Rien ne va plus dans le poker ouvert entre l’Iran et les USA, avec l’Arabie saoudite et le Yémen au milieu. Les Américains ne sont pas en train de perdre la partie mais l’initiative vient de leur échapper avec l’énorme coup yéménite contre l’Aramco saoudien, équivalent à un full au roi par les as.
La preuve, et pour l’instant seulement, le pouvoir hésite à Washington entre l’option dure et l’option molle, l’option dure pouvant mener à un conflit complètement incontrôlable, et l’option molle qui consacrera de fait la victoire politique de l’Iran dans son pré carré. Pendant ce temps, nous dit Le Point, profitant de leur avantage, les Houthis mettent la pression sur les Émirats arabes unis... C’est la totale !
« “Il y a aura une réponse, comme par exemple une cyberattaque ou un déploiement de batteries antimissiles. Mais le bombardement massif qui mettrait les Iraniens à genoux et dont les Saoudiens rêvent n’aura pas lieu”, anticipe un très bon connaisseur du Golfe. “Une riposte massive équivaudrait à un saut dans le vide, ce serait la garantie de déclencher un troisième choc pétrolier, renchérit un consultant, habitué du royaume. MBS est dans une impasse stratégique, il n’a pas les moyens de sa politique”. »
L’Arabie saoudite ne devait faire qu’une bouchée du Yémen et de ses rebelles pieds nus, voilà qu’elle est attaquée sur son sol et sur ce qu’elle a de plus précieux. Rappelons que la coalition arabe (Opération Tempête décisive, lancée le 25 mars 2015) qui mène la guerre contre les Yéménites concerne des pays rameutés par les Saoudiens qui n’ont pas une armée suffisante pour une occupation et encore moins pour une victoire au sol.
Il ne leur reste que les bombardements contre les civils et le blocus économique, soit l’arme de la terreur et de la faim. Cela n’a pas abattu le moral des combattants anti-saoudiens qui annoncent désormais qu’ils peuvent frapper où ils veulent. Les Émirats sont dans le viseur. Voici les déclarations du porte-parole des rebelles, Yahiya Saree, d’après Le Point :
« Nous avons des dizaines de cibles aux Émirats arabes unis, dont Abou Dhabi et Dubaï, et qu’elles peuvent être ciblées à tout moment... Si vous voulez la paix et la sécurité pour vos installations et pour vos tours de verre qui ne peuvent résister à un drone, alors laissez le Yémen tranquille... Au régime émirati, nous disons qu’une seule opération (des Houthis) vous coûtera cher... Vous allez le regretter si vos chefs décident de donner l’ordre à ses forces armées de répondre (aux Houthis) dans les prochains jours ou semaines. »
La conférence de presse avait lieu à Sanaa, la plus grande ville du pays, sous contrôle houthi. Vu le niveau de défense des Saoudiens, chez qui les drones ou les missiles sont passés comme une lettre à la Poste (quand elle n’est pas en grève), les chefs émiratis ont du souci à se faire. Ni eux ni les Saoudiens ne disposent d’armes antiaériennes qui peuvent s’opposer à ces menaces, qui ne sont plus seulement verbales.
À ce propos, les Américains ne semblent pas prêts à engager le fer contre les Iraniens, malgré leurs accusations directes contre le régime de Téhéran.
Le Monde revient sur le ramollissement de la position américaine sous le titre « Attaques en Arabie saoudite : Pompeo prône une “solution pacifique” avec l’Iran ».
« Après avoir dénoncé “un acte de guerre”, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a indiqué, jeudi 19 septembre, à Abou Dhabi, vouloir parvenir à “une solution pacifique” après l’attaque portée contre des installations pétrolières saoudiennes, le 14 septembre, qu’il a imputées à l’Iran. Le chef de la diplomatie américaine alterne la mise en garde et le souci d’apaisement, sans doute l’expression d’une réelle hésitation des États-Unis dans cette affaire. »
La violence des attaques économiques américaines contre l’Iran trouve peut-être dans la nouvelle « exportation » du conflit yéménite dans la sphère d’influence américaine sa traduction inattendue... Après les grands mots, la négociation ?
« La veille, Donald Trump s’était montré lui-même évasif. Interrogé au cours d’un déplacement en Californie, il avait évoqué “de nombreuses options” de riposte. “Il y a beaucoup d’options. Et il y a l’option ultime”, a-t-il précisé. Il avait sèchement renvoyé dans ses buts le sénateur républicain Lindsey Graham (Caroline du Sud), qui avait assuré que l’absence de réaction de Washington serait vue comme une preuve de faiblesse par le régime iranien. »
Les Américains ont attaqué les premiers l’Iran en dénonçant l’accord nucléaire établi entre la République islamique et l’Occident, puis en l’étouffant économiquement. La réponse asymétrique de l’Iran, – si l’Iran est bien derrière les frappes contre les installations pétrolières saoudiennes, toujours être prudent en géopolitique, cette science des peaux d’oignon – n’était pas prévue au programme.
Au fait, quelles sont les options de riposte ?
« Les options évoquées par Donald Trump devaient lui être présentées au cours d’une réunion prévue vendredi [ce 20 septembre 2019]. Selon la presse américaine, l’éventail pourrait comprendre d’éventuelles frappes militaires contre des infrastructures pétrolières iraniennes ou des sites des gardiens de la révolution. Des opérations plus discrètes pourraient être également envisagées, qui n’ouvriraient pas automatiquement la voie à des représailles iraniennes et à une escalade. Pour l’instant, Washington s’est contenté d’annoncer de nouvelles sanctions, mais sans les détailler. »
Les États-Unis se retrouvent donc dans la situation d’avoir provoqué une tension maximale avec l’Iran, et l’Iran a répliqué avec une surtension. C’est comme au poker : les USA ont misé gros, et l’Iran a dit tapis. Un tapis persan qui a l’air de donner un mal de tête à la présidence et au Pentagone...
Du côté saoudien, c’est la consternation : d’abord pour la population qui se croyait à l’abri – mais on n’est jamais à l’abri d’une guerre, à plus forte raison quand on la croit extérieure – une humiliation pour MBS. Le Monde revient sur le court-métrage lancé par l’armée saoudienne en décembre 2017, quid écrivait une victoire rapide sur l’Iran :
« À l’époque, la presse de Riyad avait vanté le “réalisme” de cette vidéo de propagande qui s’ouvrait sur une déclaration particulièrement martiale de Mohammed Ben Salman, le prince héritier saoudien, fils du souverain, surnommé “MBS”. “Nous n’attendrons pas que la guerre atteigne l’Arabie saoudite, nous ferons en sorte que la bataille se déroule en Iran même”, affirmait-il. »
Bien vu, l’aveugle ! Le petit caporal Custer (qui lui n’a jamais été général, juste colonel) de Riyad qui a entraîné son pays en crise économique dans une victoire facile sur les pauvres Yéménites se retrouve avec un énorme problème sur les bras :
« Vingt et un mois plus tard, la réalité a rattrapé la fiction, mais pas dans le sens imaginé par les auteurs du scénario. Le système de défense antiaérien saoudien a été incapable de contrer l’attaque qui s’est abattue, samedi 14 septembre, sur la plus grosse raffinerie du royaume, à Abqaïq, dans l’est du pays, et sur le champ pétrolier adjacent de Khouraïs. Une humiliation terrible pour MBS, chantre du nationalisme saoudien. »
Il y a un an, le 8 octobre 2018, Le Monde présentait MBS comme un réformiste :
MBS se fait actuellement aussi discret que lors du coup d’État probable mais manqué du 21 avril 2018... Il est rentré dans sa tanière et se retrouve, selon les mots d’un journaliste saoudien, « seul devant l’Iran ». De plus, le fidèle allié émirati, qui subit désormais la menace houthie, a quelque peu reculé dans la coalition :
« Outre le peu d’entrain guerrier de Donald Trump, Riyad doit composer avec la prudence croissante des Émirats arabes unis, son fidèle second jusque-là. La fédération, en première ligne face à la puissance chiite, a entrepris, depuis les attaques de tankers survenues dans le Golfe ce printemps, de se distancier de l’axe américano-saoudien et de sa politique de “pression maximale” sur l’Iran. »
Un pays en pleine crise économique (l’Arabie emprunte depuis 2015), un conflit frontalier ingagnable, une réprobation internationale dû à l’embargo yéménite et l’affaire Khashoggi, une production stratégique atteinte, la guerre que l’Arabie saoudite et son dirigeant probablement manipulé ont déclenchée leur revient dans la figure.
World Poker Tour
Ian, avec ses deux rois, envoie 30 000$ en jetons. Avec son troisième roi, une sacrée puissance de feu, il pense rafler la mise tranquillement. Mais Joe, qui n’a même pas une paire (de pompes correctes, comme les Houthis), va le surprendre...