Les grands pays émergents des BRICS se sont mis d’accord pour créer la semaine prochaine leur banque de développement, devant concurrencer des institutions économiques internationales qui ne les représentent pas assez, a annoncé mercredi la Russie.
Objectif de longue date, la mise sur pied de la "Nouvelle banque de développement" figure en tête du menu du sommet qui doit réunit les 15 et 16 juillet Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.
Le ministre russe des Finances Anton Silouanov l’a annoncé mercredi : les principaux points de désaccord ayant été réglés, l’acte de naissance de l’établissement, d’une force de frappe potentielle de 100 milliards de dollars et appelé à financer des infrastructures, pourra être paraphé.
"Il faut introduire des amendements aux législations, dont les lois de budget, ratifier les décisions. Cela va prendre du temps et si on y arrive en 2015, nous la lancerons en 2016", a indiqué le ministre, cité par les agences russes.
Le principe de la création de cette banque, mais aussi d’une réserve commune de devises étrangères, avait été acté il y a deux ans. Mais depuis les négociations achoppaient et le sommet de mars 2013 en Afrique du Sud s’était soldé par un échec.
Finalement, a expliqué M. Silouanov, chaque pays apportera deux milliards de dollars d’ici à sept ans, soit un capital de 10 milliards de dollars. Pour masquer cette somme modeste au vu des ambitions de départ, le ministre russe a souligné que la force de frappe potentielle serait de 100 milliards de dollars.
Le siège sera situé soit à Shanghai, soit à New Delhi. Le directeur de l’institution sera nommé pour cinq ans et les décisions devront être approuvées par quatre des cinq pays membres.
Le ministre russe a indiqué que la banque, spécialisée dans les travaux d’infrastructure, serait ouverte à d’autres pays membres de l’ONU mais que la part des cinq pays des Brics devrait rester supérieure à 55%.
Vers un "mini-FMI"
La mise sur pied de ces deux institutions économiques concurrentes de celles de Bretton Woods basées à Washington (Banque mondiale et Fonds monétaire international), répond à la volonté des pays émergents de s’affranchir de la tutelle des occidentaux.
Elle se trouve renforcée par l’impasse dans laquelle se trouve la réforme du FMI. Censée rééquilibrer le fonds en faveur des émergents actuellement très peu représentés au niveau des droits de vote, cette dernière est bloquée au Congrès des États-Unis.
Le fossé économique qui sépare pays riches et émergents s’est élargi l’an dernier avec la diminution du soutien de la banque centrale des Etats-Unis à l’économie américaine. Les flux financiers qui ont suivi ont ébranlé de nombreux marchés émergents, confrontés à une chute de leur monnaie au moment où leur croissance, il y a peu spectaculaire, ralentit.
A ce titre, le "mini-FMI", c’est à dire la réserve de devises que préparent les Brics doit apporter un coussin de protection essentiel contre les fluctuations des marchés avec 100 milliards de dollars : 41 milliards apportés par la Chine, 18 milliards par l’Inde, le Brésil et la Russie et 5 milliards par l’Afrique du Sud.
Seul un "accord cadre" non contraignant doit être signé la semaine prochaine sur ce point, selon M. Silouanov.
Concrétisée, une telle institution "changerait la donne", estime l’économiste Charles Robertson, de la banque d’investissement Renaissance Capital. "Elle donnerait accès à l’Afrique du Sud ou l’Inde à d’énormes réserves de changes et leur permettrait de résister" à une chute de leurs marchés comme celle causée l’an dernier par l’évolution de la politique monétaire américaine.
"Une banque de développement n’a pas autant d’intérêt" car "il existe une grande quantité de banques de ce genre" et que sa taille reste modeste, poursuit-il.
Pour autant, "elle est intéressante parce qu’il s’agit de la première institution multilatérale qui sera probablement basée en Chine", relève l’économiste.
Pour la Russie, le sujet est très symbolique au moment où la crise ukrainienne l’a isolée de la scène internationale : exclue du G8, elle se trouve proche de la récession en raison de la menace de sanctions occidentales contre son économie.
Les autres pays des Brics se sont abstenus lors du vote à l’ONU condamnant le rattachement de la Crimée à la Russie.