Le Nobel de la Paix Barack Obama y met le paquet, mais ni lui ni n’importe quel autre président des États-Unis ne peut promettre la défaite totale de la terreur, car « nous ne serons jamais en mesure d’extirper le mal niché chez certains êtres humains ». Il l’annonce dans le discours sur la « stratégie contre-terrorisme » [1]
Malgré les défaites subies par Al Qaeda et par ses affiliés, « la menace est aujourd’hui plus répandue », du Yémen à l’Irak, de la Somalie à l’Afrique du Nord, et dans des pays comme la Libye et la Syrie « les extrémistes ont pris pied » à la suite des « agitations dans le monde arabe » (et non pas des guerres déclenchées par les USA et par l’Otan). La lutte du Bien contre le Mal continue donc, sous la conduite éclairée du président, en redéfinissant cependant la stratégie : de « guerre illimitée à la terreur » elle se transforme en une série (de fait illimitée) d’ « actions létales ciblées » avec l’objectif de « démanteler des réseaux spécifiques d’extrémistes violents qui menacent l’Amérique » (les États-Unis, NdT).
Dans ces actions seront de plus en plus utilisés les drones téléguidés, dont l’utilisation est « légale » selon le droit états-unien et international, étant donné que les États-Unis mènent une « guerre juste et d’autodéfense ». L’utilisation des drones contribue à « sauver des vies humaines », car les avions et missiles sont moins précis et peuvent provoquer un nombre plus important de victimes. Dorénavant, cependant, les « actions létales ciblées » menées par des drones et des forces spéciales « en dehors des zones de guerre » seront soumises à une « forte supervision ». Mais, précise Obama, « nous devons tenir l’information secrète ». Personne ne pourra donc savoir quelle sera l’utilisation effective des drones et forces spéciales.
La « forte supervision » annoncée par Obama a en réalité l’objectif de déplacer le contrôle des « actions létales ciblées » de la CIA au Pentagone. En plus d’une décennie de « guerre à la terreur » c’est surtout la CIA qui a conduit ces actions de drones et d’agents secrets non seulement en Afghanistan et en Irak, mais aussi au Yémen, en Somalie et dans de nombreux autres pays non en guerre officiellement. Mais de cette façon la CIA a pris trop de place, piétinant les plates-bandes du Pentagone. Le Commandement conjoint pour les opérations spéciales du Pentagone, qui effectue des actions parallèles à celles de la CIA, veut à présent le contrôle de toutes les opérations des drones auxquelles contribuera la CIA en indiquant les cibles, humaines et matérielles, à atteindre. Le déplacement du contrôle aux mains du Pentagone fonctionne aussi pour la potentialisation de l’armée de drones, avec l’objectif de passer des drones télécommandés à ceux complètement robotisés.
Le 22 mai, la veille du discours d’Obama, la firme Northrop Grumman a effectué le premier vol du MQ-4C Triton, qu’elle est en train de construire pour la US Navy : le drone, avec une envergure de 40 mètres (plus grande que celle de l’avion de ligne Boeing 737), peut voler sans réapprovisionnement plus de 30 heures sur 18 000 km, en repérant automatiquement grâce à ses senseurs les divers types de navires et d’objectifs à toucher. La marine états-unienne en a commandé 68, dont une part sera sûrement déployée à Sigonella ou dans une autre base en Italie.
Cette même Northrop Grumman, six jours avant le discours d’Obama, a commencé sur le porte-avions George H.W. Bush les manœuvres « touch and go » (appontage et décollage immédiat) du X-47B : un drone robot « intelligent » (aussi grand qu’un chasseur F/A-18 Super Hornet) qui, une fois lancé, va de façon autonome rejoindre et toucher l’objectif et revenir sur le porte-avions.