Plusieurs mois après avoir annoncé son retrait, Washington s’est officiellement retiré du traité « Ciel ouvert » qui permet de vérifier la réalité des limitations des armements des pays signataires. Moscou a qualifié cette situation d’« inacceptable ».
Annoncé depuis le 21 mai 2020 par le président américain Donald Trump, le retrait des États-Unis du traité « Ciel ouvert » (« Open Skies » en anglais), qui vise à rendre plus transparentes les restrictions d’armements en permettant des vols d’observation militaire au-dessus des territoires des pays signataires, est devenu effectif et officiel le 22 novembre 2020.
En cause ? « La Russie n’a pas respecté le traité », avait accusé en mai 2020 le locataire de la Maison-Blanche, ajoutant : « Donc tant qu’ils ne le respecteront pas, nous nous retirerons. » Les États-Unis avaient accusé à plusieurs reprises Moscou de violer ce traité, sans toutefois fournir de preuves pouvant étayer ces allégations. Le ministre américain de la Défense Mark Esper avait même assuré début mars 2020 lors d’une audition au Congrès : « Ça fait des années qu’ils trichent ».
Du fait de cette décision, les États-Unis ne pourront plus effectuer de vols d’observations non armés au-dessus du territoire russe ou de celui des autres pays signataires du traité « Ciel ouvert ». Ils ne pourront pas non plus, en théorie, bénéficier des renseignements transmis en vertu de l’accord. Cependant, il est possible que les États-Unis demandent des photographies aériennes de la Russie prises par d’autres membres de l’OTAN, tout en interdisant les vols russes équivalents au-dessus des installations militaires américaines.
Berlin réaffirme son adhésion au traité
Dans un communiqué publié le 22 novembre à la suite du retrait officiel de Washington du traité « Ciel ouvert », le ministère russe des Affaires étrangères a qualifié cette situation d’« inacceptable », ajoutant que Moscou rechercherait « des garanties fermes que les États restant dans le traité rempliront leurs obligations, d’une part, de s’assurer qu’il n’y a pas d’obstacles à l’observation de leur territoire et, d’autre part, de s’assurer que les photographies des vols de reconnaissance ne sont pas transférés vers des pays tiers non signataires de l’accord ».
De son côté, le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas a déclaré dans un communiqué que le traité « Ciel ouvert », dont l’Allemagne est un des pays signataires, est un élément important du contrôle des armements et que Berlin continuera à le respecter malgré le retrait des États-Unis.
Le chef de la diplomatie allemande a ensuite souligné qu’il regrettait la décision prise par l’administration Trump, estimant que le traité « Ciel ouvert » contribuait au renforcement de la confiance et à la promotion de la sécurité dans tout l’hémisphère nord « de Vladivostok à Vancouver ».
Les accusations américaines sont « absolument infondé[es] », selon Moscou
Le traité « Ciel ouvert », discuté dès les années 1950 par les États-Unis et l’URSS mais entré en vigueur en 2002, permet à la trentaine pays signataires – dont le Canada, la Russie et la majeure partie de l’Europe – des accords de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, de se survoler les uns des autres pour vérifier leurs mouvements militaires et l’application de leurs mesures de limitation des armements.
Les accusations américaines invoquées pour justifier ce retrait sont « absolument infondé[es] », selon Vladimir Ermakov, directeur du département de la non-prolifération et de la maîtrise des armements au sein du ministère russe des Affaires étrangères, cité par l’agence TASS. D’après le haut responsable, ce n’est pas la première fois que les États-Unis présentent la Russie comme fautive de quelque violation afin de justifier leur retrait d’accords sur la limitation des armements. « Nous sommes prêts à une coopération d’égal à égal avec les États-Unis. Toutes les questions ont été réglées de manière appropriée dans le cadre du traité [Ciel ouvert] », a-t-il également fait valoir.
Moscou, en outre, voit d’un mauvais œil ce retrait américain : « Le retrait des États-Unis de ce traité signifie non seulement un coup porté aux fondements de la sécurité européenne mais aussi aux instruments de la sécurité militaire existants et aux intérêts essentiels de sécurité des alliés mêmes des États-Unis », avait estimé fin mai 2020 le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexandre Grouchko. « Ce n’est pas un traité bilatéral, mais multilatéral. Et une décision si brusque affectera les intérêts de tous les participants sans exception », avait-il également regretté.
Le retrait du traité « Ciel ouvert » ouvert fait suite au retrait de Washington en 2019 du traité INF, qui interdisait aux États-Unis et à la Russie d’utiliser un certain nombre d’armes hautement destructrices d’une portée comprise entre 500 km et 5500 km. À cette période, Washington avait également accusé la Russie d’avoir violé les conditions du pacte, tandis que Moscou avait fermement nié les allégations. Le nouveau traité START reste désormais le seul accord majeur de non-prolifération entre les deux puissances nucléaires. Cependant, il expire en février et Washington a jusqu’à présent hésité à le prolonger.