Alors que tous les appareils électroniques vendus en Amérique du Nord, ou presque, sont fabriqués en Chine, les gouvernements occidentaux s’inquiètent soudainement de l’existence de failles de sécurité dans leurs systèmes de télécommunication. Le Canada n’y échappe pas. Bienvenue dans l’ère de la militarisation de l’internet.
Il y a deux semaines à Washington, la Chambre des représentants des États-Unis a publié un rapport sur la cybersécurité. Sa conclusion : Huawei et ZTE, deuxième et cinquième équipementiers en télécommunications en importance du monde, menacent la sécurité nationale. Les deux sociétés cotées en Bourse expliquent avoir collaboré « comme jamais » avec ce comité, mais celui-ci déplore dans son rapport qu’aucune des deux sociétés n’ait pu le rassurer à propos de ses craintes.
« Nous ne pouvons simplement pas faire confiance à des sociétés qui sont liées de près au gouvernement chinois, principal commanditaire du cyberespionnage contre les États-Unis », a résumé Mike Rogers, représentant républicain qui préside ce comité.
La semaine dernière, le Congrès américain a invalidé cette conclusion, car il n’a pas trouvé de faille « particulière » dans les produits de ces deux sociétés. Sauf que ce n’est pas la première accusation d’envergure faite contre la Chine. Il y a deux mois, la France a accusé Huawei et ZTE des mêmes torts : leurs routeurs internet présentent des failles telles qu’il serait facile pour un cyberpirate qui en connaît l’existence de filtrer le contenu, voire de carrément désactiver l’appareil.
Le Canada est dans une situation similaire. Huawei a un laboratoire de R-D qui emploie quelques centaines de personnes en banlieue d’Ottawa, mais le gouvernement a l’intention d’imiter les États-Unis, l’Angleterre et la France et de recommander qu’on cesse d’acheter de l’équipement provenant de sociétés chinoises pour les télécommunications nationales.
Protectionnisme technologique
Benoit Dupont dirige la Chaire de recherche du Canada en sécurité, identité et technologie. Même s’il parle ouvertement de militarisation de l’internet, il estime que les allégations lancées par les pays occidentaux sont essentiellement basées sur du vent.
« Nous sommes dans la spéculation. Il n’y a pas de preuve publique que des fabricants créent volontairement des produits défectueux. En revanche, les services de renseignement de tous les pays savent qu’il y a un avantage stratégique à connaître des failles technologiques dont l’ennemi n’a pas connaissance. »
Le chercheur découvre dans cette politique un avantage économique insoupçonné, puisqu’elle stimulera indirectement l’achat de technologies fabriquées chez nous. Cela pourrait générer des investissements locaux importants, étant donné que plusieurs composants des réseaux informatiques modernes ne sont actuellement fabriqués qu’à un endroit dans le monde : en Chine.
Autrement dit, par crainte de cyberespionnage international et de représailles basées sur l’internet, plusieurs pays qui ont largement délocalisé la fabrication de matériel technologique, dont le Canada, pourraient soudainement prôner un nouveau protectionnisme technologique. Quant à d’éventuelles représailles militaires, ce n’est pas demain la veille...
« Nous ne sommes pas à l’aube d’une nouvelle guerre mondiale, mais devant les menaces de l’internet, les gouvernements réfléchissent à plus long terme. On ne sait pas quand elle surviendra, mais ce qu’on sait, c’est que l’internet et le cyberespionnage seront des composants majeurs de la prochaine grande guerre », conclut M. Dupont.
Le Canada compte partager plus d’information sur l’internet
Le président du Conseil du Trésor souhaite voir le Canada redoubler d’efforts afin de partager davantage de données publiques sur l’internet. Suivant la mouvance de l’Open Data, le gouvernement compte ainsi élargir un projet-pilote en vue d’améliorer la transparence de l’administration publique ainsi que l’engagement citoyen.
C’est ce qu’a déclaré Tony Clement à l’occasion d’une allocution faite à Montréal, cette semaine. Dans le cadre du WCIT, conférence à caractère technologique présentée au Palais des congrès en début de semaine, il a tiré un bilan positif d’un projet-pilote qui a cours depuis mars 2011. « Nous sommes à l’aube d’une nouvelle vague d’innovation qui sera motivée par le mouvement mondial des données ouvertes », a-t-il résumé.
Événement bisannuel, le WCIT avait pour thème cette année « une vision pour une société numérique mondiale ». Les conférenciers ont illustré de quelle façon les données ouvertes, entre autres choses, pouvaient stimuler l’innovation technologique dans plusieurs secteurs coûteux, comme la santé et le transport.
À l’échelle mondiale, les données gouvernementales ouvertes sont perçues comme ayant un potentiel économique immédiat. Par exemple, alors que les Américains attendent en moyenne six semaines avant de pouvoir consulter un médecin spécialiste, les résidants de l’Alaska, eux, peuvent le faire en moins d’une heure, grâce à l’implantation d’un réseau de télémédecine couvrant le territoire de cet État nordique.
À San Francisco, la simple mise en ligne des données sur les transports en commun par la mairie, l’an dernier, lui a permis d’économiser 1 million de dollars en frais de gestion de son réseau public.