Les titres de la presse française au moment de la rentrée scolaire font bondir les personnes sensées. On apprend que les enseignants prennent des assurances pour rembourser les dégâts liés à des passages à tabac en classe par des parents ou par des élèves et que cela devient une procédure tout à fait normale !
« Il faut savoir que le métier d’enseignant est un métier un risque » dit même un représentant syndicaliste du milieu éducatif à la télévision ! On croit rêver .
Mais que se passe-t-il en France ? A peine la rentrée scolaire commencée deux enseignants se font tabasser l’un à Bordeaux par un élève et l’autre à Poitiers par une maman. Ce contrat d’assurance légitime la violence, voire le droit de frapper un enseignant. Pour les médias l’augmentation des enseignants qui souscrivent un tel contrat d’assurance est une chose normale... et une solution adéquate à la montée de la violence en classe.
Joint par téléphone, alors que je me fais passer pour un enseignant pour les besoins de mon enquête sur les conditions de ce métier, un assureur, d’une voix « souriante », me vante les mérites de l’assurance pour rembourser les frais d’hospitalisation, d’impossibilité de travailler, de remplacement des dents, les coûts pour refaire le visage, la prise en charge d’un psychologue ou d’un psychiatre comme les frais de procédure au pénal pour se défendre devant un tribunal face à des accusations mensongères, d’agressions morales et autres pressions morales ou physiques. Je n’en crois pas mes oreilles de voir que toute cette violence dans la sphère scolaire est devenue si normale dans le pays et si rentable.
L’assureur reste souriant au téléphone alors que je lui présente mes craintes de me faire tabasser en classe. J’évoque le cas d’une collègue qui a pris en pleine tête une chaise de la part d’un élève comme ce fut le cas récemment. L’assureur tend l’oreille et semble intéressé par ces faits de société qui vont l’enrichir. De mon côté, je ne sais plus quoi penser tant la situation du pays est devenue grotesque. L’assureur propose plusieurs assurances dans ce domaine même si il assure que cela ne touche pas seulement à la sphère professionnelle : Assurance pour les accidents corporels de la vie courante ; ou une assurance multirisque professionnelle avec l’option « offre Métiers de l’Éducation : contre tous les risques de votre métier... »
Inquiet de cet état des lieux, je demande au hasard l’avis de deux syndicats, histoire de voir ce que les professionnels du métier pensent de la situation et de cette nouvelle mode qui consiste à prendre une assurance pour être indemnisé en cas de violences à l’école.
Le syndicat de l’Unsa dit « je n’ai entendu de ça que dans la presse. Je ne suis pas concerné par ces violences. Il existe depuis longtemps l’assurance appelée l’Autonome de Solidarité Laïque qui prend en compte les frais en cas de violences ou plutôt en cas d’accident du travail. » Seulement ces « accidents du travail » doivent avoir lieu sur le lieu du travail,donc pas en dehors de l’école... « Pour nous le contrat d’assurance évoqué dans les médias pour les cas de violences ne fait référence à aucune réalité. »
Pour l’attaché de presse du Snalc, Emmanuel Protin, l’Unsa est dans le déni de la réalité car « la violence augmente à l’école et ce n’est pas d’aujourd’hui », tout en se demandant pour quelle raison les journalistes s’intéressent à ce sujet maintenant alors que c’est un sujet quotidien depuis plusieurs années et en dénonçant le manque de connaissance des journalistes de la réalité du terrain : « Beaucoup de journalistes qui se disent spécialistes de l’éducation ni connaissent strictement rien. Avec le Snalc nous proposons une assurance complémentaire depuis 10 ans car nous avons des doutes sur l’efficacité sur l’Autonome de Solidarité Laïque. J’ai le cas d’une collègue qui a été poursuivie jusqu’à son domicile par des parents et l’Autonome de Sécurité Laïque a carrément dit qu’il ne pouvait rien faire. Depuis ce temps, cette collègue a quitté l’enseignement. On a de plus en plus, depuis 30 ans ou 40 ans une dégradation. L’administration est sensée nous protéger. On constate qu’elle ne le fait pas et qu’en plus elle nous enfonce. C’est pour cette raison que ces contrats d’assurance sont apparus ».
La future loi d’orientation qui sera proposée par Vincent Peillon est attendue, avec impatience, par le corps éducatif comme la dernière croisade salvatrice qui changera la situation en refondant l’école de la République car « tout va tellement mal dans l’éducation où la réalité dépasse la fiction ! ». « Les enseignants attendent cette fois un soutien fort de la part de l’État. Et pour nous il ne serait pas acceptable que l’État laisse les enseignants soit toujours dans ces situations de menaces » termine Albert Jean Mougin, le vice-président du Snalc.