Lutte acharnée contre le terrorisme, succès de la politique de déradicalisation des djihadistes, féminisation de la société, accueil croissant du nombre de réfugiés... C’est une véritable opération séduction qu’ont mené plusieurs officiels saoudiens lundi 23 mai au Sénat à l’occasion d’un colloque positivement intitulé : « Nouveaux visages de l’Arabie saoudite ».
Diplomates, politiques, économistes, généraux : les dignitaires wahhabites n’ont pas lésiné pour vanter les mérites d’un pays « en mutation » comme l’a souligné l’ambassadeur du royaume en France, Khalid al Ankary. « L’Arabie saoudite véhicule beaucoup d’idées reçues, il nous revient de les combattre », a-t-il également appuyé.
Depuis plusieurs mois Riyad multiplie les opérations de communication dans l’Hexagone pour améliorer une image sulfureuse. Les critiques visant le régime wahhabite se sont en effet multipliées depuis les attentats de Charlie Hebdo. Des accusations de financement d’organisations terroristes comme l’État islamique ou le front al-Nosra (la branche syrienne d’Al-Qaïda), ou plus récemment à la remise de la légion d’honneur par François Hollande au prince héritier Mohammed ben Nayef, le 4 mars, en passant par l’exécution par Riyad du cheikh chiite Nimr al-Nimr en janvier dernier, les polémiques ont été nombreuses.
« Les dirigeants saoudiens voient depuis les attentats de janvier que leur pays est l’objet de critiques récurrentes en France, ils veulent changer cela », estime un diplomate français. L’accord sur le nucléaire iranien qui les inquiète beaucoup a aussi renforcé cette volonté d’être mieux compris donc mieux entendu. Un avis partagé par l’ex-général de l’armée de l’air, Philippe Gunet, reconverti analyste du Moyen-Orient et des questions de Défense. « La diplomatie saoudienne a toujours été discrète, mais depuis quelques mois elle est plus ostentatoire », abonde-t-il.
- François Hollande et le roi Salmane le 5 mai 2015 à Ryad
Quatre agences de communication sollicitées
La nomination en février 2015, après un an de vacance du poste, de l’ambassadeur Khalid al Ankary, ancien ministre de l’Enseignement supérieur, a été le point de départ de cette stratégie de communication plus offensive. Un compte Twitter très actif a notamment été créé dans la foulée, en mars, pour délivrer un message positif de l’action du royaume en France. Plusieurs initiatives ont aussi vu le jour en matière culturelle, comme la récente exposition sur l’art contemporain saoudien inaugurée en grande pompe le 12 mai, en présence de Ségolène Royal et de Jack Lang, à Artcurial, la célèbre maison de vente aux enchères des Champs-Élysées. L’ancien ministre de la Culture de François Mitterrand, aujourd’hui président de l’Institut du monde arabe (IMA), s’est d’ailleurs déplacé à deux reprises en Arabie saoudite depuis 2015 pour y rencontrer des artistes et ne tarit pas d’éloges à leur sujet. À cela il faut aussi ajouter des visites plus fréquentes de membres de la Choura (le parlement du pays qui n’a pas de pouvoir décisionnel) en France.
Pour redorer son image dans l’Hexagone, l’Arabie saoudite a également sollicité quatre agences de communication et de relations presse françaises : Publicis, Image 7, Edile Consulting et une autre dont le nom n’a pas filtré. Leurs missions varient et sont encore limitées. Publicis, dont la première actionnaire, la philosophe Élisabeth Badinter, a appelé au boycott des entreprises qui se lancent dans la « mode islamique », assure par exemple un service de relations presse auprès du ministre des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, lorsqu’il se rend en France.