D’abord, qui est Thierry Burkhard ? C’est le chef d’état-major de l’armée de Terre, ou CEMAT, car l’armée adore les sigles et les acronymes. Pourquoi parler de Burkhard ? Parce que Le Monde, ce grand journal antirusse et anti-Poutine, a publié un article sur le plan stratégique du CEMAT. Voici le résumé du journal des Marchés :
Dans son plan stratégique, le général Thierry Burkhard juge que l’Europe est actuellement « cernée » par « la militarisation sans complexe du monde »
Le 10 mars 2020, pour vous donner une idée du personnage, il était interviewé par Merchet, de L’Opinion :
Pour Burkhard, on est en train de passer de conflits de basses intensités, dits asymétriques, à des conflits de haute intensité, à savoir État contre État, comme c’est le cas en Libye, ce terrain d’opérations pour les armées turque et russe.
« Aujourd’hui, selon lui, ce cycle de conflictualité dominé par la contre-insurrection s’achève. L’armée attend de nouveaux affrontements, “symétriques, État contre État”. La guerre en Libye, avec le partage du terrain qu’ont organisé la Russie et la Turquie, démontre qu’ils peuvent arriver plus vite que prévu, et ce non loin de la France. L’Europe, juge le général, “est cernée” par “la militarisation sans complexe du monde”. “Nos adversaires nous testent de plus en plus durement, sans craindre d’aller à l’incident”. Or, a-t-il expliqué à ses troupes dans une vidéo interne, “le moindre incident peut dégénérer en escalade militaire non maîtrisée”. » (Le Monde)
L’Europe « cernée », un ennemi à nos portes, pas la peine de nous faire un dessin : Stoltenberg, le travailliste norvégien devenu secrétaire générale de l’OTAN, n’aurait pas dit mieux ! Nous n’avions pas lu la suite, elle nous donne raison :
« L’armée française épouse les analyses de l’OTAN. “Le combat futur avec la Russie ne procédera pas d’une invasion, mais peut-être d’une erreur de calcul qui nous entraînera”, assurait ainsi un cadre de l’organisation, il y a quelques mois, à Paris. Dans ce contexte, avait estimé l’expert, “l’armée de terre française devra se concentrer sur ses capacités de dissuasion, toujours se tester et innover sous la pression, développer ses feux, son interopérabilité et ses défenses antimissiles, mais aussi sécuriser ses systèmes de commandement”. »
Cette nouvelle doctrine ferait se retourner le général de Gaulle dans sa tombe. C’est bien la pression américaine qui cherche à séparer les Français des Russes, ces deux grandes armées en Europe, à la fois opérationnelles et équipées. On met les britanniques à part parce qu’ils sont complètement alignés sur les intérêts américains en la matière.
« La France, le Royaume-Uni et la Russie sont les trois seuls États en Europe à posséder une force de dissuasion nucléaire. L’armée française était classée en 2017 deuxième en Europe derrière la Russie, et cinquième au niveau mondial. Selon une étude américaine, la France restera la principale puissance militaire en Europe (hors Russie) et dans les cinq premières mondiales dans les années 2030. » (Wikipédia)
L’ultime obstacle pour le Pentagone en Europe, la Russie mise à part, c’est la dissuasion nucléaire française, la dernière indépendance de notre armée. Mais depuis la soumission nationale aux intérêts de l’OTAN sous Sarkozy, notre dernière souveraineté bat de l’aile. Il reste une solution, puisque l’Allemagne possède la troisième armée européenne en termes d’armements et de budget, c’est un front de défense européen animé par le couple franco-allemand, qui a déjà une brigade à son nom comprenant... 5000 soldats.
Mais la perspective d’un conflit avec la Russie (on se demande si Burkhard ne rêve pas d’une victoire sur les Rouges dans une guerre éclair) ne doit pas effacer les guerres asymétriques réelles, comme au Sahel. Mais le CEMAT se bat sur deux autres fronts : le budget, et l’administration.
« Autre problème, l’héritage des réformes menées entre 2008 et 2017. “Les armées sont enfermées dans un excès de normes”, juge Thierry Burkhard. Ce carcan bureaucratique a entamé le moral des troupes. Il s’est combiné avec un modèle de défense inspiré de l’entreprise, vivement dénoncé par les chefs militaires. “L’efficience, c’est l’antirésilience, poursuit-il, car elle dit : ’Pas de stocks, cela coûte’, ’Pas la peine d’avoir des camions pour tout le monde’, ’On pourra acheter des munitions le moment venu’.” La crise sanitaire a mis au jour les dépendances de la France, des masques aux médicaments. “Nos ennemis feront tout pour nous empêcher de compléter nos stocks de munitions et de pièces de rechange”, alerte le chef militaire sur ce qui pourrait se passer demain. »
Message envoyé à Poutine, qui sait ce qu’il lui reste à faire pour paralyser notre pays et l’envahir. Mais les Russes ne semblent pas craindre une France affaiblie par ses médias et ses hommes politiques...
Pour finir, Burkhard montre qu’il n’est pas très bien-pensant et qu’il préfère un soldat à un gentil combattant des « différences » :
« Le nouveau plan s’accompagne d’une réécriture du code du soldat. Le bréviaire a été recentré sur l’état singulier du militaire par rapport au civil, il devient un “code d’honneur”. Son ancien point 9 – “Il est ouvert sur le monde et la société et en respecte les différences” – est supprimé. Au chapitre du “Combat”, le mot “ennemi” vient remplacer celui d’“adversaire”, tout en rappelant l’éthique française en la matière, inchangée : “Maître de ma force, j’agis avec humanité et respecte mon ennemi”. »
Même le Russe ?