Voici le plan de déconfinement présenté aujourd’hui à l’Assemblée nationale par le Premier ministre Édouard Philippe et voté dans la soirée par 368 voix contre 100, et 103 abstentions.
700 000 tests par semaine, port du masque obligatoire, réouverture des crèches et écoles, télétravail prolongé ou encore des rassemblements « limités à 10 personnes » : Édouard Philippe a annoncé sa stratégie de déconfinement face à la pandémie.
Neuf jours après avoir annoncé les grands « principes [...] retenus pour préparer le plan » de déconfinement, le Premier ministre Édouard Philippe a détaillé ce 28 avril dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale la stratégie retenue par le gouvernement en vue du déconfinement, qui débutera à partir du 11 mai, dans un contexte de pandémie de Covid-19. Non sans laisser quelques zones d’ombre.
« Voilà donc le moment où nous devons dire à la France comment notre vie va reprendre », a déclaré Édouard Philippe en ouverture de son discours, devant les 75 députés représentatifs du panel politique, choisis par leurs partis, pouvant assister à cette séance. « Jamais le pays n’avait été confiné comme il l’est aujourd’hui et de toute évidence il ne peut l’être durablement », a-t-il ajouté, soulignant les « effets délétères » que son prolongement pourrait engendrer.
Le Premier ministre a dévoilé que le plan de déconfinement national était fondé sur trois principes : « Vivre avec le virus, agir progressivement, adapter localement ». Avant de préciser que sur cette base, un « travail de concertation et d’adaptation du plan aux réalités de terrain » serait mis en place avec « les associations d’élus locaux, les préfets et les partenaires sociaux » les 29 et 30 avril.
En effet, la fin du confinement sera différenciée entre départements « verts », où elle sera appliquée largement, et « rouges », où elle prendra une forme plus stricte. Pour cela, trois critères seront étudiés le 7 mai pour déterminer dans quel département « la circulation du virus reste active », « les capacités hospitalières en réanimation restent tendues » et « le système local de tests et de détection des cas contacts n’est pas suffisamment prêt », a expliqué Édouard Philippe lors de son allocution.
Dépistage massif, traçage et isolement des individus contaminés
Le Premier ministre a réaffirmé son objectif de disposer de 700 000 tests par semaine à partir du 11 mai.
Dès qu’une personne aura été testée positive, « nous engagerons un travail d’identification et le test de tous ceux, symptomatiques ou non, qui auront eu un contact rapproché avec elle », a insisté le chef du gouvernement, précisant que les tests seraient remboursés à 100 % par la sécurité sociale.
Ce traçage sera fait dans la cellule familiale grâce aux infirmiers et médecins de ville, mais à une plus large échelle, en attendant l’éventuel déploiement de l’application numérique StopCovid, pour lequel « le débat est prématuré ». Ce traçage reposera sur des humains.
Une fois identifiées, les personnes contaminées devront s’isoler. « Nous laisserons le choix à la personne testée positive de s’isoler chez elle, ce qui entraînera le confinement de tout le foyer pendant 14 jours, ou bien de s’isoler dans un lieu mis à sa disposition, notamment dans des hôtels réquisitionnés », a souligné le locataire de Matignon, qui a dit compter sur les acteurs locaux (préfets, collectivités territoriales...) pour accompagner ces personnes. Et d’ajouter : « Nous prévoirons des dispositifs de contrôle, s’ils devaient être nécessaires, mais notre objectif est de nous reposer largement sur le civisme de chacun. »
En outre, Édouard Philippe demande aux personnes âgées « de continuer à se protéger. Il faut qu’ils respectent des règles similaires à la période de confinement, [...] en limitant leurs contacts, et donc leurs sorties », leur demandant « de la patience ». « En vous protégeant, vous protégez le système hospitalier », a-t-il ajouté.
Le port du masque requis « dans de nombreuses circonstances »
Lors de son allocution du 19 avril, Édouard Philippe prévoyait la « production d’environ 17 millions de masques par semaine » (contre huit millions la semaine passée), notamment par la filière de l’industrie textile.
Cette fois-ci, le Premier ministre a assuré lors de son allocution à l’Assemblée nationale qu’il y aurait « assez de masques dans le pays pour faire face aux besoins à partir du 11 mai », au moment de la levée progressive du confinement, expliquant qu’il était « préférable » d’en porter dans « de nombreuses circonstances ».
Selon Édouard Philippe, les scientifiques ont « évolué » et « disent aujourd’hui [...] qu’il est préférable, dans de nombreuses circonstances, de porter un masque plutôt que de ne pas en porter. »
Concernant l’approvisionnement de la population, le chef du gouvernement a invité les entreprises « à veiller à équiper leurs salariés » et les particuliers « à se confectionner eux-mêmes des masques », en utilisant les « guides pratiques de confection » diffusés. « C’est une condition de la reprise », a-t-il insisté, en précisant que les régions et l’État « [mettraient] en place un appui aux TPE et aux travailleurs indépendants » dans ce domaine. Par ailleurs, l’État prendra en charge « 50 % du coût des masques » grand public achetés par les collectivités locales.
Le port d’un masque sera notamment obligatoire dans les transports publics et pour les professionnels de la petite enfance, ainsi que pour les élèves à partir du collège. Pour ces derniers, il en sera fourni à ceux « qui n’auraient pas réussi à s’en procurer ». Les masques seront en revanche « prohibés » pour les enfants de moins de trois ans et ceux de maternelle, et ne sont « pas recommandés » à l’école primaire.
Réouverture progressive des crèches, écoles, collèges et lycées
Les crèches rouvriront à partir du 11 mai dans le cadre du déconfinement progressif, dans la limite de dix enfants maximum par espace et avec port du masque obligatoire pour les professionnels de la petite enfance. Une « réduction des capacités » qui pose « la question des priorités d’accueil », a soulevé le chef du gouvernement, demandant aux gestionnaires de privilégier les couples d’actifs qui ne peuvent pas télétravailler et les familles monoparentales. « Les enfants des soignants et des professeurs devront également être prioritaires », a-t-il ajouté.
Édouard Philippe « propose une réouverture très progressive des maternelles et de l’école élémentaire à compter du 11 mai, partout sur le territoire, et sur la base du volontariat ».
Les collèges pourront rouvrir « à compter du 18 mai, en commençant par les départements où la circulation du virus est faible » ainsi que « par les classes de 6e et de 5e », a annoncé le Premier ministre.
« Nous déciderons fin mai si nous pouvons rouvrir les lycées, en commençant par les lycées professionnels, début juin », a ensuite déclaré le chef du gouvernement, alors que les élèves passant un bac général, technologique et professionnel seront évalués cette année uniquement via le contrôle continu, en raison de la pandémie de Covid-19. Dans tous les établissements, les réouvertures se feront sous des conditions strictes : pas plus de 15 élèves par classe.
Télétravail prolongé et « horaires décalés dans l’entreprise »
Le Premier ministre a demandé « avec insistance » aux entreprises de maintenir le télétravail « partout où c’est possible, au moins dans les trois prochaines semaines », afin de limiter l’affluence dans les transports et sur les lieux de travail. « Personne n’en ignore les contraintes mais celui-ci doit se poursuivre pour limiter le recours aux transports publics et pour limiter plus globalement les contacts », a plaidé Édouard Philippe. Sur le télétravail, il n’y a pas « un avant et un après 11 mai », a-t-il affirmé.
Dans les cas où le télétravail n’est pas possible, le Premier ministre a encouragé « la pratique des horaires décalés dans l’entreprise ». « Elle étalera les flux de salariés dans les transports et diminuera la présence simultanée des salariés dans un même espace de travail », a-t-il souligné.
Enfin, « le dispositif d’activité partielle, qui est un des plus généreux d’Europe, restera en place jusqu’au 1er juin », a annoncé le chef du gouvernement.
Réouverture des magasins et commerces, à l’exception des restaurants et cafés
Hormis les cafés et restaurants, tous les magasins, marchés de plein air et halles couvertes pourront rouvrir à partir du 11 mai à condition d’être en mesure de faire respecter les mesures de protection sanitaire, selon Édouard Philippe.
Les commerces non essentiels pourront également à nouveau accueillir du public. Toutefois, « chacun d’entre eux devra respecter un cahier des charges strict, limitant le nombre de personnes présentes en même temps dans le magasin et organisant les flux, afin de faire respecter la règle de la distance minimale d’un mètre par personne sans contact autour d’elle », a-t-il précisé. Et d’ajouter : « Le port du masque grand public est recommandé pour les personnels et les clients lorsque les mesures de distanciation physique ne peuvent être garanties ». De plus, les commerçants pourront interdire l’accès à leur magasin aux personnes dépourvues de masque.
Autre exception : les activités des grands centres commerciaux ne pourront pas toutes reprendre. « L’ouverture des commerces comprendra une exception pour les centres commerciaux qui ont une zone de chalandise qui va au-delà du bassin de vie et donc qui génère des déplacements et des contacts que nous ne voulons pas encourager », a détaillé le chef du gouvernement.
Des rassemblements « limités à 10 personnes »
« Les rassemblements organisés sur la voie publique ou dans des lieux privés seront limités à 10 personnes », à partir du 11 mai pour le début du déconfinement progressif, a annoncé le Premier ministre dans l’hémicycle. Et de poursuivre : « D’une façon générale, il nous faut éviter les rassemblements qui sont autant d’occasions de propagation du virus. [...] En attendant des jours meilleurs, les mairies continueront à proposer, sauf urgence, le report des mariages. »
« Les cérémonies funéraires resteront évidemment autorisées » après le 11 mai, mais « comme aujourd’hui dans la limite de 20 personnes », a indiqué Édouard Philippe. « Les cimetières seront à nouveau ouverts au public dès le 11 mai », a-t-il poursuivi.
Les grands musées, les cinémas, les salles de concert et les théâtres resteront fermés après le 11 mai et tout événement de plus de 5000 participants est interdit jusqu’en septembre, selon le chef du gouvernement.
Seule note positive dans ce sombre tableau pour le monde la culture : les médiathèques, bibliothèques et petits musées pourront rouvrir leurs portes dès le 11 mai « parce qu’ils peuvent fonctionner plus facilement en respectant les règles sanitaires », a précisé le Premier ministre.
Enfin, Édouard Philippe a annoncé que les cérémonies religieuses ne pourront pas se dérouler « avant le 2 juin ». Et de préciser : « Les lieux de culte pourront continuer à rester ouverts. Mais je crois qu’il est légitime de [...] demander de ne pas organiser de cérémonies avant le 2 juin ».
Possibilité de se déplacer sans attestation à moins de 100 km du domicile
Le Premier ministre a annoncé qu’il serait possible de circuler sans attestation à partir du 11 mai, sauf « pour les déplacements à plus de 100 km du domicile, qui ne seront possibles que pour un motif impérieux, familial ou professionnel ».
Les déplacements interdépartementaux ou interrégionaux seront également réduits « aux seuls motifs professionnels ou familiaux impérieux, pour des raisons évidentes de limitation de la circulation du virus », à la fin de la période de confinement le 11 mai, a-t-il déclaré.
Toutefois, Édouard Philippe a averti que « si les indicateurs [n’étaient] pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai » ou alors « nous le ferons plus strictement ». C’est pourquoi il a ensuite appelé chacun au « civisme » pour la réussite du déconfinement. « Un peu trop d’insouciance et c’est l’épidémie qui repart. Un peu trop de prudence et c’est l’ensemble du pays qui s’enfonce », a-t-il également affirmé, en résumant : « C’est une ligne de crête délicate qu’il faut suivre ». Un déconfinement qui s’annonce encore pour le moins incertain.