Deux économistes, Pierre Cahuc et André Zylberberg, viennent de commettre un pamphlet ignoble, contre tous les économistes critiques, contre ceux qui proposent aux citoyens des pistes de réflexion pour sortir de l’impasse du néolibéralisme. Pour eux, une pensée unique doit prévaloir en économie, à laquelle tous, économistes et citoyens, doivent se soumettre.
Le titre – Le négationnisme économique, et comment s’en débarrasser – est abject, qui oublie que le négationnisme est un délit, la négation du génocide nazi [...]. Le sous-titre (Comment s’en débarrasser) est un appel direct à l’épuration.
Il ne s’agit donc pas d’engager un débat intellectuel, mais de demander l’élimination de toute pensée critique.
Ces deux pamphlétaires défendent un scientisme borné
Ces deux pamphlétaires ont une conception tout à fait particulière de la science économique. L’économie serait devenue scientifique depuis 30 ans ; enfin, seule l’économie expérimentale basée, comme en médecine, sur des protocoles expérimentaux (comparer la situation de deux groupes, l’un soumis à la réforme que l’on veut tester, l’autre pas).
Certes, parfois, cette méthode peut être pertinente, mais on ne peut oublier ses limites, surtout pour les sciences sociales : elle est descriptive et pas explicative ; rien ne prouve que tous les facteurs ont été pris en compte ; elle oublie les interdépendances entre agents ; elle ne s’applique pas à l’analyse macroéconomique.
Mais cela ne gêne pas Cahuc et Zylberberg. Seule cette méthode serait scientifique à leurs yeux. Elle a réponse à tout et permet de clore tout débat scientifique. Ainsi, au nom de ce scientisme borné, ils épurent la science économique de toute la macroéconomie, de toute réflexion sur l’organisation économique de nos sociétés.
Puisqu’elle n’entre pas dans leur méthode, les deux scientifiques autoproclamés oublient tout examen sérieux de la situation actuelle : la contre-révolution néolibérale et la globalisation financière ont provoqué, dans tous les pays développés, une forte hausse des inégalités, la précarisation d’une partie de la population, une grande instabilité financière, l’accumulation des richesses financières d’un côté, des dettes de l’autre, déséquilibres qui ont explosé avec la crise financière de 2008.
Ils préconisent les remèdes les plus libéraux qui soient
Faut-il refuser d’analyser ces faits ?
Les économistes atterrés se sont réunis après la crise pour mettre en évidence les déséquilibres induits par la domination de la finance, engendrant des bulles et des krachs, ce que reconnaît l’économie comportementale la plus récente (celle pratiquée par Akerlof et Shiller, deux récents titulaires du prix de sciences économiques « en l’honneur d’Alfred Nobel »), et les politiques d’austérité, dont même le FMI a fini par reconnaître le caractère néfaste après les avoir encensées.
Ont-ils eu à ce point tort qu’il faille les exclure de la science économique ? Cela amène miraculeusement Cahuc et Zylberberg à préconiser les remèdes les plus libéraux qui soient : baisser les coûts des bas salaires, donner toutes les libertés aux chefs d’entreprises. Pourtant, malgré ce qu’ont pu écrire les économistes libéraux, de nombreux pays introduisent maintenant des salaires minima relativement élevés (Allemagne, États-Unis, Royaume-Uni).
Les pays où le niveau de vie des salariés est très bas voient se développer la précarisation d’une partie importante de la population. La France doit-elle se donner comme seule stratégie, celle de développer les emplois précaires sous-payés (le SMIC étant un ennemi de l’emploi selon les auteurs), emplois qui ne correspondent pas à la formation des jeunes ?
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Pierre Cahuc présente son ouvrage Le négationnisme économique sur le plateau de BFM Business :