On savait que la Tour Eiffel était à la fois le symbole de Paris, ville Lumière, et de la France, patrie des Lumières. Ce qu’on ne savait pas, c’est que chaque année, au début du mois de décembre, elle serait privatisée pour servir de chambre d’écho au judaïsme mondial à l’occasion de Hanoucca, dite « fête des lumières ». Au moment où les crèches de Noël ne sont pas les bienvenues dans les bâtiments publics, on peut se demander si la France n’est pas tombée sur la tête.
Heureusement, on vient d’apprendre que le site de la Tour Eiffel était sécurisé depuis des années par une société israélienne, comme ça les vaches sont bien gardées et tout reste en famille (ou en tribu). Au niveau de la mairie de Paris – plus sioniste tu meurs dans une bousculade à la gay Pride de Tel-Aviv – chaque fin d’année c’est le branle-bas de combat : c’est à qui fera la plus belle déclaration d’amour à Israël, parce que ça revient à ça.
Pratiquement, pour fêter Hanoucca, et si la politique de Benyamin Netayahou ne vous dérange pas (trop), il suffit d’allumer une lumière le premier jour (le 6 décembre, donc), deux le second jour, et ainsi de suite jusqu’au huitième jour. À la fin, on le comprend, on assiste à une sorte d’explosion lumineuse, dedans comme dehors, le chandelier à sept branches comme les lampadaires de la rue. Pour les amateurs d’Histoire, Hanoucca célèbre la première victoire en armes des juifs, sous la direction de Judas Maccabée : en rentrant à Jérusalem reprise aux païens, les juifs découvrent le Temple pillé, sauf une jarre d’huile, dont le contenu permettait de faire une journée de lumière. Et là, miracle, la flamme tint huit jours.
Cette année, la fête se peopolise un peu, avec Arnold Schwarzenegger, qui est venu en personne allumer un gros chandelier devant la Tour Eiffel. On ne sait pas trop ce que l’ex-gouverneur de Californie était venu chercher, peut-être une rallonge budgétaire pour sa prochaine production à Hollywood, diront les mécréants. En réalité, ce soutien financier de l’armée israélienne a fait le voyage pour participer à la Conférence des climats, la COP21. Et en a profité pour se recueillir devant le Bataclan. Mais la fête reprend vite le dessus : Arnold fat ici le zouave avec des barbus de la communauté Loubavitch, et le député Meyer Habib (le gros à droite à la fin de la danse) :
Ce qui est un peu dérangeant dans cette histoire de fête religieuse, c’est sa mise en scène à la limite de l’exhibition (quand on pense que la Fête des Lumières est annulée à Lyon), et la prise en otage de la Tour Eiffel.
Pourquoi pas Bibi Netanyahou qui danse au son de la clarinette de Woody Allen sur le toit de l’Arc de Triomphe, pendant qu’on y est ? Imagine-t-on des chants chrétiens devant l’immeuble du Mossad le soir de Noël ? Non, car cela serait perçu comme une provocation. Mais pour ceux qui suivent l’actualité, la soumission de la ville de Paris au sionisme et à ses symboles depuis l’avènement d’Anne Hidalgo est sans pareil.
On avait déjà eu Bertrand Delanoë qui inaugurait une place Ben Gourion ou le square Ilan Halimi, mais personne n’aurait imaginé le détournement d’un tel symbole, républicain et laïc. On se demande si, dans la foulée des attentats, cette soumission au sionisme n’a pas pris des proportions plus inquiétantes encore. Attention, on fait bien la différence entre sionisme et judaïsme, mais dans le cas d’Hanoucca 2015, on sent bien qu’on veut coller de force les destins de deux peuples. Le 13 août 2015, Tel-Aviv sur Seine avait donné un avant-goût de ce mariage forcé.
Il ne s’agit nullement de détester Israël, juste de se désolidariser de dirigeants dangereux pour la paix au Moyen-Orient, et dans le monde. On n’ignore pas la realpolitik, bien entendu, mais cela ne doit pas être une raison pour tout avaler, même les plus grosses énormités. Et la Tour Eiffel aux mains des Loubavitch en est une. Et une belle ! On a voulu en savoir plus sur le site de la ville de Paris, mais la recherche « Hanoucca » avec toutes les orthographes possibles (« Hanouka », « Hanouccah », « à nous K », « Anouk A. », « âne Houka ») ne donne rien. La mairie n’assume plus ?