Derrière cette – en apparence – immense opération anti-islamiste en France, se cache évidemment une bonne dose d’effet d’annonce. Le Monde explique d’abord pourquoi cette mosquée a été fermée...
Gérald Darmanin a demandé au préfet de Seine-Saint-Denis, lundi en fin de journée, de fermer ce lieu de culte, coupable d’avoir relayé sur son site une vidéo de Brahim C., le parent d’élève qui s’en était pris à Samuel Paty pour la diffusion d’une caricature du prophète Mahomet lors d’un cours d’enseignement moral et civique.
La suite montre qu’il s’agit d’un coup de com’ de l’Élysée, rappelant les promesses de Sarkozy qui voulait « nettoyer au Kärcher la cité » ou de Pasqua qui voulait « terroriser les terroristes » :
Cette sanction à l’encontre d’une importante mosquée vient compléter l’arsenal de mesures dégainé lundi par le gouvernement. Dimanche, Emmanuel Macron avait demandé à ses ministres une réponse ferme pour que la peur « change de camp ». Le ministère de l’Intérieur a donc composé sa riposte dans la précipitation, à coups d’interdictions symboliques de lieux ou d’associations, d’expulsions d’étrangers inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, et de perquisitions réalisées chez des personnes surveillées par les services de renseignement.
Pas une minute de répit pour les ennemis de la République.
+ de 80 enquêtes ouvertes pour haine en ligne suite à l’attentat de vendredi.
51 structures associatives verront toute la semaine des visites des services de l’Etat et plusieurs d’entres elles seront dissoutes. pic.twitter.com/r7F8UOTHJH— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) October 19, 2020
Bref, un coup de pied bien médiatique dans une fourmilière déjà sous contrôle (et dont parfois le renseignement perd le contrôle, mais c’est une autre histoire). Comme l’écrit Le Monde, très justement, Darmanin a voulu « faire passer un message » avec un mélange de mesurettes douteux. Car l’ensemble est juridiquement branlant :
La Place Beauvau cherchait avant tout l’effet d’annonce, en mélangeant les mesures administratives de toutes sortes. Au risque d’obtenir un cocktail à l’arrière-goût d’impréparation. Les dissolutions d’associations reposent sur des bases juridiques très incertaines, les expulsions d’étrangers avaient en réalité été déjà annoncées et les perquisitions, qui n’avaient aucun lien avec l’enquête en cours, n’ont débouché que sur une seule interpellation.
Le Monde rappelle que la liberté d’association (loi de 1901) est très protégée en France. Cependant, il y a un article qui permet d’interpréter les faits de manière commode pour le pouvoir :
Pour ce qui est du fond, l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure énonce limitativement les motifs pour lesquels une association peut être dissoute. Parmi eux figurent la provocation « à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » ou la propagation « des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ». Peuvent aussi être visées celles qui se livrent « à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme ».
Les prochains jours seront donc très importants pour savoir si une association, par exemple à caractère religieux (mais pas forcément), peut être dissoute par la seule volonté du politique.
Pour en revenir à l’affaire de la mosquée de Pantin, c’est le recteur en personne, joint par l’AFP, et repris par Sputnik, qui réagit à la fermeture de son lieu de culte.
En commentant la fermeture de la grande mosquée de Pantin mise en cause, le responsable M’hammed Henniche a affirmé cette nuit à l’AFP que [...] selon lui, « c’est peut-être un geste d’apaisement par rapport à la tension générale ».
« Il y a une certaine tension donc l’exécutif est dans une position où il faut qu’il fasse des gestes forts, c’est un geste pour absorber l’émotion, pour réagir », a déclaré M’hammed Henniche, regrettant que « la fachosphère ait pris une dimension telle que l’exécutif est obligé de suivre. [...] On est entrés dans un engrenage, où on n’est plus dans la modération. On est partis dans quelque chose qui dépasse tout le monde ».
Darmanin persiste et signe, en ajoutant un poids dans le dossier du recteur :
« Son dirigeant a relayé le message qui consistait à dire que ce professeur devait être intimidé, en relayant d’ailleurs l’adresse du collège ». [...] Le ministre a rappelé par ailleurs que cet imam avait ses enfants « scolarisés » dans une école clandestine fermée début octobre à Bobigny.
Le ministre sarkozyste, qui tient à son image d’intransigeant devant l’islam radical, ou considéré comme tel (il y a d’autres radicalismes qui ne sont pas inquiétés), rappelle que « depuis 2017, 356 lieux de radicalisation ont été fermés en France ». On rappelle de notre côté que pour surveiller les candidats à la radicalisation ou au djihad, il est important de conserver quelques mosquées aux prêcheurs radicaux, qui sont étroitement surveillés par la DGSI, et qui parfois travaillent avec elle...