Une étude française sur le financement d’ONG comme Transparency International et Greenpeace souligne que ces dernières sont les fantassins de la compétition économique. Au service de qui ?
Les débats sur le secret bancaire en Suisse comme sur la transparence de la vie politique en France ont occulté un intéressant rapport sur un sujet connexe : la transparence des Organisations non-gouvernementales (ONG) qui jouent souvent le rôle de « whistleblower » (lanceur d’alerte) sur ces sujets. Publié il y a quelques jours par la fondation Prometheus à Paris, le sixième Baromètre de la transparence des ONG s’intéresse ainsi aux sources de financement des organisations non-gouvernementales et, en particulier, à celles qui exercent le plus d’influence sur la vie économique. C’est, par exemple, le cas de Transparency International, l’ONG qui est à la pointe de la lutte contre la corruption, les paradis fiscaux et l’évasion fiscale.
Selon les conclusions des auteurs, l’existence de Transparency International « doit tout à des fondations (Bill Gates et Soros) et des multinationales anglo-saxonnes (BP, Shell, General Electric, Procter & Gamble) ou encore des institutions gouvernementales (l’Agence américaine pour le développement international – USAID, notoirement proche de la CIA) ». Les auteurs affirment aussi que le chapitre britannique de l’ONG « est financé à près de 60 % par le gouvernement britannique via le Departement of International Developement ».
À partir de ces observations troublantes, la fondation Prometheus dresse cependant des conclusions plus discutables. Selon elle, Transparency International « concentre ses actions judiciaires sur les pays africains avec lesquels la France entretient des relations de proximité, mais s’abstient de ce type de procédure à l’encontre d’autres États du continent, plus proches des Anglo-saxons ». En d’autres termes, l’ONG serait à la solde de Londres et de Washington qui la manipulerait à l’avantage de leurs grandes entreprises.
EADS des deux côtés
À partir de là, il est intéressant de constater que la fondation Prometheus est elle-même exclusivement supportée par neuf grands groupes français souvent issus de secteurs stratégiques à l’instar de Safran, EADS et Thales. Certes, la fondation ne le cache pas. Mais la réalité, c’est que Transparency International ne cache pas non plus ses sources de financement. Son rapport annuel 2012 indique ainsi que Shell lui a effectivement donné 57 000 euros et le groupe minier Rio Tinto 7 000 euros, une somme équivalente à ce que lui avait remis l’entreprise suisse SGS en 2011 (mais pas en 2012).
Cependant, on découvre en parallèle que la fondation d’EADS (l’entreprise aéronautique qui soutient aussi la fondation Prometheus) avait aussi remis 7 000 euros à TI en 2011… Quand aux sources de financement public, certes, en 2012, les bailleurs de fonds américains et anglais représentent environ deux tiers des financements de TI, mais c’est essentiellement parce que les fonds venus des pays d’Europe continentale ont disparu, sauf en ce qui concerne la Belgique, la Suède et la Finlande. Jusque-là, l’origine de ces financements était plus équilibrée.
Ainsi, laisser entendre comme le fait la fondation Prometheus que Transparency International est le poisson pilote d’intérêts économiques anglo-saxons n’apparaît pas démontrable avec ces chiffres. Par contre, cette polémique souligne l’importance stratégique qu’ont prise les ONG. Dans une guerre économique, qui est avant tout une guerre de l’information dans laquelle les classements (de transparence, de corruption etc.) sont devenus de véritables missiles, leur influence est redoutable et redoutée.
À ce titre, la fondation Prometheus a raison de poser la question de savoir d’où vient l’argent, comme celle des méthodes utilisées pour classer pays ou entreprises, surtout si, comme le souligne le directeur de la fondation Prometheus, « la moitié des ONG interrogées refusent encore de communiquer sur ces questions ». Pour autant, la fondation Prometheus, créée par des députés de droite comme de gauche en France, ne devrait pas sous-entendre des collusions d’intérêts sans preuve plus tangible.