Peu le savent, mais le schisme à l’origine de l’Eglise anglicane dont Charles III est le nouveau chef, repose sur une rocambolesque dispute talmudique et l’admiration du roi Henri VIII pour la loi juive.
Le Talmud, l’archevêque et l’abbaye
« Le Talmud de Babylone est le principal joyau de l’abbaye de Westminster », argua en 1956 l’archevêque Mgr Carpenter, pour justifier son refus de vendre les ouvrages au collectionneur juif de renom, Jack V. Lunzer. Un talmud, plus grand trésor de ce haut lieu de l’Église anglicane, lieu de sépulture et de couronnement des principaux souverains d’Angleterre, là où auront prochainement lieu les funérailles d’Elizabeth II ?
Pour comprendre ce cri du cœur de l’archevêque, il faut remonter quatre siècles plus tôt.
L’histoire commence en 1523. Cette année-là, le roi d’Angleterre Henri VIII, décide de se séparer de son épouse Catherine d’Aragon : après quatorze ans de mariage et des fausses couches à répétition, celle-ci ne lui a donné qu’une fille, Marie. Persuadé que son union est maudite et désireux d’avoir un héritier, le monarque se met en tête d’épouser sa maîtresse, Anne Boleyn. Seulement voilà : le divorce n’est pas autorisé par l’Église catholique, et la seule issue pour le souverain est d’obtenir l’annulation de son mariage par le pape Clément VII. Il fait alors valoir que son union avec Catherine d’Aragon n’est pas valide, et avance pour cela quelques solides arguments.
Duel talmudique entre le roi et le pape
En premières noces, Catherine avait épousé le frère aîné d’Henri, Arthur, mort prématurément. Pour assurer la pérennité du rapprochement entre l’Espagne et l’Angleterre, il avait été décidé qu’Henri, le nouveau roi, épouserait sa belle-sœur. Mais l’Église s’était opposée au mariage : selon la législation biblique reposant sur l’Ancien Testament alors en vigueur, un homme ne pouvait épouser la femme de son frère (Lévitique 18,16). À moins de prouver que l’union entre Catherine et Arthur n’avait pas été consommée. Sur l’insistance d’Isabelle de Castille, mère de Catherine, le pape d’alors, Jules II, avait toutefois dispensé la jeune fille de l’examen de virginité requis pour valider son union avec Henri, et les noces avaient été célébrées.
Henri VIII tient là son cheval de bataille. Il avance auprès du pape que la dispense ayant permis son union avec Catherine d’Aragon a été accordée abusivement, et que cette dernière n’était pas vierge lorsqu’il l’avait épousée. Peine perdue : Clément VII refuse d’annuler le mariage. Ainsi éclate ce que l’on a appelé The King’s Great Matter, la grande affaire du roi.
Henri VIII dénonce l’incompétence du pape, incapable de déduire ce qu’il convient du verset pourtant limpide du Lévitique, interdisant d’épouser la femme de son frère. Mais le souverain pontife ne se laisse pas démonter et va consulter des juifs érudits en Talmud. Sur les conseils de ces derniers, il invoque dès lors la loi du yibboum énoncée dans le Deutéronome : « Si des frères demeurent ensemble et que l’un deux vienne à mourir sans postérité, la veuve ne pourra se marier à un étranger ; c’est son beau-frère qui doit s’unir à elle ». L’argument, imparable, valide le mariage royal.
L’Église catholique face à ses contradictions
Acculé, Henri VIII décide de faire appel à ses propres rabbins. Il se heurte cependant à un écueil de taille : le royaume ne compte plus un seul juif depuis leur expulsion deux siècles auparavant… Qu’à cela ne tienne : le souverain presse ses émissaires demeurant en Italie de trouver des rabbins susceptibles de lui donner raison. Isaac Halfon est de ceux-là : ce rabbin vénitien souligne que sous l’impulsion de rabbénou Guershom de Mayence, autorité suprême parmi les juifs d’Europe au Moyen-Age, la loi du yibboum a cessé d’être appliquée et que les juifs, pour s’en dispenser, pratiquent systématiquement la cérémonie du « déchaussement » décrite dans le Deutéronome. Les jeux semblent faits en faveur du roi. Mais c’est sans compter la pugnacité du pape et de ses rabbins. Leur nouvel argument est que les décisions de rabbenou Guershom ne s’appliquent qu’aux juifs ashkénazes et que la reine Catherine, originaire d’Espagne, est séfarade ! Le mariage royal, disent-ils, est donc légitime.
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C’est le schisme. Le souverain, dont l’annulation du mariage a été prononcée un an auparavant par le nouvel archevêque de Canterbury, se proclame chef de l’Église d’Angleterre le 17 novembre 1534. L’anglicanisme qui vient de voir le jour se veut basé sur la seule autorité de l’Écriture. Entre-temps, le roi, fasciné par la sagesse de la loi juive, a commandé une édition complète du Talmud, qui sera la première jamais imprimée, celle-là même que le collectionneur Jack Lunzer convoitait.
L’apprentissage de l’hébreu est désormais prescrit au sein de la famille royale afin de comprendre la loi originelle. Tandis que les chaires d’hébreu se multiplient dans les grandes universités du pays, la famille royale ne déroge pas à la règle. Marie Stuart a notamment laissé un livre de psaumes annoté de sa main en hébreu, et l’on sait que la reine Eiisabeth Ire, fille d’Henri VIII et d’Anne Boleyn, maîtrisait parfaitement cette langue.
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Outre le fait que selon certaines sources étymologiques, le nom « british » signifie « homme de l’alliance » (brit-ish), certaines traditions de la Couronne sont directement issues du judaïsme.
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