Les États arabes du Golfe sont riches, musulmans, et ils se coupent de leurs frères croyants avec une dureté, qui vire de plus en plus au scandale. Les pays européens accueillent la majorité des migrants arabes de ces régions, et la majorité du continent chrétien ne craint pas ce surplus, car ils respectent leurs principes humanitaires. Face à ces souffrances, les États du Golfe font la sourde oreille, alors que le roi d’Arabie est le grand gardien des lieux saints de l’Islam.
Ils construisent les plus grandes mosquées, les plus grands bâtiments et les plus prestigieux palaces. Pourtant, le flux de réfugiés s’écoule vers le Nord, vers l’Europe, pas vers le Sud, la péninsule arabique. Il y a deux raisons à cela. Pour les uns, les réfugiés ne veulent pas aller vivre dans un pays privé de libertés comme l’Arabie saoudite ; d’autre part, après ce qu’ils ont vécu, ils aspirent à plus de liberté et de sécurité. Pour les autres, ces réfugiés ne sont pas les bienvenus dans le GCC, le Conseil de coopération du Golfe. Depuis le déclenchement de la crise, puis de la guerre en Syrie, il est devenu de plus en plus compliqué pour les Syriens d’obtenir un visa touristique, qui coûte en outre très cher. Si les Syriens avaient pu raconter en arabe, la langue commune, ce qui se passait effectivement en Syrie, ils auraient contaminé politiquement et dans des proportions indésirables la société saoudienne. Au cours des années précédentes, et par-dessus tout en Arabie saoudite et dans les Émirats arabes unis, les permis de séjours pour les travailleurs étrangers syriens n’étaient plus prolongés.
Ceux qui fuient la guerre en Syrie, arrivent en Europe grâce à l’appel d’air de « l’asile ». si jamais des Syriens veulent voyager dans un pays frère, sans visa ils sont refoulés de toutes les frontières, jusqu’en Algérie, au Yémen, en Mauritanie et au Soudan. Ils ne sont pas les bienvenus. Ainsi va la fraternité arabe, ainsi se vit la solidarité islamique. Certes, il y a des exceptions : les Jordaniens et les Libanais ont accueilli des millions de réfugiés. Quand la communauté syrienne au Danemark a mis en ligne sur son Facebook une vidéo sur les réfugiés qui arrivent en Autriche, on a pu lire cette inscription : « Comment avons-nous pu fuir le pays de nos frères musulmans, qui auraient dû montrer plus de solidarité qu’un pays qu’ils décrivent comme incroyant ? » Un autre a écrit : « Je jure par Dieu Tout Puissant, les Arabes sont les incroyants. »
L’occasion se présente désormais pour les pays du Golfe de montrer au monde entier, à quel point ils sont généreux. Au lieu de cela, ils jettent de l’huile sur le feu. Ils bombardent le Yémen, le pays le plus pauvre du monde musulman, et pourtant, les voies d’un règlement politique du conflit existent. 80% des Yéménites devraient bénéficier des aides humanitaires qui n’arrivent dans le pays qu’au compte-gouttes, juste parce que la coalition menée par l’Arabie saoudite verrouille le Yémen de l’extérieur. Le Yémen est avec 27 millions d’habitants le pays le plus peuplé de la péninsule. Ainsi, il n’y a que deux portes de sortie : direction Somalie et Ethiopie, ou direction Nord, vers l’Arabie. C’est la grande peur des Saoudiens, que des millions de Yéménites démunis prennent le chemin de la frontière nord, pour le coup très bien sécurisée.
« Cela ne durera pas beaucoup plus longtemps et comme dit le proverbe : Dieu aide les chiites »
L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis mènent au Yémen une guerre afin d’empêcher le Houthis [ce mouvement sociopolitique soutenu par l’Iran réclame son autonomie, et a pris la capitale et le pouvoir en 2014, déclenchant les foudres saoudiennes, NDLR] chiite de consolider son pouvoir. Simplement, avec leurs bombardements, ils produisent un nombre croissant de candidats au départ. Des Saoudiens qui sont, on le rappelle, coresponsables de l’escalade de la violence en Syrie. L’ex-chef du MI6 britannique Richard Dearlove rapporte les propos de son ancien homologue Bandar Bin Sultan Al Saud, qui lui aurait confié : « Ça ne durera pas beaucoup plus longtemps encore au Proche-Orient, et selon le proverbe , Dieu aide les chiites. Plus d’un milliard de sunnites en ont tout simplement assez de vous. » Bandar a avant tout été destitué parce que son soutien actif aux extrémistes islamistes en Syrie lui a complètement échappé, et a permis in fine de renforcer l’Etat islamique.
Cependant, aujourd’hui l’Arabie saoudite recueille des réfugiés de pays en guerre civile, mais toujours aucun de Syrie. Au lieu de cela, selon le journal libanais Ad-Diyar, les Saoudiens proposent aux réfugiés musulmans qui sont acceptés en Allemagne, la construction de 200 mosquées. Certes, cela doit se faire avec l’accord du gouvernement allemand. Il serait pourtant préférable que l’Arabie saoudite prenne en charge elle-même les réfugiés, et qu’ainsi, elle puisse assumer son rôle de guide de la Oumma, la communauté de tous les musulmans.
(Article traduit de l’allemand et adapté pour E&R)