Washington pensait avoir comblé l’Inde en reconnaissant son droit de posséder l’arme nucléaire et en promettant de partager des hautes technologies. Mais les Indiens n’ont pas sauté dans les bras des Américains, écrit jeudi le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
Ils ont une nouvelle fois confirmé leur ligne indépendante pendant la crise ukrainienne en déclarant que la Russie avait des intérêts légitimes en Crimée.
Comme le fait remarquer un expert, la politique de l’Inde et de la Russie vis-à-vis de leur voisinage est identique. Les deux puissances ont été fragmentées contre leur gré. C’est la raison pour laquelle New Delhi est compréhensive à l’égard de la politique de Moscou dans l’espace postsoviétique.
L’ambassadrice des États-Unis en Inde Nancy Powell a annoncé sa démission. Comme le souligne l’agence Reuters, il était difficile de choisir un moment plus inopportun pour partir.
Les législatives démarreront en Inde dans une semaine, et leur issue reste imprévisible. En règle générale, les puissances évitent de changer leurs représentants plénipotentiaires à l’étranger durant une période aussi cruciale. Néanmoins, les États-Unis procèdent à ce remaniement.
Par ailleurs, Nancy Powell a déclaré que sa décision n’était pas associée aux complications dans les relations américano-indiennes. La revue Time indique que l’administration de Barack Obama compte sur un "nouveau départ" avec l’Inde si l’opposition arrivait au pouvoir. La presse indienne écrit qu’en nommant un nouvel ambassadeur, les États-Unis espèrent améliorer les relations bilatérales.
Les Indiens avaient considéré comme un outrage le traitement de la vice-consule indienne à New York Devyani Khobragade par les autorités américaines. La police l’avait arrêtée et avait procédé à sa fouille en la forçant à se déshabiller. Le fait est que la vice-consule payait à sa bonne un salaire inférieur à celui indiqué dans le formulaire de visa. New Delhi a alors renvoyé l’ambassadeur américain et privé le personnel de l’ambassade américaine de tous les privilèges dont ils bénéficiaient auparavant en Inde.
Cet événement aurait pu passer pour un incident mineur dans le cadre des problèmes globaux que deux pays se qualifiant de grandes démocraties devraient théoriquement régler conjointement. Cependant, il s’avère que Washington est particulièrement insatisfait par la position de New Delhi sur les questions les plus graves de notre époque.
En premier lieu, la crise ukrainienne. Selon le New York Times, le conseiller du premier ministre indien pour la sécurité nationale Shivshankar Menon a déclaré que la Russie avait des "intérêts légitimes" en Ukraine. Dans ce sens, l’Inde est même allée plus loin que la Chine ou l’Iran, qui ont formellement exprimé leur préoccupation.
L’Inde faisait partie des 58 pays à s’être abstenus lors du vote de la résolution sur l’Ukraine à l’Assemblée générale de l’Onu. Le président russe Vladimir Poutine a qualifié la position de l’Inde de modérée et objective.
Sergueï Lonev, professeur à l’Institut des relations internationales de Moscou (MGIMO), a reproché aux journalistes et aux blogueurs russes de ne pas avoir accordé d’importance à la position de l’Inde. Et ce alors que son approche des événements en Ukraine est logique et bien réfléchie :
"New Delhi soutient traditionnellement la politique de Moscou dans la CEI. En fait, la position de la Russie dans l’espace postsoviétique et de l’Inde en Asie du sud est parfaitement identique. L’Inde, de la même manière que l’Union soviétique, a été fragmentée contre son gré. Les deux puissances sont entourées par des pays de moindre importance qui ont des griefs contre les géants. Après la chute de l’URSS, la Russie avait d’abord hésité, avant de s’engager fermement du côté de l’Inde en 1994."
Voir aussi, sur E&R : Les BRICS condamnent les sanctions contre la Russie