En ce 7 décembre 2012, nous avons malheureusement dû constater, une fois de plus, le manque de déontologie, de responsabilité, et surtout de respect humain de la majorité de nos médias « traditionnels ».
Les journalistes se sont tous rués sur l’entretien du Président syrien Bachar al-Assad, réalisé par Barbara Walters d’ABC News, pour le démolir [1]. Il ne s’agissait pas ici d’une énième vidéo ou reportage possiblement truqué, mais du chef d’État d’un pays souverain qui, depuis des mois, est injustement jeté en pâture. La Syrie, un pays où 45 communautés, au minimum, cohabitent en paix depuis des siècles, occupe en effet une position géostratégique et politique qui en a fait une cible prioritaire des Occidentaux et de leurs alliés dans la région.
A peine le Président syrien s’était-il exprimé, que tous nos médias l’ont aussitôt condamné. Et lorsqu’ils ne l’ont pas ouvertement calomnié, ils l’ont tourné en ridicule. Ainsi Alexandre Adler, commentant cet entretien sur Europe 1, [2] l’a qualifié de « surréaliste », et a décrété : « Il raconte des absurdités, je n’ai pas tué, tiré… c’est une façon d’occuper le buzz… ! ». Le buzz justement, dont Adler se sert pour nous resservir sa « guerre des religions »... Sujet toujours éminemment commode pour égarer les auditeurs.
Alexandre Adler ne parle plus des chrétiens, c’est devenu trop délicat… En revanche, il parle de sunnites détestant les chiites et inversement… Ainsi la fête chiite de l’Achoura est « une fenêtre de tir » pour Assad... Voilà que l’Irak aussi se met à le soutenir… en plus de tous les autres… Bref, à en croire Adler « nous sommes passés d’une guerre civile syrienne, qui s’intensifie de jour en jour à une sorte de politique des blocs régionale… ». Comprenne qui pourra !
Passer en revue les déclarations des uns et des autres serait péniblement répétitif. Paris Match [3] résume assez bien la doxa en vogue : « … Bachar al-Assad a sans surprise démenti toute responsabilité dans les violences qui ont fait plus de 4000 morts, sans envisager un instant de quitter le pouvoir comme le lui demande la grande majorité de la communauté internationale ».
Toujours ce chiffre, non vérifié, de 4000 morts qui a pris valeur de dogme parce que retenu par la Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Navi Pillay [4] dans un rapport pourtant vivement contesté pour sa partialité [5]. Sans oublier Amnesty International qui, par la voix de Michel Fournier [6], va jusqu’à accuser l’Armée syrienne de tuer des centaines de ses propres enfants, et voudrait que l’on s’attaque à la Syrie comme en Libye, et passe sous silence plus d’un millier de soldats massacrés par des takfiristes !
Quant à la légitimité de la demande de « la grande majorité de la communauté internationale », c’est à un ami syrien et francophone d’Alep qu’il faudrait l’expliquer. Profondément meurtri par les allégations mensongères de nos médias, qu’il suit jour après jour, il m’a adressé ce message : « Je passe sur le fait que vos journalistes ne savent plus reconnaître la « dignité » d’un homme, mais ce qui me sidère est qu’ils ne se posent jamais les bonnes questions. Les gouvernants occidentaux déclarent que notre président, pourtant élu par le peuple syrien, n’a plus de légitimité. Mais comment peuvent-ils justifier la légitimité qu’ils ont accordée au président du CNT [président des rebelles] Bourhan Ghalioun que personne ne connaissait en Syrie avant les événements en cours [il réside depuis des décennies en France et enseigne à la Sorbonne] ? Est-ce une nouvelle loi du droit international [qu’ils viennent d’inventer après celle du « droit d’ingérence »] que la légitimité d’un président provient de ses tuteurs étrangers et non du peuple de son propre pays ?! ».
En attendant, l’impatience des puissances occidentales à voir s’installer une « guerre civile » en Syrie se heurte aux réalités sur le terrain, comme nous l’expose l’analyste politique libanais, Amin Hoteit.
Le Docteur Amin Hoteit constate que la Syrie a réussi à déjouer le complot fomenté contre elle par des puissances étrangères ; complot dont les objectifs ont été clairement définis par le Président du « Conseil des clients d’Istanbul » [Monsieur Burhan Ghalioun] lorsqu’il a déclaré qu’il se préparait, une fois arrivé au pouvoir, à couper tout lien avec la résistance et à négocier la reconnaissance d’Israël en signant une capitulation du type « Camp David et Wadi Araba ». Pour déjouer ce complot, la Syrie a pu compter sur elle-même et sur un appui international et régional, notamment celui de la Russie, de la Chine, et de l’Iran.
Maintenant que la Syrie a réussi à isoler les insurgés dans une zone relativement étroite (le triangle Homs, Hama, Edleb) pour protéger la population de leur terrorisme et de leur barbarie, et alors que ses forces de sécurité continuent à opérer scrupuleusement selon une technique chirurgicale afin d’éviter un surplus de nuisance, l’Occident prétend craindre de voir la Syrie se diriger vers une « guerre civile » et se met à se lamenter sur le sort des agents terroristes à sa solde en les faisant passer pour des « civils pacifiques qu’il faudrait protéger ».
Une protection que l’Occident prétend assurer par l’intermédiaire d’une intervention militaire déguisée en « zone d’exclusion aérienne », ou « zone tampon », ou encore « couloirs humanitaires »… Autant de formulations qui impliquent l’usage d’une force militaire étrangère ayant pour but de paralyser l’armée syrienne et d’ouvrir la voie vers la prise du pouvoir par le « Conseil des clientélistes » ; mais étant donné qu’il est désormais certain que cette voie est actuellement verrouillée, il utilise tous les moyens possibles pour lancer ses mises en garde tout en faisant la promotion de ce qui inciterait à une « guerre civile en Syrie ». Est-il possible qu’une telle guerre ait lieu ?
Tenant compte des règles et des concepts admis en science militaire, le Docteur Hoteit rappelle qu’une guerre civile ne peut se déclencher que dans un environnement qui réunirait trois facteurs.
Le premier concerne les pouvoirs officiels de la gouvernance et se traduit par un pouvoir faible et incohérent, une armée désolidarisée et divisée en groupuscules rejoignant à leur tour des forces populaires rivales, ou une armée totalement en décomposition permettant aux forces populaires et aux groupes armés de prendre le contrôle des casernes et de l’armement.
Le deuxième est le facteur populaire qui se traduit par la division du peuple avec l’émergence de conflits et de peurs réciproques qui poussent chaque partie à prendre les armes pour chercher à contrôler une terre qu’elle interdit à l’autre, avant de la purifier par la déportation et les assassinats. Chacune de ces parties sent son existence menacée du fait de l’obstruction de l’horizon politique et de l’absence d’une force militaire officielle capable de la protéger, ce qui l’oblige à se défendre elle-même et par ses propres moyens.
Le troisième est le facteur externe et se traduit par l’existence de puissances étrangères qui commencent par empêcher le dialogue et par conséquent l’accord entre les parties, puis leur fournissent armes, argent, et médiatisation ; et enfin, finissent par les conditionner psychologiquement pour qu’elles ressentent un danger imminent qui les incite à se battre.
Comme nous l’enseigne l’Histoire, ce sont là les trois facteurs environnementaux qui déclenchent une guerre civile. Un tel environnement existe-t-il ou serait-il susceptible d’exister en Syrie ?
D’emblée, nous voyons clairement que le troisième facteur existe, puisque nous sommes en présence de forces extérieures qui veulent la guerre civile, l’encouragent, empêchent le dialogue, et fournissent armes et argent à certaines organisations internes. Aussi, malgré les prises de position publiques des puissances étrangères mettant en garde contre une guerre civile, et leurs faux appels à la protection des civils, nous constatons que la Turquie ainsi que des pays arabes et occidentaux sont parties prenantes pour pousser à la guerre de toutes leurs forces disponibles et, par conséquent, si l’un ou l’autre de ces intervenants nie soutenir les terroristes ce n’est que pour éviter la défaite en cas d’échec.
C’est pourquoi nous ne croyons pas le démenti des Français lorsqu’ils nient entrainer et armer les insurgés, comme nous ne prenons pas au sérieux les déclarations des Américains lorsqu’ils prétendent refuser de fournir des armes aux terroristes alors qu’ils sont les instigateurs acharnés de la guerre civile, et nous sommes confortés dans cette conviction par le comportement récent de Joe Biden en Turquie. Nous ne croyons pas non plus aux tentatives trompeuses des Arabes qui prétendent vouloir « arrêter le bain de sang et protéger les civils » pendant qu’ils fournissent aux insurgés armes et argent et mènent une guerre médiatique et psychologique contre la Syrie.
Pour toutes ces raisons, nous disons que l’un des trois facteurs prédisposant à une guerre civile est bien présent, et c’est le troisième. Il est externe et étranger à la Syrie. En revanche, comme nous le montre la réalité sur le terrain, les deux autres facteurs nécessaires sont actuellement absents.
En effet, le pouvoir et l’armée syriens continuent de s’acquitter de leurs responsabilités, puisque les trois forces [Armée, Sécurité, Forces de l’ordre] ont démontré leur capacité à préserver leur cohésion et leur unité, leur strict respect des décisions cohérentes du pouvoir politique, tout en faisant montre d’ingéniosité dans le traitement des opérations et des attaques terroristes, jusqu’à les confiner à une zone géographique limitée.
De plus, le haut commandement dispose de forces d’intervention rapide de réserve capables de contrer toute opération qui viserait à provoquer l’étincelle susceptible d’ouvrir la voie vers la guerre civile. Quant aux allégations de ceux qui affirment que des dissidents ont formé une « Armée Libre », elles sont assurément fausses. Cette organisation armée, dirigée par un officier technicien à la retraite, ne comprend aucune unité militaire qui se serait désolidarisée de l’armée, mais rassemble des civils et des terroristes infiniment plus nombreux que les déserteurs de l’armée.
Cela signifie que le premier facteur est absent mais, qu’au contraire, les forces militaires sont bien présentes et travaillent à la sécurité des citoyens, leur épargnant la tentation de l’autodéfense armée pour sauver leur vie et protéger leurs droits.
Quant au facteur populaire, le troisième, ceux qui tirent prétexte de la défiance nouvellement apparue entre certaines communautés du peuple syrien du fait des exactions de terroristes et de takfiristes - qui prétendent tuer au nom de telle ou telle doctrine afin de, soi-disant, garantir leur droit à l’existence - devraient plutôt noter le haut degré de conscience du peuple syrien qui a su distinguer entre le terrorisme et la communauté à laquelle il appartient, et surtout qui a manifesté sa ferme condamnation de ces assassins qui n’ont « ni foi ni loi ». Le grand Mufti de Syrie en a témoigné avec une émouvante sincérité au moment même de l’enterrement de son fis assassiné, tout comme l’ensemble des représentants de toutes les communautés religieuses qui se sont déclarées prêtes à « offrir des milliers de martyrs à leur patrie et ont affirmé qu’elles ne se laisseraient pas entraîner dans la guerre civile ».
Autrement dit, semer la discorde pour arriver à monter les communautés les unes contre les autres n’est pas chose facile en Syrie, d’autant plus que les réalités civile et démographique empêchent de dessiner des frontières entre les multiples communautés et, par conséquent, ne se prêtent pas à la création de champs ou camps de batailles civiles. D’où l’extrême difficulté d’une opération extérieure qui chercherait à isoler et à armer massivement des communautés divisées [si division il y a, ce qui est hautement improbable] malgré le contrôle efficace des forces de sécurité et des forces armées déployées sur les frontières.
En outre, il faut tenir compte du peuple syrien lui-même, parfaitement conscient des grosses ficelles du complot fomenté contre son pays et profondément heurté par les déclarations récentes d’une prétendue opposition décidée à établir un gouvernement à la solde des puissances occidentales. Dès lors, les Syriens se posent la question de savoir si cette opposition ira jusqu’à les pousser à la guerre, voire à les anéantir, s’ils ne reconnaissent pas Israël et ne renoncent pas à tous leurs droits. La réponse passera certainement par l’unité nationale et l’adhésion populaire aux réformes en cours et aux positions du gouvernement, qui refuse de céder face à une telle opposition.
Ainsi nous voyons que l’Occident œuvre pour la guerre civile en Syrie parce qu’il a échoué à toutes les étapes précédentes de sa conspiration.
En effet, après avoir utilisé la Ligue Arabe contre la Syrie, l’Occident se réfugie derrière les organisations internationales qui lui sont inféodées, comme le Conseil des droits de l’Homme, Amnesty International, ou autres… Ce qui ne lui servira à rien et ne pourra certainement pas le rendre maître des décisions du gouvernement pour arriver à coloniser la Syrie, raison essentielle qui le pousse à chercher la guerre civile comme dernier recours pour arriver à ses fins et se sortir de ses propres difficultés. Mais il se trouve obligé d’admettre que ses tentatives ont été vaines. Alors, il persiste à mener ses tentatives de perversion secrètement et déclare tout le contraire publiquement, encore une fois, pour ne pas avoir à supporter les conséquences de son échec.
Et le Docteur Hoteit de conclure : La Syrie est plus avisée et plus grande que l’Occident ne le croit, pour se laisser entraîner dans une guerre civile ou se livrer à un clientéliste à la solde d’un colonisateur.
[1] http://www.infosyrie.fr/decryptage/...
[2] http://www.europe1.fr/MediaCenter/E...
[3] http://www.parismatch.com/Actu-Matc...
[4] http://www.24heures.ch/actu/monde/o...