexe) ou de Zabulon importe plus que la vie concrète de milliards de personnes !
La dystopie a un tour bien féministe et gynécocratique. Je l’ai dit et je le répète en suivant mon maître Chesterton :
« L’extension du féminisme signifie qu’il n’y aura pas plus de lois ou de libertés dans un État qu’il n’y en a dans une pépinière. »
Dans la nurserie mondialisée en effet nous disposons de peu de droits, surtout si nous sommes des mâles blancs (je n’envie pas les Chinois non plus, victimes des soins d’un parti communiste devenu sybarite qui saccage et surendette la plus ancienne civilisation du monde). Nous sommes poursuivis et enfermés pour tel crime, y compris et surtout si nous ne l’avons pas commis. Le racisme en Italie ou le sexisme ici (750 euros pour siffler une fille dans la rue, mais qui siffle encore ? Alors qui va nous dénoncer et nous emprisonner si nous ne sifflons pas ?), la critique sociale ensuite, tout sera mal vu comme dans ces romans de dystopie dont on vient de voir qu’ils sont fascistes de toute manière…
L’économie fait souffrir tout le monde ou presque. Mais les gens subissent sans broncher. À Biarritz où je veille ma mère malade, je vois que les gens fauchés par leur loyer, leurs impôts et leur bagnole s’entassent sur les plages, se brûlent sans crème et bronzent idiots comme jamais – douze heures par jour. Le reste plonge le nez toute la journée dans le portable et un copain me fait observer que les jeunes, sa fille y compris, ne parlent plus, ne téléphonent plus. Ils tweetent six cents fois par jour. C’est comme ça. La société est devenue la Grande Muette à son tour, toute aussi lâche et dégénérée que l’autre transformée en mercenariat à la solde du mondialisme.
Comme je l’avais rappelé à la suite de Shaffer Butler le nazisme avait créé un peuple de zombis en augmentant toujours les taxes, et en légiférant sur tout le détail (le bétail) de la vie quotidienne : fumer tue, le tri sélectif, le recyclage, la limitation de vitesse à 80 ; le harcèlement sexuel et le reste. Et comme le dit toujours Tocqueville :
« Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l’avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »
Le nazisme soft que nous vivons en occident mondialisé repose sur des monstruosités économiques. Je vais citer dans cet esprit cyber punk la remarque marrante de l’économiste de gauche Michael Hudson : une exigence pour travailler à la FED est ne pas comprendre comment fonctionne vraiment l’économie. C’est de la science-fiction, ils vivent dans un univers parallèle dans lequel tout le monde paie ses dettes.
Le monde réel est devenu en effet un écran d’ordinateur géant, simulacre qui recouvre le monde nié-pollué.