La Turquie a connu la croissance pendant que ses voisins européens s’enfonçaient dans le marasme, et désormais, elle a acquis une confiance en elle qui a atténué son intérêt pour une adhésion à l’Union Européenne, affirme Der Spiegel.
La Gazette Famagusta rapporte les résultats d’un récent sondage, organisé par TAVAK, une fondation germano-turque pour l’Education et la Recherche Scientifique, qui indique que seulement 17% des Turcs pensent que leur pays adhèrera un jour à l’UE, alors qu’ils étaient encore 34,8% l’année dernière. 76% pensent même que la Turquie ne sera jamais un membre de l’UE, pas même dans une décennie, et 28% ont estimé que la Turquie devrait engager plus de relations avec les BRICS pour compenser un échec de l’adhésion à l’UE.
Pourtant, en 2004, un sondage avait montré que 75% des Turcs souhaitaient que leur pays devienne un membre de l’Union Européenne. Désormais, ils sont moins de 50% à le vouloir. « L’enthousiasme du public pour l’UE a commencé à s’estomper il y a des années », affirme Cengiz Aktar, un chercheur politique d’Istanbul. « La crise de l’euro a renforcé cette tendance ».
A Ankara, le gouvernement évoque encore l’adhésion européenne comme un objectif de long terme, mais refuse que cela soit conditionnel. « Nous pensons toujours que la Turquie devrait rejoindre l’Union Européenne », avait dit le ministre des Finances Mehmet Simsek à la fin de l’année dernière, mais il avait ajouté que rejoindre l’euro ne serait pas une option envisageable, même si la Turquie devait plutôt se placer du côté de l’Allemagne et des pays bien portants de la zone euro plutôt que de ceux des pays du Sud qui connaissent des difficultés.
L’économie turque est en plein essor, avec un taux de croissance de 8,5% l’année dernière. La population du pays est jeune, et elle souhaite consommer. Mais la crise de l’Europe, le plus grand partenaire commercial de la Turquie, se fait tout de même sentir. Plus d’un tiers de ses exportations sont destinées à l’UE, tandis que 80% des investissements étrangers investis dans le pays proviennent de cette zone. Cette année, elle enregistre un ralentissement économique, et pour 2012, sa croissance n’est plus que de 3,2%.
La Turquie n’est pas seulement dépendante de l’Europe pour des raisons économiques. Pour beaucoup dans le pays, l’adhésion à l’UE est le gage de la poursuite des réformes pour apporter des progrès social et politiques. « En Turquie, il reste beaucoup à faire sur le plan des droits de l’homme, du niveau de vie, et de l’éducation », affirme Derya, une institutrice de 42 ans qui souhaite rester anonyme.« C’est seulement en adhérant à l’UE que nous pourrons mener ces réformes ».
Ces dernières années, le parti AKP (parti religieux et conservateur de la Justice et du Développement) du Premier ministre Erdogan a exploité la perspective de l’accession de la Turquie à l’UE pour mener des réformes qui ont permis de démocratiser le pays. Mais depuis plus récemment, les réformes se sont espacées. Des milliers de Kurdes, d’étudiants et plus d’une centaine de journalistes sont toujours derrière les barreaux pour des accusations qui semblent parfois absurdes, rappelle Der Spiegel.