La fake news lancée par France Inter et France 2 sur les prétendus "gants plombés" du boxeur Christophe Dettinger https://t.co/5q9QpsG1Ut
— Aude Lancelin (@alancelin) 28 février 2019
Une fois n’est pas coutume, Libé balance dans le bon sens du terme. Si ça continue, on risque de se réabonner. Mais ne nous affolons pas, les deux journalistes du canard de Joffrin ont juste fait leur travail, ce qui est déjà un exploit dans le monde médiatique actuel où on a plutôt l’habitude de voir de la propagande, des éléments de langage, des clichés et autres contre-vérités. Bref, Libé a démontré que les deux grands médias de service public, France 2 pour la télé et France Inter pour la radio, ont menti sur les gants lestés du boxeur Dettinger.
Emportés par leur désir de complaire à l’oligarchie, ils ont noirci le tableau du Gitan de Massy. Pour la défense des deux organes de service public, l’info émanait d’une « source policière ». Et c’est bien là le problème : d’abord dans l’affaire Dettinger les forces de l’ordre sont juge et partie. Ensuite, tout journaliste enquêteur – on ne parle pas des bavards professionnels du type Aphatie qui n’ont jamais enquêté – sait qu’un informateur policier est à double tranchant : c’est souvent le journaliste qui devient l’informateur à son corps plus ou moins défendant... Quand il ne se fait pas refourguer des tuyaux crevés.
Salut l’honnêteté journalistique du quotidien :
« C’est à partir du 7 janvier, deux jours après les faits, et alors que le boxeur vient de se rendre à la police, que les médias commencent à relayer l’information selon laquelle le boxeur était équipé de gants particuliers. Un détail d’importance, qui change la nature des faits (pour la justice, il s’agit d’armes) et qui a contribué à contrebalancer l’héroïsation du boxeur dans les groupes de gilets jaunes, et a instillé l’idée d’une possible préméditation de l’agression. »
Et voici le déroulé des reprises de la fake news :
« C’est France Inter, le 7 janvier à 12h20, qui donne en premier la fausse information, affirmant que les gants ont été retrouvés au domicile de l’ex-boxeur, et qu’ils étaient coqués et lestés de plomb : “Christophe Dettinger a utilisé des gants coqués, lestés de plomb, des gants retrouvés à son domicile. Ce sont des gants de motards, mais cela pourrait aussi signifier que l’ancien boxeur professionnel a prémédité son acte.”
Le JT de 13h de France 2 donne, avec moins de détails, la même info une grosse demi-heure plus tard. “Il est soupçonné d’avoir frappé avec des gants coqués au moins deux gendarmes”, détaille un journaliste lors d’un duplex.
L’information est reprise quelques heures après par Francetvinfo, citant France 2 : “Ses gants étaient ’coqués’, c’est-à-dire renforcés avec du plomb, précise une source policière à France 2.”
Un média étranger (l’édition suisse de 20 minutes) titre même sur le fait que le boxeur avait des “gants en plomb”. »
On le voit, ces médias consanguins se font aveuglément confiance et pensent, donc disent, exactement la même chose, à quelques nuances près. Avec la permission de Libé – avec qui on fait la paix provisoirement à l’occasion de cet hommage historique – on envoie la deuxième salve des reprises aveugles :
« Toujours le 7 janvier, le Progrès évoque des gants “renforcés”, tandis que, dans le 20h de France 2, un reportage est consacré à l’affaire. On y entend la même affirmation, sans conditionnel : “Il (Christophe Dettinger, NDLR) se présente comme un manifestant qui a cédé à la colère, mais il portait samedi des gants renforcés. L’enquête devra déterminer si ces violences étaient préméditées”.
Le lendemain, Francetvinfo relaye à nouveau l’accusation, cette fois dans la bouche du porte-parole du syndicat des Cadres de la Sécurité intérieure Christophe Rouget : “Dans quel monde vit-on ? Quelle image donne-t-on à nos enfants lorsqu’on soutient des gens qui ont commis des actes délictueux graves ? Cet individu est venu avec des gants plombés sur ces manifestations et a agressé volontairement des policiers”.
La Dépêche et la Nouvelle République des Pyrénées relaient à leur tour l’accusation dans la bouche d’une autre syndicaliste, et écrivent sans conditionnel que les gants de moto coqués et lestés de plomb ont été retrouvés suggérant une préméditation : “Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Unité SGP Police, soulignait quant à elle que Christophe Dettinger avait utilisé des gants de moto coqués sur les phalanges et lestés de plomb. Retrouvés à son domicile lors d’une perquisition menée pendant le week-end, ces accessoires qu’il a utilisés samedi pour passer un gendarme à tabac, mettent à mal la version du boxeur selon laquelle sa violente altercation avec les forces de l’ordre n’était pas préméditée”.
Le 9 janvier, on lit sur France Bleu : “Au moment des faits, ses gants étaient « coqués », c’est-à-dire qu’ils étaient renforcés avec du plomb”. Sur les réseaux sociaux, l’intox sera largement reprise par les “anti-gilets jaunes”. »
Pour la petite histoire, quand on a vu passer le tweet de « Linda Kebbab », on ne l’a pas enregistré, comme on a l’habitude de le faire, car on croyait à un compte... parodique. En voici le contenu :
Christophe Dettinger parle de s’être défendu contre les policiers/gendarmes alors qu’il saute sur le pont pour les attaquer. Même des GJ tentent de l’en dissuader. Qu’il explique aussi les gants coquées au plomb. Peut être se sont elles enfilées sans préméditation sur ses poings.
Pitoyable. En réalité, les gants, qui sont sous scellés, ne sont « ni coqués, ni plombés, ni renforcés ». Christophe y a été à l’ancienne, à l’honnête, directement avec ses mains, contre cinq gendarmes. Quand le service de vérification des infos de Libé, CheckNews, a appelé le journaliste de France 2 qui a propagé la fake news, voici ce que le responsable du service, Olivier Carow, a répondu :
« L’info nous a été donnée par une source normalement fiable. On a décidé de la donner, avant de voir que France Inter avait aussi la même, probablement à partir de la même source. On s’est rendu compte, par la suite, que l’info était fausse ».
La conclusion de l’article de Libé est perfide à souhait :
« Olivier Carow ne croit pourtant pas à une manipulation : “Je suis peut-être naïf mais je n’y crois pas. Je pense que certaines sources parlent peut-être un peu vite. La circulation de l’info s’accélère partout, et cela a des conséquences. Cela doit nous inviter à être plus vigilant pour la suite”.
Il n’y a pas eu de rectificatif à l’antenne de France 2. “On fait des rectifs quand cela a des vraies conséquences, ou bien sûr quand l’intéressé ou ses avocats nous demandent de le faire. Cela n’a pas été le cas”, explique Olivier Carow. À notre connaissance, il n’y a pas eu davantage de correctif sur France Inter, ni aucun des médias ayant relayé la fausse information. »
Selon la loi anti-fake news, qui vient d’entrer en application, et puisque nous sommes en période électorale, n’importe quel citoyen peut saisir en urgence un juge pour faire cesser la diffusion de cette infox ou fake news. En outre le CSA a le pouvoir de faire cesser la diffusion sur le territoire français d’une chaîne de télé étrangère soupçonnée de manipulation. Ah, pardon, c’est pour RT et Sputnik ça, pas pour France 2 et France Inter, ces médias nationaux honnêtes...
Dommage, les sites de France 2, France Inter et francetvinfo auraient pu être fermés provisoirement à titre d’exemple.