Rassurez-vous, on ne va pas commenter chaque jour les articles du Monde contre le FN. C’est devenu, on s’en doute, leur obsession numéro un. Il s’agit de faire peur aux Français qui seraient tentés par le vote national.
En mai 2002, entre les deux tours de la présidentielle, la manip des médias dominants avait fonctionné : les Français, surtout les jeunes – qui sont perfectibles, pour rester polis – avaient manifesté contre la Bête immonde, déclenchant les quolibets des Français conscients de l’opération. Mais la lucidité ne pouvait rien contre ce raz-de-marée orchestré par toutes les puissances alors en place. Et qui le sont toujours.
Sauf qu’entretemps, il s’est passé quelque chose qui s’appelle l’Internet. oh, la Toile existait déjà, et quelques passionnés s’y baladaient depuis la fin des années 90, mais le grand changement est venu après 2004-2005 et la démocratisation du haut débit, malgré les réticences et les retards plus ou moins volontaires de France Télécom. Et là, c’est devenu de plus en plus difficile de mentir. Le P to P, ou l’information horizontale s’est développée à une vitesse et à un point qui a bouleversé les rapports de forces dans le domaine médiatico-politique : le peuple, ce tiers-État, existait enfin.
Perturbés, bousculés, désorientés, les médias dominants ont opté pour le combat frontal contre les nouvelles forces de l’information indépendante. Répression et dénonciation ont été ses deux mamelles depuis 10 ans. Peine perdue : les lecteurs décrochent les uns après les autres pour rejoindre le maquis informationnel, et la répression verticale haut-bas n’a fait qu’empirer la situation. Les journaux licencient par wagons entiers, et si le pouvoir étatique – sous contrôle oligarchique, on s’en doute – n’intervenait pas à coups d’aides publiques et de subventions cachées, ces vecteurs de la propagande seraient presque tous morts. Le libéralisme économique pur les aurait condamnés. Pour eux, la loi libérale ne s’applique curieusement pas ! Pour les gens, c’est une autre histoire...
- Fréjus, ce laboratoire de la France qui vient...
Alors la dernière du Monde, qui s’enfonce toujours plus dans le ridicule, c’est le relais, le 17 février 2017, de l’Appel de Fréjus. Au mot appel, on pense tout de suite 18 juin, général de Gaulle, résistance, fascisme. Sauf que là, il s’agit d’un collectif d’artistes et d’intellectuels de Fréjus qui critiquent la politique culturelle du Fn dans la ville, on le rappelle, dirigée par David Rachline.
On vous sort la phrase mangifique mise en exergue par le journal de Bergé, Niel et Pigasse :
« Le Front national assume un discours sur la culture tristement terrifiant »
Que s’est-il passé ? Les artistes de gauche ont-ils été passés par les armes des néofascistes ? Non, pas vraiment.
« La municipalité a affiché sur les ateliers laissés par les artistes contraints à quitter les lieux : “Ici avant un fainéant, aujourd’hui un travailleur”, dévoilant si besoin leur véritable mentalité sur la question artistique. »
- Françoise Cauwel, en rouge sur la photo
L’horreur « terrifiante », n’est-ce pas. À l’élue des Républicains Françioise Cauwel la lourde charge de lancer le mouvement antifasciste national :
« Ne rien lâcher aussi parce que Fréjus, c’est la France, et que le Front national a clairement identifié la ville comme un laboratoire de sa politique dans le cadre de l’élection présidentielle, qui s’annonce à tout point de vue cruciale et dangereuse. À ce titre, rappelons que David Rachline est devenu à 29 ans le directeur de campagne de Marine Le Pen. »
Ben oui, Françoise, les villes ont toujours servi de laboratoire politique à une gestion nationale : Lille pour Martine Aubry, qui avait des ambitions présidentielles, Delanoë pour Paris, qui a heureusement enterré les siennes, Deferre pour Marseille, Borloo pour Valenciennes... Bon eh bien il y aura Rachline pour Fréjus, voilà tout. Pas la peine d’en faire un scandale.
Il est sûr que la défense de certaines artistes par cette collusion médiatico-politique paraît parfois compliquée : le journal cite Marion Maréchal-Le Pen qui se moquait des « bobos qui font semblant de s’émerveiller devant deux points rouges sur une toile », ce qu’on peut comprendre. En vérité, comme toujours, tout n’est qu’une question de fric et de ponction : des artistes et associations qui vivaient sur le dos de la bête (qui n’est pas immonde quand on lui bouffe la laine) en contrepartie de productions douteuses sont obligés de renoncer à leurs prébendes.
« Ici avant un fainéant, aujourd’hui un travailleur », ont affiché les services de la mairie sur des ateliers laissés par les artistes qui ont dû quitter les lieux. Arrêtons-là les moqueries : la vie d’artiste est difficile, on en sait quelque chose. Mais ce qui choque, c’est la subvention artistique pour des productions dont tout le monde s’accorde à dire qu’elles sont d’une médiocrité affligeante. Certains ne se donnent même plus le mal de... donner le change. On est copain des services culturels de l’ancienne mairie, on se fait refiler du fric par une assoce quelconque dont l’objet est de mettre en valeur le patrimoine culturel, et hop, le tour est joué.
Les vrais artistes, eux, crachent sur ces magouilles et cette médiocrité. Et quand Le Monde affirme que « le manifeste pour Fréjus et le combat de Françoise Cauwel peuvent servir à notre réveil citoyen », il se passe quelque chose d’imprévu : le réveil citoyen a bien lieu, mais dans l’autre sens. Celui de la conscience et du respect des administrés.
Cauwel et sa bande ont beau en appeler à la France de « Claude Lévi-Strauss, de Colette, de Rabelais, de François Mauriac, d’Aimé Césaire, de Simone de Beauvoir, de Molière, de Django Reinhardt, de Marc Chagall », ce genre de manipulation n’a plus d’effet sur les gens [1] : on n’est plus en 2002.