Quelques jours avant de quitter ses fonctions de secrétaire à la Défense, Robert Gates avait vivement critiqué les réductions des dépenses militaires des pays européens membres de l’Otan, ainsi que leur manque de volonté politique en matière de défense.
« Il est devenu douloureusement évident que des lacunes – en capacité et en volonté – ont le potentiel de compromettre la capacité de l’Alliance à mener une campagne intégrée, efficace et durable dans les airs et sur mer » avait-il alors affirmé, devant le centre de réflexion Security and Defense Agenda, à Bruxelles, en juin dernier.
Et d’avertir que faute d’investir dans « des moyens de soutien cruciaux comme des hélicoptères, des avions de transport, des unités de maintenance, de renseignement, de surveillance et de renseignement », l’Otan ne serait plus militairement crédible. D’où l’appel de Robert Gates aux Etats membres « d’examiner de nouvelles approches pour améliorer leurs capacités de combat ».
Depuis, le chef du Pentagone a changé, avec la nomination de Leon Panetta à la place de Robert Gates. Et le ton aussi. En revanche, le fond du discours est resté quasiment le même. Ainsi, pour sa première visite sur le Vieux Continent en qualité de secrétaire à la Défense, cet ancien directeur de la CIA a appelé les pays européens à maintenir leur garde car les coupes budgétaires qui vont affecter le Pentagone au cours des dix prochaines années – d’un montant minimum de 450 milliards de dollars – vont avoir un impact sur le financement des opérations de l’Alliance atlantique.
Prenant l’exemple de l’opération Unified Protector, Leon Panetta a estimé qu’elle « marquait un nouveau chapitre pour l’Otan ». « Il y a eu un plus grand partage des tâches entre les Etats-Unis et l’Europe (ndlr, sans oublier le Canada, systématiquement occulté…) que pr le passé, en particulier pour une opération menée hors des rives européennes » a-t-il affirmé lors d’une intervention devant le centre Carnegie.
Mais le patron du Pentagone a dans le même temps souligné les lacunes en matière de renseignement, de logistique et de munitions des pays engagés, lesquelles n’ont pu être comblées que par un apport américain. « C’est grâce à l’appui apporté dans ces domaines par les forces américaines que la mission a pu être menée à bien », a-t-il affirmé.
Cela va quelque peu à contre-courant des propos tenus par le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, dans les colonnes du quotidien La Croix (édition du 28 septembre). « Si nous avions dû le faire, nous aurions pu agir sans le concours des Etats-Unis, mais cela aurait été un autre schéma et sans doute une autre durée et une moindre rapidité de montée en puissance » avait-il estimé à propos de l’intevention en Libye.
Reste qu’en raison de la baisse programmée de leurs dépenses militaires, qui pourrait être encore plus forte que prévue si la commission bipartite du Congrès n’arrive pas à se mettre d’accord sur les coupes budgétaires à faire afin de diminuer leur endettement, les Etats-Unis seront contraints de revoir leur politique de défense.
« Certains croient que le budget du Pentagone est tellement important qu’il peut absorber les chocs et combler les lacunes de l’Alliance, mais ne faites pas cette erreur. Nous sommes confrontés à de lourdes coupes qui vont avoir de réelles implications sur les capacités de l’Alliance » a ainsi mis en garde Leon Panetta.
Cependant, selon ce dernier, les économies de 450 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie sont « lourdes mais gérables ». Mais cela n’empêche pas, pour Leon Panetta, la recherche d’une solution qui passerait notamment pas la mutualisation des moyens au sein de l’Otan pour réduire les coûts et gagner en efficacité.
Cette position rejoint celle exprimée par le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Anders Fogh Rasmussen, qui, au moment d’ouvrir la réunion ministérielle des Etats membres, a plaidé en faveur « d’un meilleur rendement pour l’argent que nous dépensons pour la défence ». Il faut donc trouver des « solutions multinationales pour l’acquisition (de moyens) mais aussi dans la logistique et la formation ».
« Nous ne pouvons nous permettre que des pays décident de réduire leurs forces en catimini, laissant les voisins et les alliés dans l’ignorance », a encore déclaré le secrétaire américain à la Défense. « La sécurité au XXIème siècle ne peut pas être assurée si chaque pays marche au rythme de son propre tambour », a-t-il ajouté.