Alors que le retrait de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), déployée en Afghanistan sous l’autorité de l’Otan, sera terminé d’ici la fin 2014, les forces de sécurité afghane sont amenées à monter en première ligne et à assurer la sécurité des provinces dont la responsabilité leur a été confiée.
Du coup, ces dernières subissent des pertes humaines qui vont en augmentant. Ainsi, de janvier à avril 2012, elles ont perdu 853 hommes (635 policier et 218 soldats), alors que dans le même temps, les forces de l’Otan ont déploré la mort de 165 militaires, un nombre quasi-stable par rapport aux quatre premiers mois de l’année 2011 (160 tués).
Ainsi, les forces de sécurité afghanes ont 5 fois plus de pertes que l’Otan. Ce ratio était de 2,5 sur la période allant du 1er mars 2011 au 29 février 2012, au cours de laquelle elles ont perdu 1.427 hommes (et 3.678 blessés).
« Cette année, les ennemis de l’Afghanistan ont intensifié leurs attaques contre les forces de sécurité afghanes », a expliqué Sediq Sediqqi, le porte-parole du ministère afghan, le 28 juillet.
Et cela risque de ne pas s’améliorer car le nombre d’attaques pour la période allant d’avril à juin 2012 a augmenté de 11% par rapport à 2011, le mois de juin ayant été le plus violents depuis deux ans.
« Les taliban savent que les troupes étrangères s’en iront sûrement et qu’il ne leur restera ensuite qu’à se battre contre les forces afghanes. Depuis le début de leur offensive d’été, ils les ont prises pour cible, pour les démoraliser et créer la peur afin que personne ne les rejoigne », a confié Waheed Mujda, un analyste, dont les propos ont été rapportés par l’AFP.
Lors d’une intervention au Sénat, le 18 juillet dernier, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a évoqué, au sujet de l’Afghanistan, un « risque de chaos comme au début des années 1990 », avec « le risque du retour des talibans les plus extrémistes qui avaient pris le pouvoir à Kaboul à la faveur de l’anarchie ». Rappelant que « Le retrait des troupes est une nécessité », le chef du Quai d’Orsay en a appelé à « ne pas répéter les erreurs du passé en laissant totalement à lui-même ce pays comme cela avait été le cas après le départ des Soviétiques ».
Dans un rapport concernant le projet de loi autorisant la ratification du traité d’amitié entre la France et l’Afghanistan, le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, le sénateur (PS) Jean-Louis Carrère, craint le « scénario du pire ».
« Tous ceux qui (…) se sont rendus sur le terrain auprès de nos soldats ou à Kaboul pour des entretiens avec les responsables politiques le savent : la tâche sera ardue pour installer définitivement la paix et enclencher durablement le développement » écrit-il.
Et d’ajouter : « Certains analystes redoutent que l’État afghan ne connaisse un affaiblissement de ses institutions suite au départ de la coalition. Dans les visions les plus pessimistes, celles-ci ne fonctionneraient plus que pour servir une élite, au point de ne plus contrôler que certaines villes et axes commerciaux dans le pays, tandis que toutes les zones éloignées, inintéressantes pour le pouvoir central, seraient abandonnées à des baronnies locales, au fur et à mesure que les forces de sécurité s’en retireraient par manque de moyens voire de personnels loyaux. »
Estimant que « la seule voie possible pour démentir ce scénario du pire est celle du développement économique » qui « ne pourra émerger sans le maintien de l’aide internationale », le sénateur Jean-Louis Carrère, qui oublie, dans cette partie de son rapport, la dimension religieuse du conflit afghan si ce n’est qu’il compte sur « l’aphabétisation » pour « lutter contre l’obscurantisme », estime que « la montée en puissance en puissance des forces de sécurité afghanes (…) constitue la réponse » face à l’activisme des insurgés afghans.
Seulement, il va falloir faire vite maintenant pour qu’elles puissent disposer l’ensemble des capacités nécessaires à leurs missions. Dans un entretien accordé aux Dernières Nouvelles d’Alsace, le chef d’état-major de l’ISAF, le général français Olivier de Bavinchove trouvait « hétérogène » la « valeur » de l’armée afghane. « C’est une armée très jeune mais qui aura été engagée très vite au combat. Son niveau d’entraînement n’est pas encore suffisant mais le côté opérationnel est acquis puisqu’il a fallu aller au feu de suite » estimait-il.
« Nous devons trouver un équilibre entre la poursuite des actions indispensables à la sécurité du pays et que l’ISAF est encore seule à pouvoir effectuer, comme l’appui aérien, et le transfert vers l’ANSF. Les Afghans sont encore dans une tentation naturelle de faire appel à la coalition car une habitude d’assistanat s’est instaurée » avait-il également expliqué.