Les médias français continuent imperturbablement, pour l’essentiel, de relayer les mots d’ordres de la diplomatie atlantiste. Après donc avoir appuyé à longueur de colonnes l’envoi d’une mission d’observation de la Ligue arabe, dans l’espoir à peine caché que ses rapports mettraient très vite en accusation le gouvernement de Damas, les mêmes médias « débinent » à présent de toutes les manières possibles la dite mission, brodant sur son inefficacité, le flou de son action (c’est à peu près ce que vient de dire l’ineffable Juppé) voire sa complaisance vis-à-vis du régime.
Un des angles d’attaque le plus tendance est la mise en cause de la personnalité du chef de la mission arabe, le général soudanais Mustafa al-Dabi, accusé à mots peu couverts d’avoir réprimé lui-même des civils au Darfour. Le Darfour, ou Sud-Soudan ayant été – au passage – une des « grandes causes » de la diplomatie américaine, et a servi en partie à légitimer la récente sécession du Sud-Soudan.
Nabil al-Arabi obligé de défendre sa mission
Bref, le général al-Dabi est comme l’écrit rituellement Le Figaro, « très contesté » – toujours par les mêmes. D’autant plus contesté qu’al-Dabi a « aggravé son cas » en jugeant la situation globalement « rassurante » en Syrie, et qu’il vient de reprendre un de ses subordonnés qui avait prétendu voir des snipers à l’oeuvre à Homs. La contestation est même venue de l’intérieur de la Ligue arabe, puisque le président du Parlement arabe, un organisme associé, a carrément demandé le retrait des observateurs arabes.
Du coup, le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, pourtant jusque-là plutôt en symbiose avec les accusations occidentales, s’est cru obligé de voler au secours de son collègue – après tout c’est sous sa responsabilité que la mission d’observation s’est déployée : « C’est, à n’en pas douter, un chef militaire respectable et l’enregistrement (de ses propos) ne comprend rien qui puisse l’incriminer » a dit, lundi 2 janvier, Nabil al-Arabi à propos d’al-Dabi.
Décidément audacieux, le secrétaire général de la Ligue a également reconnu que l’armée syrienne s’était retirée du coeur des villes touchées par des incidents. Tout en déplorant la présence de tireurs et la persistance des tirs, Nabil al-Arabi pousse l’honnêteté, et donc l’audace, jusqu’à reconnaître que le gouvernement syrien n’est pas forcément responsable de cet état de fait : « Il y a des échanges de coups de feu en plusieurs endroits, ce qui rend difficile de dire qui tire sur qui« .
Cette honnêteté est très mal vue en Occident par les temps qui courent et Alain Juppé – véritablement devenu (ivresse des cimes ?) un extrémiste atlantiste – faisait encore bruyamment part de ses « doutes« , mardi matin 3 janvier, sur la fiabilité de la mission arabe, qu’il avait pourtant, comme bien d’autres, réclamée à cors et à cris.
Les chacals aboient mais la mission se poursuit, et même s’étend avec l’arrivée jeudi de renforts. Au total, on parle de 300 observateurs en Syrie – ils sont pour l’heure une soixantaine. Un premier rapport de la mission pourrait être publié ces jours-ci : il est d’ores et déjà très attendu, et même guetté par toutes les parties, pour des raisons évidemment opposées. En tout cas, si jamais celui-ci est équilibré, relativement objectif, parions que ce sera au tour de Nabil al-Arabi et de l’organisation qu’il dirige de se retrouver « très contestés », dans les colonnes du Figaro et dans les couloirs du Quai d’Orsay !