Le 15 mai dernier Sepp Blatter, président de la FIFA, interrogé par la Radio-télévision suisse (RTS), est revenu sur l’attribution du Mondial 2022 au Qatar en parlant d’ « erreur ». Un bien faible mot pour désigner ce qui s’apparente de plus en plus à un véritable fiasco avec à la clef un scandale de corruption, une organisation chaotique, et des centaines, si ce ne sont des milliers de morts sur les chantiers des infrastructures…
En effet, depuis septembre 2013, les ambassades de pays qui fournissent les bataillons d’ouvriers immigrés au Qatar (Inde et Népal, entre autres) alertent sur les centaines de morts depuis deux ans sur les chantiers du Mondial. Rien que pour l’année 2013, 173 Népalais ont perdu la vie dans ce drame humain qui s’apparente à de l’esclavagisme moderne, comme le pointait un rapport d’Amnesty International daté du 17 novembre 2013. La Confédération syndicale internationale, dans un rapport du 30 septembre, mettait en garde sur les 4 000 morts que pourrait causer l’organisation de l’événement d’ici à 2022.
Alors que l’hécatombe continue, le Qatar et la FIFA se renvoient la patate chaude. D’un côté l’émirat a nié à maintes reprises qu’il y ait eu des morts, de l’autre Sepp Blatter reconnaissait le 21 mars dernier :
« Nous avons une part de responsabilité, mais nous ne pouvons faire preuve d’ingérence dans les droits des travailleurs. […] Nous insistons pour dire que les responsabilités incombent premièrement à l’État du Qatar et deuxièmement aux entreprises qui emploient les travailleurs. »
Sepp Blatter a aussi expliqué que la FIFA « peut aider à travers le football à résoudre ce problème ».
Un problème que la FIFA a pourtant largement contribué à créer en confiant l’organisation du Mondial 2022 au Qatar, attribution qui s’apparente de plus en plus à un scandale de corruption. En effet, c’est France Football du 29 janvier 2013 qui, dans un gros dossier, avait révélé que le choix du Qatar avait été le fruit d’« échanges de bons procédés ». Selon le magazine, le président de la République Nicolas Sarközy, le président de l’UEFA (l’Union des associations européennes de football) Michel Platini et le prince du Qatar auraient décidé en novembre 2010 du rachat du club parisien par l’émirat (intervenu l’année suivante), le lancement d’une chaîne qatarie pour concurrencer Canal+ (beIN Sports, lancée en juin 2012) et la montée en puissance de l’actionnariat qatari au sein du groupe Lagardère (intervenue en décembre 2011). En échange des largesses qataries, Michel Platini se serait engagé à donner sa voix au Qatar pour l’organisation de la Coupe du monde en 2022.
Ce qui semblait être un « Qatargate » sera rapidement étouffé, mais le scandale a été relancé par The Telegraph du 17 mars 2014. Le quotidien britannique évoque les soupçons de corruption sur l’ancien vice-président de la FIFA Jack Warner. Selon un document comptable, sa société Jamad aurait touché plus de 1,2 millions de dollars de Kemco, une société dont le propriétaire n’est autre que Mohamed Bin Hammam, l’ancien représentant du Qatar à la FIFA. De plus, ces sommes auraient été versées en décembre 2011, juste après l’attribution de la coupe du monde 2022 à l’émirat…