Lionel Vairon, sinologue, ancien diplomate et expert des questions internationales, analyse les conséquences géostratégiques du Brexit pour l’avenir de l’Union européenne et ses relations extérieures.
Lors d’une conférence-débat qui s’est tenue jeudi au Centre consultatif pour les études et la documentation, un think tank du Hezbollah, Lionel Vairon, sinologue, docteur en études extrême-orientales, ancien diplomate en poste en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient, a proposé une analyse des implications géostratégiques du Brexit et des évolutions à venir dans les relations de l’Union européenne (UE) avec les États-Unis, l’OTAN, la Chine et la Russie.
Le 23 juin dernier, les Britanniques se sont prononcés en faveur d’une sortie de l’UE, une décision qui ouvre une ère d’incertitudes majeures entraînant un bouleversement des équilibres internes de l’UE et un changement de perspective dans les rapports de l’Union avec les principaux pôles de puissance. Si, historiquement, le Royaume-Uni, non-membre de l’espace Schengen, a su conserver une politique monétaire et de change autonome, et s’est refusé à prendre part à la politique de justice et de sécurité intérieure, il participait néanmoins pleinement au marché unique, à la politique commerciale de l’Union, et restait membre majoritaire de l’UE sur le plan de la défense et des relations euro-Atlantique. Or, comme le rappelle Lionel Vairon, avec le départ du Royaume-Uni, l’Union perd 50 % de son droit de vote au Conseil de sécurité, 40 % de sa puissance de feu nucléaire, 40 % de sa puissance militaire globale et 15 % de son effort d’aide au développement. Le Brexit risque donc d’affecter lourdement les volets défense et sécurité, et d’entraîner des conséquences tangibles dans les relations stratégiques de l’Union.
Perte d’influence
Parmi les principales implications géopolitiques du Brexit, l’auteur du Défis chinois : introduction à une géopolitique de la Chine (Ellipses, 2006) relève que les États-Unis se retrouvent privés de leur « plus efficace cheval de Troie en Europe ».
Depuis son adhésion à la Communauté économique européenne (CEE) en 1973, le Royaume-Uni a toujours été perçu comme un membre réticent. L’histoire de la dernière décennie et les épisodes de l’implication de Londres dans la guerre en Irak et du veto anglais début 2005, visant à bloquer la décision européenne en faveur de la levée de l’embargo sur les armes à destination de la Chine, témoignent de l’importance décisive de Londres dans la stratégie d’ingérence active et systématique de Washington dans les affaires européennes.