C’est par cette formule que S. A. R. le Prince Sixte Henri de Bourbon Parme a conclu l’entretien qu’il a bien voulu nous réserver à propos de l’affaire lybienne…
Saint Plaix : Mgr, quelle était la raison de votre voyage en Libye au printemps ?
« Il était très clair que voir l’OTAN engager nos forces aériennes – puisque grâce à Monsieur Sarkozy nous avons réintégré le commandement unifié de l’OTAN – posaient un certain nombre de questions.
Notamment à quel titre, et sans aucun motif sérieux, pouvait-on, au mépris de toutes les lois internationales, décider un beau matin de bombarder, voire d’envahir, un pays souverain avec lequel la France entretenait des relations diplomatiques depuis des décennies et dont le président avait été il y a encore peu l’hôte de l’Elysée ?
Je voulais me rendre compte sur le terrain de la réalité de la nature des sentiments du peuple libyen que j’ai trouvé alors très majoritairement uni derrière son chef.
Je voulais aussi témoigner de ce que le peuple français ne se faisait pas unanimement complice de l’agression militaire sans précédant dont le peuple libyen était la victime et qu’au-delà de la classe politique, des voix s’élevaient en France contre cette action. »
Saint Plaix : Que pensez-vous du prétexte invoqué par BHL à propos d’un bain de sang à éviter à Benghazi ?
« Que penser d’un philosophe de comptoir dont le plus bel exploit littéraire à ce jour a consisté à donner dans le panneau du canular burlesque de l’affaire Botul ? BHL n’est rien moins qu’un agent sioniste qui utilise une notoriété littéraire bien usurpée pour jouer un rôle dans le monde sociopolitique français.
Il est clair que la rébellion de Benghazi n’est pas née du hasard : un certain nombre de gens déterminés, soutenus notamment par Israël, puis par les Etats- Unis, sont entrés en dissidence face au pouvoir central libyen.
On a aussitôt vu toutes nos bonnes consciences, à commencer par BHL, se précipiter au chevet de cette poignée de rebelles, clamer que la répression serait terrible et qu’il fallait les soutenir pour éviter précisément un bain de sang. Où a-t-on vu dans l’Histoire récente une ingérence de la sorte dans les affaires intérieures d’un état souverain qui fait face à un soulèvement local ? Ce qui est stupéfiant, c’est que la Ligue Arabe a fini par donner son accord et que l’OTAN se soit jetée avec enthousiasme dans cette opération de soutien à des rebelles, devant l’indifférence totale des peuples européens concernés : songez qu’il n’y a eu, en France, aucune déclaration de réprobation d’un quelconque leader politique, aucune manifestation d‘envergure pour réprouver le début des bombardements de Tripoli et que lorsqu’enfin l’affaire libyenne est arrivée devant le Parlement, il ne s’est trouvé que 27 députés pour voter contre !
Mais la responsabilité arabe est considérable, car jamais l’OTAN n’aurait osé se lancer dans l’aventure sans le soutien avéré de la Ligue Arabe. »
Saint Plaix : Croyez-vous à l’influence d’Israël dans cette affaire ?
« Il suffit de voir qui sont les acteurs européens et non européens qui ont entraîné le monde occidental dans cette opération : tous sont des sionistes de cœur, qu’ils soient juifs eux mêmes ou sympathisants.
Il faut bien voir que cette affaire de destruction programmée de la Lybie – car il n’y a pas d’autres mots pour décrire l’ampleur des bombardements effectués et des destructions civiles constatées – s’inscrit dans un mouvement géopolitique beaucoup plus vaste de déstabilisation de l’ensemble des pays du Moyen Orient, déstabilisation qui vise à une balkanisation de ces états au seul profit d’Israël. Elle touche déjà, après l’Irak et aujourd’hui la Libye, le Soudan et l’Egypte, en attendant la Syrie et le Yémen, sans parler de menées insurrectionnelles périodiquement fomentées au Maghreb et en Iran.
C’est Garaudy qui, dans deux de ses livres, avait évoqué ce projet sioniste de balkanisation rédigé dans la revue de stratégie sioniste Kivounim dès 1982 : un article dont il a reproduit la traduction et l’original hébreu.
J’y ai relevé cette phrase des plus significatives, qui fait suite, avant l’évocation du sort du Liban et l’Irak, à la description de la « dislocation de l’Egypte » : « Une fois l’Egypte ainsi disloquée et privée de pouvoir central, des pays comme la Lybie et le Soudan, et d’autres plus éloignés connaîtrons la même dissolution. » (sic !)
Je crois qu’il n’y a rien à ajouter ! « Dislocation », « dissolution », on n’est pas plus clair !
S’il en était besoin, l’annonce officielle faite par le Conseil National de Transition de l’octroi d’une base militaire aérienne à Israël dans l’ouest du pays, lèvera le doute dans les esprits les plus sceptiques… Et une telle modification de l’équilibre de l’implantation des forces militaires en méditerranée constitue une menace extrêmement grave aujourd’hui tant pour le Maghreb que pour toute l’Europe de l’Ouest… »
Saint Plaix : Puisque qu’à travers ce plan de stratégie sioniste vous avez évoqué le sort de l’Egypte, que penser des affrontements actuels entre coptes et musulmans ?
« Nous sortons évidemment là de la question de la Libye. Il est clair que ces affrontements ethno-religieux en Egypte s’inscrivent clairement dans le processus de dissolution égyptien que je viens d’évoquer : la stratégie sioniste prévoit une partition de l’Egypte avec création d’un état copte au sud et une mosaïque d’entités confessionnelles musulmanes diverses en Basse Egypte. Les affrontements religieux actuels sont tout à fait de nature à conforter ce processus et je crains que cela ne se reproduise durablement…
Comme on l’a déjà vu au Liban et en Irak, les chrétiens au Moyen Orient sont partout les premiers à faire les frais de la nouvelle stratégie géopolitique de déstabilisation ! A chacun d’en tirer ses conclusions… »
Saint Plaix : Pour en revenir à la Libye, connaissant votre attachement pour l’Espagne, ne voyez-vous pas un certain rapport des situations ?
« Je vois ou vous voulez en venir, non sans malice ! Il est certain que le parallèle est très tentant !
Il ya des anniversaires qui ne peuvent être des coïncidences : les premières frappes aériennes sur la Libye ont été effectuées 48 heures avant l’anniversaire du bombardement de Guernica ! Quel symbole !
Ajoutons que ce bombardement de Guernica avait été décidé par les autorités allemandes deux jours plus tôt pour aider la dissidence franquiste ! Autrement dit, le bombardement de la Libye est à la bonne date !
Il est intéressant de voir que la situation est exactement la même : l’appui aérien d’un pays étranger à des forces dites rebelles au pouvoir en place !… Mais un cas, toutes les bonnes consciences ont fait assaut d’indignation, alors que dans l’autre, les mêmes viennent toutes d’applaudir…Etrange conception à géométrie variable de la morale politique comme de la conscience dite démocratique…
Mais il faut limiter là la comparaison : la destruction de Guernica a été reconnue avoir été très exagérée par la propagande républicaine communiste, et cela n’a eu finalement que peu de conséquences sur le déroulement de la guerre civile espagnole. Ce bombardement n’a d’ailleurs duré que quelques heures…Rien à voir avec la destruction quasi complète des infrastructures libyennes par l’OTAN aujourd’hui après des mois de bombardements…Mais l’Europe va pouvoir les reconstruire en se finançant sur le pétrole libyen ! Il n’y a pas eu de Brigades International en Libye, seulement des « agents infiltrés »…Rien de comparable.
Mais on peut craindre aujourd’hui en Libye des représailles et des règlements de comptes effroyables qui rappelleront les exactions sanglantes des républicains espagnols et qui auront d’autant plus d’ampleur que les médias occidentaux s’abstiendront bien évidemment d’en rendre compte : les contestables vainqueurs d’aujourd’hui, portés par l’OTAN, doivent paraître et demeurer sans tache ! »
Saint Plaix : On a annoncé hier la mort de Kadhafi, que cela vous évoque- t -il ?
« Je suis atterré et indigné ! Il ne s’agit pas de parer Kadhafi de toutes les vertus mais il faut bien admettre qu’il n’était pas le nouvel « ennemi public numéro un » qu’une propagande malsaine nous laisse supposer ! Il y a eu autant de mensonges autour de Kadhafi qu’autour de Saddam Hussein… Les atlanto-sionistes, sans doute pour se donner bonne conscience, ont besoin de fabriquer des mythes pour justifier leurs exactions. On l’a vu en Irak avec les fameuses armes de « destruction massive »…
La Libye était un pays riche de son pétrole dont le Raïs faisait profiter tout le monde : écoles et hôpitaux gratuits, nombreuses infrastructures populaires, etc. C’était un pays stable, non aligné dans sa politique étrangère, et qui n’avait pas de dette extérieure…
Une aubaine pour les décideurs de la haute finance internationale qui a vu là un gâteau très juteux jusque là encore inaccessible ! On ne s’étonnera pas dès lors que Kadhafi ait qualifié les rebelles et surtout leurs soutiens de « rats » !
Kadhafi avait financé beaucoup d’hommes politiques en Occident, notamment en France, et l’obsession d’aujourd’hui de vouloir faire juger les chefs d’état pour « crimes contre l’humanité » risquait de conduire Kadhafi à disposer d’une tribune d’où il n’aurait pas manqué de dévoiler des choses des plus compromettantes, notamment à six mois des élections présidentielles françaises : sa mort rassure donc tout le monde !
Ce lynchage est particulièrement ignoble, tout comme l’assassinat de son fils Mouatassim qui l’accompagnait…mais il pouvait s’avérer être aussi un témoin dangereux. Tous les membres de la famille Kadhafi – du moins ceux qui n’ont pas encore été assassinés – sont aujourd’hui menacés.
On peut s’étonner de voir les chacals occidentaux revendiquer aujourd’hui leur part à l’estocade, tels ces officiels français qui insistent pour « revendiquer l’exploit » et souligner qu’il y avait bien « un avion français parmi l’escadrille de l’OTAN qui a anéanti le convoi qui abritait Kadhafi ». On dépasse là les limites de l’abjection !
Mais c’est sans doute l’évolution morale que souhaite pour notre pays Bernard Kouchner, l’inventeur du « Droit d’ingérence », ce qui risque de nous entraîner encore bien au delà : ne voit-on pas aujourd’hui le sénateur américain Mc Cain déclarer que depuis la mort de Kadhafi, les dictateurs du monde entier se trouvent aujourd’hui menacés, et de souligner :
« Nous croyons ferment que le peuple libyen aujourd’hui est un modèle pour ceux de Téhéran, Damas, et même Pékin ou Moscou…Les libyens inspirent le monde et démontrent que l’on peut renverser les dictateurs et les remplacer par la liberté et la démocratie. »
Damas, Moscou, Pékin ! Si cela ne s’appelle pas un appel à l’insurrection internationale !
Aujourd’hui c’est donc l’ensemble du monde qui trouve sa stabilité menacée au mépris du respect des juridictions nationales, au nom de l’appréciation de valeurs des plus contestables brandies par le plus petit nombre qui les utilise à son seul profit ! Un risque bien réel de guerre mondiale donc, et l’on sait que les conflits sont toujours les bien venus dans les périodes de récession économique !
« En Lybie le lion est mort et, de partout, les chacals glapissent »…
Propos recueillis par Saint – Plaix 23/ 10/ 11