Les Gazaouis ne cessent de se plaindre auprès des services de sécurité de la Bande à cause du chantage qu’ils subissent de la part des services de sécurité et de renseignement Israéliens. Ce dernier cherche à recruter de nouveaux espions Palestiniens en jouant sur leurs besoins essentiels et basiques tel que le travail, l’argent, les soins médicaux ou encore le besoin de voyager.
Une guerre sécuritaire larvée oppose actuellement le Shin Bet et les services de sécurité de Gaza. Le premier a les moyens de recruter des Gazaouis qui lui fourniront des informations au sujet de tout ce qui se passe dans la Bande de Gaza, tandis que le second [les services de sécurité de Gaza] cherche à contrecarrer ces tentatives.
D’après le Colonel Mohamed Abu Harbeed, spécialiste dans la sécurité de l’information au Ministère de l’Intérieur de Gaza « En 2014, entre 70 et 80% des citoyens traversant le passage d’Erez, contrôlé par les Israéliens, ont été soumis à des tentatives de recrutement par Israël. » Ces citoyens, a-t-il précisé à Al-Monitor, appartiennent à différentes catégories de la société et sont des marchands, des patients, des Gazaouis qui effectuent des voyages de loisir et de tourisme ou alors des étudiants inscrits dans des universités à l’étranger.
Et d’ajouter :
« Selon les plaintes déposées par ces citoyens, les officiers Israéliens du Shin Bet leur ont demandé de fournir des informations sur le siège des services de la sécurité à Gaza, d’espionner les moindres mouvements d’une catégorie donnée de personnes et d’aider l’armée Israélienne dans sa collecte d’informations sur des citoyens ordinaires en délivrant des rapports sur leurs vies personnelles. En d’autres termes, ces officiers veulent que les citoyens de Gaza soient leurs yeux et oreilles dans la bande. »
Dans cette optique, Al-Monitor a rencontré le père d’un petit garçon de huit ans. Se confiant sous le pseudonyme de Mohamed Wassim, l’homme de 45 ans a personnellement été approché par un officier israélien lors de sa présence au niveau du passage d’Erez. Ce jour-là, il devait conduire son fils dans un hôpital Israélien pour ses séances de chimiothérapie. Il raconte :
« Il y a presque six mois, je devais emmener mon fils dans un hôpital Israélien pour son programme de chimiothérapie. Toutefois, l’officier Israélien m’a fait une offre qui consistait à me payer le traitement de mon fils en échange d’informations essentielles pour Israël. J’ai refusé de devenir leur espion et j’ai rejeté l’offre, ce qui m’a valu un refus d’obtention du permis d’entrée en Israël, et je suis donc retourné à Gaza. »
En septembre 2013, le Centre pour les Droits de l’Homme à Gaza, Al Mezan avait révélé que les autorités israéliennes « continuent d’exploiter les besoins des Gazaouis, notamment l’urgence de voyager en Israël et en Cisjordanie pour des soins médicaux. Pour ce faire, ils essaient de les piéger pour les arrêter ou tentent de leur mettre la pression pour qu’ils choisissent entre espionner pour Israël ou alors retourner à Gaza où ils risqueraient de mourir d’un moment à l’autre. »
Pour sa part, l’appareil de sécurité interne du Ministère de l’Intérieur qui est un organe civil mis en place par le Hamas, encourage les citoyens soumis à ce genre de pratiques à le contacter afin de pouvoir faire le suivi de ces cas.
Abu Asem, membre de l’appareil de sécurité interne qui a refusé de divulguer son nom complet, a expliqué à Al-Monitor que tous les citoyens qui se sont fait chanter par des officiers Israéliens n’hésitent jamais à contacter les services de sécurité pour les mettre au courant des pressions qu’ils subissent car, en dépit de ce qu’ils endurent, les Gazaouis craignent d’être accusés d’espionnage et de crime de haute trahison.
« Notre communauté collabore avec nous. Sans peur ni crainte elle nous fournit des informations importantes car elle sait que nous sommes là pour protéger notre peuple. Personne ne veut être impliqué dans une affaire d’espionnage » a-t-il déclaré avant d’ajouter : « L’extorsion et l’exploitation des gens qui sont dans le besoin constituent 25% des cas impliquant des officiers Israéliens qui aspirent à recruter de nouveaux collaborateurs et espions. D’autres méthodes sont également utilisées comme les menaces, la propagande et la tentation. » Il a par ailleurs noté que ces activités de recrutement ne se résument pas seulement au passage d’Erez, mais s’effectuent aussi par téléphone mobile et internet.
Abu Asem a cité un exemple de plainte, émanant d’un marchand gazaoui qui voyageait de Gaza vers la Cisjordanie en passant par Erez. « Le quarantenaire a subi de lourdes pertes. Alors qu’il était au passage d’Erez, un officier Israélien lui a fait part de la possibilité de le soutenir financièrement et de lui accorder d’importants avantages fiscaux en échange de quelques informations concernant les sièges des services de sécurité à Gaza » a-t-il raconté.
Le marchand a porté sa réclamation devant les services de sécurité qui lui ont fourni le soutien moral et psychologique nécessaires qui l’empêchera de devenir la proie de ces pratiques Israéliennes.
Dans une déclaration publiée le 12 avril, le Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH) a indiqué que les autorités Israéliennes ont délibérément limité le nombre de Palestiniens qui passent par Erez et ce, en les humiliant, en les menaçant d’arrestation ou en refusant de leur délivrer le permis d’entrée.
Citant une source sécuritaire, le 17 avril, Al-Majd, le site internet de la sécurité, proche des Brigades Izz al-Din al-Qassam, la branche militaire du Hamas, a rapporté : « Le Shin Bet est en train de proposer des offres attrayantes pour leurrer les Gazaouis et les amener à travailler pour Israël rien que pour améliorer leur situation économique difficile…Les citoyens ont confirmé avoir reçu des appels téléphoniques du Shin Bet leur offrant l’opportunité d’améliorer leurs conditions en leur fournissant l’aide financière qui soulagera leurs dettes accumulées, étant donné la situation économique précaire que vit Gaza. En contrepartie, les citoyens devront tout révéler sur la résistance. » Le site a ajouté que certains officiers qui appelaient par téléphone déclinaient leurs identités, tandis que d’autres utilisaient des pseudonymes.
Al-Majd publie continuellement les plaintes et réclamations des citoyens dénonçant le chantage qu’ils subissent de la part des officiers Israéliens dans le but de sensibiliser les Gazaouis. Le site propose en parallèle des conseils sur la façon d’agir dans de pareilles circonstances.
En effet, le site internet offre des conseils et astuces sur l’usage d’internet et des sites des réseaux sociaux : il faut supprimer les abonnés suspects sur Twitter et les amis jamais rencontrés auparavant. Il ne faut pas répondre aux courriels louches et éviter de discuter et d’ouvrir des fenêtres de discussion évoquant les activités de la résistance sur tous les sites des réseaux sociaux. Aussi, il ne faut pas ouvrir les messages provenant de source inconnue.
Le site fournit également des conseils aux voyageurs devant traverser le passage d’Erez :
« Si quelque chose vous préoccupe, évitez de traverser un passage contrôlé par l’occupation. Le calme et la maîtrise de soi sont des armes qui déjoueront les tentatives détournées et les pièges de l’ennemi. N’ayez surtout pas peur des menaces des officiers du Shin Bet car elles reflètent leur faiblesse et leur impuissance. L’officier du renseignement va tenter de vous intimider en vous dévoilant les moindres détails précis de votre entourage ; ne répondez pas et contentez-vous de réponses brèves et succinctes. »
D’après Abu Harbeed, les officiers Israéliens qui cherchent à exploiter les besoins des Gazaouis et à les contraindre à travailler en tant qu’informateurs utilisent le terme « intérêt commun » qui signifie, dit-il « Qu’allez-vous nous donner en échange de notre offre ? » Les officiers ciblent les pauvres et les nécessiteux afin d’accroître leurs chances de trouver quelqu’un qui serait prêt à coopérer et prêt à tout pour survivre.
Il a ajouté que les services de sécurité de Gaza sont entièrement conscients des méthodes que les Israéliens utilisent pour choisir et engager les citoyens Gazaouis :
« Nous avons scindé les groupes ciblés en plusieurs catégories : ceux interpellés au passage d’Erez ou à la frontière, les pêcheurs, ceux qui travaillent à l’étranger et ceux contactés par téléphone ou via internet, ce qui implique 60% des tentatives de chantage de l’occupant. »
S’agissant du nombre de plaintes enregistrées par les services de sécurité, Abu Harbeed a conclu :
« Les réclamations des citoyens sont nombreuses et continues. Toutefois, le dénominateur commun entre les victimes de l’exploitation et du chantage Israélien reste le besoin humanitaire. »